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​Ajaccio : « Area », la troublante exposition photo de Yoann Giovannoni


Patrice Paquier Lorenzi le Vendredi 23 Février 2024 à 11:30

Le jeune artiste ajaccien Yoann Giovannoni a dévoilé hier sa première exposition photo lors du vernissage d’« Area », qui s’est déroulé à l’Espace Diamant d’Ajaccio. Une quinzaine de clichés pris au détour du quotidien de jeune ajaccien durant les travaux effectués dans la zone industrielle de Baleone ces derniers mois. L’expo photo est à découvrir du 22 février au 21 mars prochain.



Yoann Giovannoni a présenté hier son expo photo "Area" lors du vernissage qui s'est déroulé à l'Espace Diamant d'Ajaccio.
Yoann Giovannoni a présenté hier son expo photo "Area" lors du vernissage qui s'est déroulé à l'Espace Diamant d'Ajaccio.
Après avoir exercé plusieurs métiers, dont celui de manutentionnaire, chauffeur- livreur, ou encore peintre en aéronautique, Yoann Giovannoni a décidé dès 2017 de se consacrer à la photographie. Une passion qui le conduit à prendre des clichés au sein de son environnement proche, pas forcément le plus agréable au premier abord, mais qu’il aborde avec douceur.
C’est notamment le cas d’ « Area », que le jeune artiste a dévoilé mercredi à l’Espace Diamant d’Ajaccio lors du vernissage de son œuvre photographique. Des photos prises dans la zone industrielle de Baleone où vit l’Ajaccien, âgé d’une trentaine d’années, qui nie cependant toute orientation idéologique, dans l’interprétation de ses troublants paysages : « Il y a plusieurs degrés de lecture dans ces clichés. On me parle beaucoup du contraste entre la beauté des paysages et les engins de chantier par exemple. Je comprends que cela soit une lecture possible. Mais moi, ce que je voulais avant tout, c’était photographier des paysages de la Corse, que je ne voyais pas représentés jusqu’à présent. Il y avait une nouvelle représentation à faire naître. Ce qui m’a beaucoup stimulé, n'est pas dans le discours idéologique, mais plutôt de montrer les choses telles qu’elles se sont disposées à moi à l’instant T. Le point de départ, c’était de montrer autre chose et de voir ce que pouvais observer au quotidien ».
 
« Des clichés différents de ceux des villages ou du bord de mer »
Un quotidien pas forcément très chaleureux marqué par le va-et-vient des ouvriers et véhicules de chantier qui ont bouleversé un paysage entier de la région ajaccienne. De la Corse, les cartes postales nous montrent des couchers de soleil, des eaux limpides, des animaux errants sympathiques, des jolies filles dénudées, etc.
Le point de vue de Yoann Giovannoni est tout autre. Insistant, cohérent, il est, disons-le clairement, politique, au sens le plus général du terme parce qu’il parle, dans cette série de photographies, de phénomènes qui à la fois témoignent d’un bouleversement de paysages corses, mais aussi parce qu’il annonce les bouleversements à venir. Ils concernent tous les Corses, qu’ils le veuillent ou non. « J’habitais Baleone et j’ai été stimulé par le fait de faire des images là-dedans, au cœur des travaux et des chantiers. Clairement, nous ne sommes pas au village, ni au bord de mer, on est dans autre chose, mais il n’y a pas d’autre idée que d’aller à la rencontre de ces paysages-là contrairement à ce que l’on pourrait penser en découvrant cette exposition photo ».
Il y a en effet un autre point de vue où le photographe réalise des clichés – paradoxalement parmi les plus beaux de la série – hors sol et hors temps : "il n’est plus alors question que de déchets, de talus artificiels, d’un chien perdu, de chantier, de résidus de construction, ou d’accumulation de matériaux. Le comble de la situation ? La photographie où l’on voit un palmier restant en terre à un mètre du sol, et que les bulldozers ont laissé en l’état ; comme si par une initiative curieuse et inopinée, l’entrepreneur ou le conducteur d’engin, hésitant à raser complètement le terrain, avait conservé la trace, rendue incongrue et finalement ridicule, du passé et de l’espace enchanté auxquels nous pouvions encore croire" détaille François Cardi, sociologue, dans sa présentation d'"Area".
 
Des images douloureuses, mais finalement agréables à regarder
« Ce sont des clichés qui peuvent paraitre douloureux pour la plupart, surtout de nos jours, mais j’ai voulu les rendre agréables à regarder avec une certaine douceur. Je voulais surtout faire de l’image. Il ne faut pas regarder ces images avec une connotation négative. Au contraire, j’invite les gens à venir vivre cette expérience. Je pense que l’on expérimente la visite, grâce au cadrage, à la forme, à la mise en scène, on va au-delà de sa première sensation ».
Yoann Giovannoni nous offre des paysages saisissants qui se sont offerts à ses yeux – et aux nôtres – tous les matins avec une simplicité désarmante, avec des couleurs qui rendent esthétiques les paysages les plus désolés, les détails les plus infimes et avec un talent, remarquablement sûr dans ses cadrages et ses compositions. En révélant visuellement la dialectique qui voit s’affronter deux mondes, deux logiques, il fait tout naturellement cohabiter ou se heurter nos visions contradictoires de notre pays. Il s’agit de rappeler ou de montrer avec la force de la discrétion qui voit juste, que notre avenir réside dans ces formes nouvelles.
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L’expo photo est à découvrir jusqu'au 21 mars prochain.