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Paul-André Colombani : « Quand la France va-t-elle ratifier la charte européenne des langues régionales ? »


Nicole Mari le Mardi 16 Février 2021 à 18:45

La réforme du CAPES de langue corse fragilise l’ensemble du système éducatif dédiés aux langues régionales. Lors des questions au gouvernement, mardi, à l’Assemblée nationale, le député Pè a Corsica de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, membre du groupe parlementaire Libertés & territoires, Paul-André Colombani, a dénoncé un processus délétère. Il demande au ministre de l’Education nationale une date pour la ratification, par la France, de la charte européenne des langues régionales. Jean-Michel Blanquer élude la réponse tout en affirmant que le gouvernement défend lesdites langues. Texte et vidéo.



Paul-André Colombani, député Pè a Corsica de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, membre du groupe parlementaire Libertés & territoires.
Paul-André Colombani, député Pè a Corsica de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, membre du groupe parlementaire Libertés & territoires.
L’enseignement du corse et des langues régionales est en danger et menacé par les institutions même de la République qui sont censées les défendre. C’est le cri d’alarme jeté par le député nationaliste de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, Paul-André Colombani, membre du PNC, mardi lors des questions orales au gouvernement. « La protection et la promotion des langues régionales et minoritaires est une préoccupation ancienne des institutions européennes : elles voient dans la défense de ces langues un renforcement de la démocratie, de la diversité et de la richesse culturelle des peuples et des pays qui la composent. Car ces langues et cultures régionales que nous défendons sont le socle de notre identité, de ce que nous sommes », rappelle-t-il en préambule. « C’est dans cet esprit qu’a été adoptée en 1992 la Charte européenne des langues régionales, destinée à protéger et promouvoir ces langues en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen et à favoriser l’emploi de celles-ci ». Proposée sous l’égide du Conseil de l’Europe, cette Charte ne s’impose pas aux Etats. La France l’a signée, mais toujours pas ratifiée à ce jour. 25 pays l’ont déjà ratifiée, 8 autres l’ont signée sans la ratifier, 14 pays n’ont fait ni l’un, ni l’autre. « Il est temps de la ratifier », affirme Paul-André Colombani. « 1992, c’est également la date de l’inscription du Français comme langue officielle de la République à l’article 2 de la Constitution, qui devait permettre de lutter contre l’hégémonie grandissante de l’anglais. Elle n’aura servi en pratique qu’à combattre insidieusement les langues régionales qui, depuis lors, subissent des attaques répétées, à l’image de l’article 6 de la loi contre les « séparatismes » qui menace les associations de promotion des langues régionales », ajoute-t-il.
 
Un nouveau coup de boutoir
Dans la ligne de mire du député corse, la réforme du baccalauréat de l’an dernier et celle du CAPES de langue corse en date du 25 janvier qui « est donc un nouveau coup de boutoir, qui remet en question l’ensemble du système éducatif dédiés aux langues régionales ». Et d’expliquer que « cette réforme, effectuée sans concertation avec l’Université de Corse et les acteurs politiques et syndicaux locaux qui s’y opposent, impose une inversion des coefficients des épreuves disciplinaires et fait reculer la part du corse dans ces épreuves ». Le coefficient pour la langue corse est passée de 7 à 4, le coefficient pour le français, de 4 à 8. Pour Paul-André Colombani, l’arrêté « signe un abaissement du niveau de maitrise de la langue corse, et témoigne d’une stratégie de fragilisation de l’enseignement des langues régionales, dont l’existence est pourtant déjà menacée ». Il estime qu’il faut rétablir le CAPES tel qu’il était, et pose sans détour deux questions : « Quand allez-vous ratifier la charte européenne des langues régionales ? Quelle sera donc la prochaine étape de ce processus délétère pour nos langues régionales ? ».

Tout le contraire !
Le ministre de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, n’apprécie pas la mercuriale et le fait savoir. « Ce gouvernement n’a évidemment rien contre les langues régionales. C’est toujours dommage de poser les choses dans ces termes-là. C’est tout le contraire ! ». Il rappelle le débat sur le projet de loi du député breton, Paul Molac, sur la protection des langues régionales, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 13 février 2020. Des débats tendus qui « ont permis de travailler dans les avancées possibles dans le cadre de la Constitution », estime-t-il, mais qui, dans les faits, se sont quand même soldés par le rejet de l’enseignement immersif qui était au cœur du projet de loi. « Le premier élément de propulsion des langues régionales, c’est justement la réforme du lycée qui permet, au travers de l’enseignement des spécialités, quelque chose qui n’existait pas auparavant : le fait d’avoir 4 heures en 1ère et 6 heures en Terminale d’une langue régionale dans un lycée qui le choisit », explique le ministre. C’est, pour lui, « une possibilité de développement qui se voit dans certaines régions ».
 
Un progrès en corse
Prenant l’exemple de la Corse, il note « un progrès du choix de la langue corse » et cite un chiffre : « 22 583 élèves, en cette année, suivent la langue corse ». Et martèle : « Il n’y a pas de politique contre les langues régionales, mais pour les langues régionales ! ». Concernant le CAPES, « 514 professeurs sont titulaires du CAPES de langues régionales. Nous avons même créé une agrégation « Langue de France » qui est ouverte depuis la session 2018. Il y a déjà 7 professeurs depuis 2019. Il y a 170 000 élèves qui apprennent les langues régionales. Nous nous attachons à faire progresser ce chiffre. Il y a un coefficient plus important pour la 2ème langue et la 3ème langue dans le cadre d’une option ». Le problème, selon lui, serait « une demande en baisse. Les choses se sont inversées en deux générations. Autrefois, on parlait la langue régionale en famille, elle était interdite à l’école. Désormais, on la parle à l’école, c’est parfois difficile en famille. C’est cette logique que nous devons inverser et créer une demande plus forte. Nous pouvons le faire ensemble », propose le ministre. Pas un mot sur la ratification de la Charte des langues régionales. D’où le commentaire désabusé du député Colombani : « Je déplore le fait que Mr Blanquer n'ait répondu à aucun de ces deux points pourtant essentiels à la promotion et à la protection des langues régionales auxquelles il se prétend favorable ».