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Prunelli-di-Fium'Orbu : Le centre culturel Anima en difficulté


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Mardi 18 Avril 2023 à 16:21

Il y a tout juste trois mois, le centre culturel Anima de Prunelli-di-Fium'Orbu célébrait ses 30 ans. Aujourd’hui, l’association qui doit faire face à des difficultés financières lance un cri d’alarme et en appelle au soutien des collectivités.



Crédit photo DR
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« Financièrement, la situation de l’association n’a jamais été très confortable, explique sa Présidente Pauline Peraldi. Mais jusqu’aux années COVID, on ajustait et les subventions se maintenaient ».
La période COVID marque une rupture : les contrats fixes qui lie Anima à plusieurs artistes sont, certes, toujours honorés, mais globalement la programmation de spectacles est réduite et les coûts correspondants disparaissent.
L’association bénéficie également d’aides exceptionnelles : tout cela lui permet de développer ses activités de formation artistique. Elle lance notamment des interventions en milieu scolaire qui rencontrent beaucoup de succès. « Le fait d’avoir moins de programmation a masqué la hausse des coûts. Au point que nous avons même fini cette période avec un peu de trésorerie », analyse la Présidente.

Une hausse des coûts difficile à maîtriser
Mais sitôt les restrictions “covidiennes” levées, les difficultés apparaissent et l’année 2022 se révèle déficitaire.  Les postes de dépenses les plus importants sont les salaires et les frais de déplacements des professeurs. Compte tenu des horaires – définis pour s’accorder aux disponibilités des élèves – et du nombre limité de salles, les quinze professeurs ont en effet des volumes d’heures insuffisants et n’habitent généralement pas sur place…
Il existe néanmoins quelques exceptions, car Anima a imaginé des postes “multi-casquettes” pour permettre la création de temps pleins : « Le professeur de piano assure aussi l’accueil des spectacles. Celle qui donne les cours de théâtre sera également la prochaine directrice pédagogique : elle est aujourd’hui en transition avec le directeur actuel. Et elle assure également le remplacement de la secrétaire qui est en congé maternité. Nous essayons de proposer toutes les missions possibles aux personnes pour qu’elles aient un revenu suffisant ».

Or la hausse des indices salariaux prévue cette année, ajoutée plus généralement au coût de l’inflation, promet un exercice 2023 encore plus difficile que le précédent.

Un problème structurel
« En fait, le problème est structurel. Nous sommes en réseau avec d’autres écoles de musique associatives : sur le continent, à volume de cours équivalent, ces associations fonctionnent avec des budgets qui sont deux fois plus élevés que le nôtre. Donc nous avons un fonctionnement serré, nous faisons vraiment au mieux. » Pas question non plus de renoncer à des activités comme les interventions en milieu scolaire qui ne font pas rentrer d’argent dans les caisses.
Le choix de faire de la diffusion culturelle en s’appuyant sur de la programmation – et non sur de l’autoproduction – a aussi un coût : « La programmation, c’est un métier : nous définissons un budget à l’avance, avec nos subventions, nous choisissons les groupes ou les pièces en tenant compte de la qualité de l’œuvre proposée,  nous les programmons et nous les payons quel que soit le nombre d’entrées. Alors que l’autoproduction, c’est un groupe qui loue la salle et se rémunère sur les entrées. »

Ce choix de la programmation permet à Anima de donner un coup de pouce à la création insulaire : les jeunes artistes auraient plus de mal à se lancer en autoproduction. « Nous faisons aussi partie de réseaux d’associations qui permettent à ces créateurs insulaires de se produire sur le continent. » S’ajoute également à cela les résidences d’artistes que l’association organise tous les ans. « Pour tout ça, l’association a besoin d’un soutien des collectivités », estime la Présidente. Or, justement, l’an passé, rattrapées elles aussi par les difficultés conjoncturelles, plusieurs d’entre elles ont réduit leurs subventions.

Quelle place pour la culture ?
La culture serait-elle traitée en parent pauvre ? « Il y a une inégalité, en termes de valeur apportée au territoire, entre les subventions qui sont données aux associations culturelles et celles des autres activités, souligne Pauline Peraldi. Car dans le Fiumorbu, si l’on excepte l’été, 90 % de la programmation culturelle, c’est nous ! Cela va au-delà de la seule école de musique. Quant à celle-ci, on couvre un territoire très large, jusqu’à Folelli vers le nord et Porto-Vecchio au sud. Les communes nous donnent quelques centaines d’euros, et nous les en remercions, mais c’est insuffisant. Car les cours sont forcément déficitaires. Il faut savoir que tous les ans, nous sommes obligés de refuser des élèves : il y a plus de demandes que de possibilités. »

Rappelons que cette année, entre les cours et les ateliers, 350 élèves sont inscrits aux différentes activités de musique, théâtre, arts plastiques et cirque. Réduction d’activité prévue pour la rentrée prochaine Quelle réponse apporter sur le long terme ? Une convention tripartite lie Anima à la Collectivité de Corse et à la commune de Prunelli – « notre plus grand soutien, en ce qui concerne les communes… même si d’autres nous aident également, comme aussi la Communauté de communes de L’Oriente », précise la Présidente.

Cette convention est en cours de renouvellement et l’association a bon espoir qu’elle tienne compte du problème. En février dernier, Anima a en effet été reçue par la conseillère exécutive en charge de la culture, Antonia Luciani : « A l’époque, nous n’avions pas encore élaboré le budget pour 2024, mais nous savions déjà que ce serait difficile. Elle a entendu nos difficultés et s’est engagée à nous proposer des solutions. » 

Dans le meilleur des cas, et malgré la hausse de ses tarifs, Anima devra réduire la voilure d’environ 10 % à la rentrée prochaine : 10 % d’horaires en moins pour les professeurs, autant d’élèves refusés, et une programmation réduite. « C’est un crève-cœur pour nous de réduire les horaires, mais c’est pour limiter le déficit à quelque chose de tenable ».

En espérant que 2024 permettra de revenir à l’équilibre…