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En rémission d'un cancer, l'actrice Emilie Dequenne vient parler de cinéma aux lycéens de Porto-Vecchio


le Mercredi 17 Avril 2024 à 09:20

En rémission d’un cancer rare, l’actrice Emilie Dequenne est venue se reposer à Porto-Vecchio. Son mari, acteur lui aussi, est originaire de la cité du Sel : c’est Michel Ferracci, découvert dans la série "Mafiosa". Mardi après-midi, et malgré la fatigue qui assaille Emilie Dequenne, le couple a généreusement accordé une master class à une trentaine de lycéens porto-vecchiais, inscrits en section cinéma audiovisuel.



Emilie Dequenne et son mari porto-vecchiais Michel Ferracci. L'actrice belge est en rémission d'un cancer rare.
Emilie Dequenne et son mari porto-vecchiais Michel Ferracci. L'actrice belge est en rémission d'un cancer rare.
Le 4 avril, sur son compte Instagram, Emilie Dequenne avait donné des nouvelles rassurantes sur son état de santé. L’actrice belge, devenue incontournable dans le cinéma français, annonçait être en rémission complète d’un cancer de la glande surrénale. C’est en août dernier qu’elle avait découvert souffrir de ce cancer très rare, qui touche une à deux personnes sur un million par an.

Bien qu’en rémission, Emilie Dequenne reste sous haute surveillance et sous traitement. Elle est venue se reposer à Porto-Vecchio, et c’est bien aux lycéens porto-vecchiais qu’elle a réservé sa première apparition publique depuis sa sortie de l’hôpital. Michel Ferracci et Emilie Dequenne ont noué des liens l’an dernier avec Alexandrine Feix et Michel Schetinine, les professeurs de cinéma audiovisuel du lycée Jean-Paul De Rocca Serra, qui les avaient sollicités en vue de parrainer la section. Non seulement le couple d’acteurs a accepté, mais il a pris son rôle à coeur : Michel Ferracci leur a permis d’assister, en septembre, à une journée de tournage dans une villa, à Gialla, où se jouait une intervention du GIGN pour le film On aurait dû aller en Grèce. Et mardi après-midi, ils sont intervenus, à leur initiative, auprès de lycéens un peu éberlués, mais surtout ravis et reconnaissants de voir débarquer dans la petite salle de projection du lycée, ceux qu’ils avaient plutôt l’habitude de voir sur un écran.

"Ce qui m'est arrivé, c'est rare"

« Je suis en rémission d’un cancer rare et compliqué, mais ça va », a rassuré, d’emblée, l’actrice sur son état de santé. Pendant deux heures et demi, elle et son mari ont papoté avec des ados passionnés, et pas contre le fait de grappiller quelques conseils pour percer dans le ciné. « J’ai commencé à votre âge, leur  a fait remarquer Emilie Dequenne. J’ai eu mon bac à 16 ans et j’ai passé un casting à 18 ans pour les frères Dardenne. » Le film, c’est Rosetta, Palme d’Or à Cannes, prix d’interprétation féminine pour Emilie Dequenne : « J’ai eu cette chance, commente-t-elle modestement. Ce qui m’est arrivé, c’est rare. » Derrière, l’actrice s’est fait une place dans le cinéma français, jouant dans Le Pacte des Loups, Au Revoir là-haut, et pour des réalisateurs tels que André Téchiné, Lucas Belvaux ou Lukas Dhont. Elle a même partagé l’affiche avec Robert De Niro en 2004.

Mais Emilie Dequenne, enfant, avait pris des cours d’art dramatique en Belgique. Pas Michel Ferracci : « Moi, j’arrive sur le tard. Je ne faisais pas ce métier, c’est Eric Rochant (le réalisateur) qui est venu me chercher pour Mafiosa. Mon personnage meurt au bout de deux épisodes, et il se passe un truc qu’on ne voit jamais. Eric Rochant plaide ma cause auprès de Canal + pour que j’interprète un autre personnage derrière. Je repars pour deux saisons… et je meurs encore ! », rit l’acteur porto-vecchiais qui dit jouer « d’instinct », ce qui a tendance à agacer Emilie Dequenne : « Moi aussi, je joue d’instinct, mais la technique aide énormément ». S’en suit un débat sur l’intérêt de prendre des cours, ou pas, et qui s’achève par un statu quo entre les deux partenaires, non pas d’un film, mais d’une vie.

« Un casting, comment ça se passe ? », questionne un lycéen. « Bien savoir son texte sur le bout des doigts », conseille Michel Ferracci. « Je l’apprends comme un robot, c’est vraiment important, abonde Emilie Dequenne. Et puis après, pendant le casting, faut savoir le moduler. » Un casting, c’est parfois vingt, trente prétendants à un rôle. Pour un seul élu : « Il ne faut pas être susceptible… Donc faut pas être corse ! », plaisante Emilie Dequenne.

Les deux acteurs demandent aux lycéens porto-vecchiais ce qui les attire dans le cinéma. Réponses : la réalisation, la production, le jeu d’acteurs, le maquillage, le montage. « Des monteurs, y en a pas beaucoup en Corse », encourage Michel Ferracci, soucieux d’étoffer le paysage insulaire.

Les deux acteurs ont échangé, pendant deux heures et demie, avec une trentaine de lycéens porto-vecchiais.
Les deux acteurs ont échangé, pendant deux heures et demie, avec une trentaine de lycéens porto-vecchiais.
"Me Too" dans le cinéma français

Et alors que les plaintes pour agressions sexuelles se multiplient, à mesure que la parole des femmes se libère, le couple d’acteurs se livre sur les scandales qui secouent le cinéma français : « Les rendez-vous professionnels, c’est jamais le soir à l’hôtel, c’est la journée dans les bureaux », prend soin de préciser Michel Ferracci aux lycéens corses, comme une évidence qui n’en a pas toujours été une. « Peut-être pouvez-vous tomber amoureux d’un homme ou d’une femme de 45 ans, mais c’est à eux de savoir dire non, en ayant conscience de l’emprise que peuvent avoir les personnes plus âgées sur plus jeunes qu’elles », estime de son côté Emilie Dequenne. Elle poursuit : « Personnellement, je ne me suis jamais retrouvée dans une situation compromettante, mais dans le milieu, il y a eu beaucoup de laisser-aller et de laisser-faire », fustige-t-elle, accordant toute sa confiance aux plaignantes : « Je ne crois pas qu’une victime puisse monter au créneau si elle n’est pas réellement victime. C’est tellement dur... » 

"Aujourd'hui, je prie pour avoir des rides"

La discussion s’est conclue par les projets du couple. Michel Ferracci confie qu’il aimerait bien tourner avec Olivier Marchal. Emilie Dequenne, avec François Ozon… et Darren Aronofsky, « mais ça c’est en rêve ! ». Des projets plus concrets, les deux acteurs en ont, mais ils ne souhaitent pas encore les révéler tant que rien n’est signé. Son plus grand projet du moment, Emilie Dequenne l’avoue, c’est d’aller mieux, tout simplement. Le 19 juin prochain, sortira dans les salles Survivre, le dernier film qu’elle a tourné avant d’apprendre sa maladie. Elle le présente comme « un film de genre réaliste »… dans lequel elle se bat contre des crabes géants. « C’était prémonitoire, c’est incroyable », n’en revient pas Michel Ferracci. A une question sur le temps qui passe pour une actrice, et qui peut marquer les visages, Emilie Dequenne a répondu ceci, mardi après-midi : « Quand on vous annonce que vous avez un cancer de stade 4, ça fait flipper. Alors je prie pour avoir des rides. Le plus possible. Parce que maintenant j’estime que vieillir, c’est un privilège. »