Il y a plus d’un an, l’expression « gestes barrières » a été forgée pour désigner un ensemble de mesures non médicales, à mettre en jeu individuellement, pour diminuer la transmission virale planétaire. On ne disposait alors ni de moyens thérapeutiques efficaces, ni de prévention par la vaccination. L’importance de ces mesures était alors évidente pour tous. Parmi ce qui était recommandé figurait en bonne place le renoncement aux serrements de mains.
Une pratique de substitution s’est installée, le salut « poing contre poing », qui est maintenant répandu. Connu sous le nom de « fist bump », retrouvé dans l’histoire des luttes anti-raciales et des combats de boxe, cette forme de salutation par contact tonique permet de continuer à se sentir les uns parmi les autres, établissant une ambiance de partage de la situation qui s’impose à nous ; autant dire, de complicité face à la calamité actuelle, que tout le monde souhaite voir s’éloigner le plus tôt possible.
Cette façon de saluer n’est pourtant pas innocente, en matière de transmission à autrui de ce que chacun d’entre nous transporte. Et la fréquence de contact entre nos mains et notre visage a été mesurée jusqu’à la valeur de 800 fois par jour. Le nez, les yeux, la bouche, sont des portes d’entrée évidentes pour les micro-organismes que nous nous partageons.
Il est vrai que d’anciennes études recommandaient, en milieu sanitaire, de remplacer le serrement de mains par le contact des poings pour limiter la transmission de germes, (avec une adaptation dans la navigation, connue sous le nom de « cruise tap »). Mais il s’agissait là d’une recommandation applicable dans un cadre où les lavages de mains sont fréquemment répétés, dans un milieu qui n’est pas fortement souillé par des germes à fort potentiel de dissémination.
Une étude plus récente confirme l’hypothèse que tout contact manuel avec les mains d’autrui, y compris avec le dos de la main, est vecteur de transmission viral *. Et pourtant a-t-on l’impression que si « tout le monde le fait », c’est que le geste est sans risque.
Cette croyance collective mérite d’être rectifiée. Elle prend place dans un contexte d’affaiblissement de la communication pertinente. La période des vacances, de vie en plein air ou festive, un certain épuisement des esprits en sortie de confinement, amortissent la vigilance individuelle et collective. L’observation de mesures générales —non médicales— de lutte contre la pandémie en souffre. Le suremploi de l’expression « gestes barrières » conduit à son usure, d’autant plus qu’il s’agit d’une construction abstraite de « gestion stratégique » moins parlante à tout un chacun que les notions plus immédiates de précaution, de prudence, d’attention, d’hygiène, de prévention.
L’envahissement de la communication officielle et médiatique par les annonces concernant la vaccination, parce qu’elle est actuellement la seule méthode active envisageable, et donc un enjeu majeur, tend à occulter l’importance de mesures générales dont l’effet est pourtant déterminant. Tout cela au milieu d’une profusion de messages qui n’ont aucune valeur informative, mais qui capturent, saturent et épuisent les esprits, tant ils sont mobilisateurs de toutes les expectatives.
Pour conclure, alors que quelques semaines sont nécessaires pour qu’un cycle de vaccination développe son efficacité, l’ « hygiène interpersonnelle » immédiate a un impact… immédiat. Et cette vigilance ne coûte pas d’effort lorsque l’on en a pris l’habitude.
Pour l’instant il reste important d’éviter tout contact entre les mains. Cela n’empêche pas un sourire derrière le masque, un clin d’œil, un signe de la main. Dans certaines traditions, on incline le corps pour se saluer ; certains tirent la langue.
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*Jones, L., Ha, W., Cadnum, J., & Donskey, C. (2020). What’s in a Handshake? Exploring the Best Form of Greeting to Prevent Hand to Hand Spread of Viruses. Infection Control & Hospital Epidemiology, 41(S1), S433-S434. doi:10.1017/ice.2020.1096
Une pratique de substitution s’est installée, le salut « poing contre poing », qui est maintenant répandu. Connu sous le nom de « fist bump », retrouvé dans l’histoire des luttes anti-raciales et des combats de boxe, cette forme de salutation par contact tonique permet de continuer à se sentir les uns parmi les autres, établissant une ambiance de partage de la situation qui s’impose à nous ; autant dire, de complicité face à la calamité actuelle, que tout le monde souhaite voir s’éloigner le plus tôt possible.
Cette façon de saluer n’est pourtant pas innocente, en matière de transmission à autrui de ce que chacun d’entre nous transporte. Et la fréquence de contact entre nos mains et notre visage a été mesurée jusqu’à la valeur de 800 fois par jour. Le nez, les yeux, la bouche, sont des portes d’entrée évidentes pour les micro-organismes que nous nous partageons.
Il est vrai que d’anciennes études recommandaient, en milieu sanitaire, de remplacer le serrement de mains par le contact des poings pour limiter la transmission de germes, (avec une adaptation dans la navigation, connue sous le nom de « cruise tap »). Mais il s’agissait là d’une recommandation applicable dans un cadre où les lavages de mains sont fréquemment répétés, dans un milieu qui n’est pas fortement souillé par des germes à fort potentiel de dissémination.
Une étude plus récente confirme l’hypothèse que tout contact manuel avec les mains d’autrui, y compris avec le dos de la main, est vecteur de transmission viral *. Et pourtant a-t-on l’impression que si « tout le monde le fait », c’est que le geste est sans risque.
Cette croyance collective mérite d’être rectifiée. Elle prend place dans un contexte d’affaiblissement de la communication pertinente. La période des vacances, de vie en plein air ou festive, un certain épuisement des esprits en sortie de confinement, amortissent la vigilance individuelle et collective. L’observation de mesures générales —non médicales— de lutte contre la pandémie en souffre. Le suremploi de l’expression « gestes barrières » conduit à son usure, d’autant plus qu’il s’agit d’une construction abstraite de « gestion stratégique » moins parlante à tout un chacun que les notions plus immédiates de précaution, de prudence, d’attention, d’hygiène, de prévention.
L’envahissement de la communication officielle et médiatique par les annonces concernant la vaccination, parce qu’elle est actuellement la seule méthode active envisageable, et donc un enjeu majeur, tend à occulter l’importance de mesures générales dont l’effet est pourtant déterminant. Tout cela au milieu d’une profusion de messages qui n’ont aucune valeur informative, mais qui capturent, saturent et épuisent les esprits, tant ils sont mobilisateurs de toutes les expectatives.
Pour conclure, alors que quelques semaines sont nécessaires pour qu’un cycle de vaccination développe son efficacité, l’ « hygiène interpersonnelle » immédiate a un impact… immédiat. Et cette vigilance ne coûte pas d’effort lorsque l’on en a pris l’habitude.
Pour l’instant il reste important d’éviter tout contact entre les mains. Cela n’empêche pas un sourire derrière le masque, un clin d’œil, un signe de la main. Dans certaines traditions, on incline le corps pour se saluer ; certains tirent la langue.
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*Jones, L., Ha, W., Cadnum, J., & Donskey, C. (2020). What’s in a Handshake? Exploring the Best Form of Greeting to Prevent Hand to Hand Spread of Viruses. Infection Control & Hospital Epidemiology, 41(S1), S433-S434. doi:10.1017/ice.2020.1096