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AOP Brocciu mise en danger par les traités transatlantiques. La réaction d'un professionnel de la filière corse


Patrick Bonin le Mercredi 11 Mai 2016 à 17:01

François Sisti à la tête de la fromagerie du même nom sise sur la commune de Pietroso a réagi à l'annonce d'un risque éventuel pour l'appellation d'origine protégée concernant le brocciu dans l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union Européenne et ses états membres. Si il soutient bien évidemment François Alfonsi président de l'alliance libre européenne, François Sisti relativise le sujet du risque de perte de l'AOP outre atlantique en rappelant un danger plus prégnant à savoir l'affaiblissement notoire de la filière lait ovins, caprins en Corse.



Pour François Sisti, veiller aux intérêts agricoles corses à l'étranger est une nécessité mais ne point occulter les difficultés de production de matières premières sur l'île et y remédier devient aussi une obligation vitale.

François Sisti chef d'entreprise fromagère.
François Sisti chef d'entreprise fromagère.
François Sisti, militant nationaliste,  qui a débuté dans le monde agricole par la noble profession de berger, aujourd'hui à la tête d'une entreprise de fromagerie récemment rénovée, a tenu dans un premier temps à soutenir l'action de François Alfonsi: " Il est évident qu'il faille remercier le président de l'alliance libre européenne ainsi que tous ceux qui montent la garde et qui sont attentifs "aux bons traitements" que l'on veut systématiquement nous proposer.  Le nouveau gouvernement de la Corse par la voix de son exécutif et de François Sargentini président de l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse a annoncé lors du dernier salon international de l'agriculture des mesures pour corriger les bons traitements "offerts" à notre île ces dernières décennies; Nous en attendons donc la mise en oeuvre.   A ce jour, la filière fromagère comme tant d'autres souffre bien plus d'un manque de matière première que de débouchés commerciaux" explique François Sisti.

Le brocciu l'un des trois fromages de brebis bénéficiant d'une appellation d'origine protégée avec le roquefort et le fromage basque Ossiau Iriarty  pourrait bien perdre le bénéfice de la protection de ce label car oublié (ce serait un moindre mal) ou volontairement écarté des dispositions  de l'annexe 20-A du traité  CETA ( Accord économique et commercial global entre Canada et Union européenne).  Lié très étroitement au traité de libre échange transatlantique (TAFTA), le CETA pourrait il imposer la perte de l'appellation d'origine protégée du brocciu une fois mis en oeuvre en zone européenne, rien n'est moins sûr.  Quant à la portée de la perte de cette appellation AOP sur le territoire canadien et plus généralement outre atlantique, François Sisti relativise : " De quoi parle t-on exactement ? 70% de la production fromagère est vendue sur l'île, environ 30 % à l'exportation dont une grande partie sur la plate forme de Rungis.  Y a t il alors un besoin impérieux de s'alarmer lorsque l'on constate la part infime actuellement exportable outre atlantique ?  Alors bien sûr qu'il faut défendre l'avenir et en ce sens François Alfonsi a entièrement raison d'avoir relevé cette omission et il faut soutenir l'insertion du brocciu en tant que produit AOP dans la liste des produits fromagers concernés par le traité CETA mais il faut surtout nous donner les moyens d'avoir en Corse un outil de production de matière première qui nous permettra d'augmenter de manière quantitative sans jamais négliger la qualité notre production fromagère et par là même nos possibilités d'exportation à l'étranger" ajoute l'exploitant agricole.     

Redynamiser l'agriculture insulaire, une condition incontournable pour être lisible et protégé dans le monde entier.

La fromagerie Sisti entièrement rénovée après un sinistre en septembre 2014.
La fromagerie Sisti entièrement rénovée après un sinistre en septembre 2014.
Chiffres à l'appui,  François Sisti  appuie sur la nécessité de tout mettre en oeuvre à l'instar des récentes déclarations des membres de l'exécutif insulaire pour redynamiser la filière agricole et notamment la filière lait,  permettre l'installation de nouvelles exploitations, rénover les anciennes,  favoriser la reprise d'exploitations par de jeunes agriculteurs en leur facilitant un accès aux prêts bancaires et au foncier. " L'agriculture aujourd'hui en Corse c'est à peine 2 % du produit intérieur brut de l'île, le tourisme étant  à 30%.  Or, Tourisme et agriculture fonctionnement en synergie car par l'agriculture , c'est un autre type de tourisme qui se développe, pas seulement celui du soleil, de la plage et de la mer, mais celui de la connaissance de la terre que l'on visite.  Un tourisme qui se vit toute l'année donc. Cette terre et ce mode de vie agropastoral sont intimement liés à notre culture.  Aujourd'hui et cela est bien normal, nous sommes tous attachés à la recherche de labels de qualité car l'excellence fait partie du marché mais il faut se doter des moyens d'atteindre cette excellence et en ce sens, je garde un large espoir à travers les voeux du président de l'ODARC de redonner à l'agriculture corse le niveau qui devrait être le sien" a expliqué le producteur fromager.

Le risque est bien réel de voir le brocciu exclus de la liste des produits d'appellation protégée par le CETA . Ainsi, des fromages du même type pourraient être conçus dans de nombreux pays, avec une matière première non insulaire et des procédés de fabrication qui n'auraient rien à voir avec le savoir faire hérité de nos anciens.  Ils porteraient pourtant le nom de Brocciu.  Gageons que l'engagement des élus et notamment de François Alfonsi pour réparer cette fâcheuse omission portera ses fruits.  Mais en attendant, pour François Sisti comme pour tous les agriculteurs qui chaque matin, travaillent la terre, nourrissent leurs bêtes, c'est la filière agricole insulaire toute entière qui devrait bénéficier du label Appellation d'Origine Protégée.