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Crise en Corse : Gérald Darmanin et Gilles Simeoni ont acté les engagements pris à Ajaccio


Nicole Mari le Vendredi 18 Mars 2022 à 21:06

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni ont pris conjointement acte du compte-rendu écrit des réunions qui se sont tenues le 16 mars 2022 entre le ministre de l’Intérieur et les élus et forces vives insulaires. Le document acte la méthode, le calendrier et le contenu des discussions, notamment sur le statut d’autonomie, mais aussi les modalités du rapprochement d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri, qui ont été validées au préalable par les deux familles.



Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
« J’engage la parole de l’État. Et c’est l’honneur de la République française de tenir sa parole, et je n’ai aucun doute que tout le monde tiendra la parole de l’Etat », avait proclamé publiquement devant les médias, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, mercredi à Aiacciu, à l’issue d’un après-midi de réunions avec les élus de la Corse et les forces vives. Mais il est bien connu que les paroles s’envolent et que seuls, les écrits restent. Echaudé par le peu de fiabilité des promesses ministérielles, le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a exigé que les « engagements forts » annoncés par Gérald Darmanin, au nom du Chef de l’Etat, soient « consignés dans un document avec un calendrier » et actés par les deux parties, pour que personne, ensuite, ne puissent les nier. « Je souhaite que ces engagements très forts soient consignés dans un document, soient l’objet d’une feuille de route partagée avec la formalisation publique, à la fois de la méthode, du contenu, du processus et du calendrier. Dans ces conditions-là nous pouvons considérer que nous avons posé la première pierre d’un processus historique. C’est notre volonté. C’est la condition sine qua non d’une sortie logique de crise et de conflit pour aller faire une logique d’apaisement et de construction politique partagée », avait-il prévenu, lui, aussi, à l’issue des trois réunions qualifiées d’historiques. Dès le lendemain, le ministre en avait publiquement accepté le principe, toujours devant les médias. « Je suis bien sûr favorable à cet engagement écrit, j’engage la parole de l’État et la main tendue du président de la République montre que le champ de travail sera important ». La rédaction du document par l’Exécutif corse et sa validation parisienne ont pris près de deux jours. Et comme il avait été promis, le document a été signé, vendredi soir, avant le départ du ministre, par Gérald Darmanin et Gilles Simeoni.
 
Des engagements actés
Ce ne fut pourtant pas si simple. Le temps était contraint, les coparticipants multiples, la discussion épuisante, et le ministre a du attendre la prise de parole du chef de l’Etat et son feu vert pour donner le sien. Il aura fallu, une longue discussion, vendredi après-midi, entre le ministre et le président de l’Exécutif. Gilles Simeoni y avait convié, en visio, la présidente de l’Assemblée et les présidents des groupes et apparenté. « Ce qui est important, c’est que nous avons un document écrit qui acte le début du processus », commente Gilles Simeoni. Le document acte la méthode avec les élus et les forces vives, un calendrier fixé au début du mois d’avril et le contenu : les aspects économiques et sociaux, et surtout le travail sur un statut d’autonomie en intégrant les exemples tirés de la Constitution française, des autres statuts de Méditerranée et d’Atlantique comme celui des Açores, avec une possibilité de révision constitutionnelle. Il acte aussi la finalisation du projet avant la fin de l’année 2022. Le document fait également état des divergences sur la langue, la culture et la reconnaissance du peuple corse. Si le ministre confirme, noir sur blanc, « l’absence de tabous quant aux sujets abordés », il réaffirme « deux principes intangibles rappelés par le Président de la République : « la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens » ». Ceci posé, il accepte d’intégrer ces sujets dans les futures discussions.

Le rapprochement du commando
Cependant ces principes intangibles, rappelés par le ministre, excluant d’office la reconnaissance du peuple corse et le statut de résident, sont apparus à certains nationalistes comme une ligne rouge à ne pas franchir. Estimant qu’il serait, dans ces conditions, difficile de signer un protocole d’accord qui fermerait des portes, Gilles Simeoni a sagement décidé d’opter pour une formule plus neutre de compte-rendu des réunions dont il a pris acte avec le ministre. Ce qui n’a pas été du goût de tout le monde « Je n’ai signé, comme l’ensemble de mes collègues, aucun «compte-rendu» de réunion ni de déplacement. Le texte, transmis tardivement, est à ce stade en deçà de notre mobilisation et des enjeux politiques. @avanzemu y reviendra au terme de l’Assemblée du Collectif de ce soir », a réagi Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu. Le document acte, pourtant, les deux revendications premières : le ministre s’engage à faire toute la lumière sur la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna et au rapprochement des deux autres membres du commando. « Le plus important est que nous avons trouvé une formule et des modalités de mise en œuvre du rapprochement d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri que j’ai soumises aux avocats et aux deux familles et qu’ils les ont validées, afin de les sécuriser politiquement et juridiquement », précise Gilles Simeoni. Le compte-rendu conclut sur un appel au calme : « La mise en œuvre de ce processus historique ne peut s’envisager que dans un cadre général apaisé et calme privilégiant le dialogue entre les différentes parties concernées ». Le ministre l’a martelé solennellement durant les trois jours de sa visite : « Il n’y aura pas de rapprochement, ni d’avancée sous la pression de la rue ». Et a prévenu : « A chacun de prendre ses responsabilités ! ».
 
N.M.
 

Le document acté par Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni

Le ministre de l’Intérieur et le Président du Conseil exécutif de Corse ont pris acte ensemble du présent compte rendu.

« Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est rendu à Ajaccio, au siège de la Collectivité de Corse le mercredi 16 mars 2022. Après avoir rencontré dans un premier temps le Président du Conseil exécutif de Corse, puis dans un second temps la Présidente de l’Assemblée de Corse et les Présidents de groupe, il a participé à une réunion plénière inédite en présence des élus et des forces vives de l’île, et notamment des représentants des syndicats étudiants et de la jeunesse. Cette réunion inaugurale visait à créer les conditions d’une sortie de crise et à acter la mise en place d’un processus de dialogue entre les élus et forces vives de la Corse et l’Etat ayant pour objectif de construire et mettre en œuvre une réponse politique globale aux préoccupations exprimées.

Au cours de cette réunion, le ministre de l’Intérieur a rappelé les termes du mandat établi par le Président de la République en 2017 et le Premier ministre, notamment à partir des perspectives dessinées par le Chef de l’Etat pour l’avenir de la Corse et a précisé les contours du cadre de discussion :
- Ouverture d’un « processus à vocation historique de discussions » entre l’Etat et la Corse afin de construire une réponse politique globale à la question Corse, impliquant l’ensemble des élus et des forces vives. Ce processus a vocation à être ouvert à l’ensemble des acteurs insulaires concernés dans la recherche et la mise en œuvre de solutions adaptées.
Ce processus, acté lors de la réunion du 16 mars, débutera à Paris dès la première semaine du mois d’avril par un premier cycle de réunions.
Son périmètre couvrira l’ensemble des problématiques corses, sans exclusive, parmi lesquelles figure l’évolution institutionnelle vers un statut d’autonomie qui reste à préciser. Ce travail sera conduit à la lumière des statuts existants dans la Constitution, en Méditerranée ou le long de l’Arc Atlantique, voire de propositions sui generis.

De la même manière, les autres enjeux en termes économiques, sociaux, culturels et notamment linguistiques seront également abordés. En outre, les élus, syndicats et associations nationalistes ayant participé à la réunion du 16 mars ont indiqué leur volonté d’une évolution concrète concernant « la langue, la culture et la reconnaissance du peuple corse » dans le cadre de ces discussions qui ont vocation à les aborder.

Si le ministre de l’Intérieur a confirmé l’absence de tabous quant aux sujets abordés, il a néanmoins réaffirmé deux principes intangibles rappelés par le Président de la République : « la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens ».
Le ministre a également insisté sur la volonté exprimée par le Président de la République que la Corse trouve toute la place qui lui revient au sein de la Constitution.

Le ministre de l’Intérieur et le Président du Conseil exécutif de Corse s’engagent à ce que les discussions sur une évolution statutaire de la Corse, soient conclues avant la fin de l’année 2022.
- Engagement que toute la vérité soit faite sur les circonstances de la tentative d’assassinat d’Yvan COLONNA notamment au travers de :
  • La mission de l’Inspection générale de la justice (IGJ), demandée par le Premier ministre dont les conclusions seront rendues publiques ;
  • La saisine du PNAT et l’instruction judiciaire en cours.
    Ils prennent acte de la volonté de la Représentation Nationale de procéder également, selon les voies qu’elle choisira, à l’expression de cette vérité.
Concernant Alain FERRANDI et Pierre ALESSANDRI, dont les proches ont été reçus par le ministre à l’issue de la réunion plénière, il a été précisé que la levée par le Premier ministre de leur statut de détenu particulièrement signalé, ouvrait désormais la voie à un prompt rapprochement dans les prochaines semaines vers le centre de détention de Borgo.

Les élus, syndicats et associations nationalistes ayant participé à la réunion du 16 mars ont souhaité évoquer la question « de la libération des prisonniers », et « des suites civiles, pécuniaires et juridiques des condamnations pénales intervenues ». Le ministre a indiqué que l’éventuelle libération des personnes définitivement condamnées « relève de l’autorité judiciaire, indépendante du pouvoir politique, chargée de l’application pleine et entière du droit à la libération conditionnelle, et que les autres questions seraient traitées dans le respect des règles de droit applicables aux matières considérées ».

En tout état de cause, le Ministre et le Président du Conseil exécutif de Corse conviennent que la mise en œuvre de ce processus historique ne peut s’envisager que dans un cadre général apaisé et calme privilégiant le dialogue entre les différentes parties concernées. »