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Le cercle de réflexion “I chjassi di u cumunu” a célébré à Ajaccio A Festa di a Nazione


Marilyne SANTI le Mercredi 9 Décembre 2015 à 23:10

L’année dernière, l’Associu di i parenti corsi avait pris l‘initiative de célébrer A Festa di a Nazione à Aiacciu. Cette année, le cercle de réflexion “I chjassi di u cumunu” a lui aussi appelé à commémorer cette journée du 8 décembre. Une cérémonie s’est ainsi déroulée mardi soir devant le buste de Pasquale Paoli, érigé près de la Citadelle d’Aiacciu. Les participants ont d’abord écouté une communication de Jean Ferrari pour “I Chjassi di u Cumunu”, qui a rappelé le pourquoi de cette commémoration et le choix de la date 8 décembre.



Le cercle de réflexion “I chjassi di u cumunu” a célébré à Ajaccio  A Festa di a Nazione
Après le dépôt de deux gerbes par des jeunes présents au rassemblement, l’assistance a chanté le Diu vi Salve Regina, avant de se rendre au bistrot du cours pour y poursuivre une soirée de partage autour d’une animation musicale et culturelle avec les chanteurs Ghjaseppu Cannata et Daniel Mezzacqui, tout en  se restaurant ou en buvant le verre de l’amitié.
 
Un choix qui remonte à la révolution du XVIIIème siècle
La révolution corse débutée en 1729, révolte paysanne contre la pression fiscale génoise au départ, allait conduire à la naissance d’une conscience nationale qui débouchera sur l’indépendance (Pasquale Paoli).
L’histoire se réfère à une Consulte à Corti le 30 janvier 1735. Les chefs corses, Andria Ceccaldi, Luigi Giafferri è Ghjacintu Paoli proclament alors la Corse indépendante et le 8 décembre, jour de l'Immaculée Conception, fête de la Vierge. Et ce serait depuis lors, que ce jour est fêté dans toute l'île. Avec drapeaux, canonnades, fêtes avec beignets, vin et repas à base de pulenda...
Cependant les preuves manquent pour le confirmer :
- Le drapeau utilisé n'est pas encore la tête de maure (les Corses ne connaissent pas ce drapeau alors. Celui-ci ne sera officialisé que lors de la déclaration d’indépendance en 1755) mais un drapeau avec l'image de la Vierge, dont la trace n’a pas été retrouvée. 
- Non seulement ce texte de constitution ne serait pas vrai. Mais de plus la Consulte de Corti n'aurait jamais eu lieu... 
 
Des livres d'histoire qui parlent de deux consultes en 1735
Une aura lieu à Orezza, (dix-huit janvier 1735), qui aurait voté une 1ère constitution, avec quinze chapitres.
Une autre peu de temps après, (30 janvier 1735), à Corti, adoptant alors 22 chapitres. Et c'est cette 2ème constitution qui qui parle du 8 décembre. Mais l'original s'est perdu.
Selon le professeur Jean-Yves Coppolani : "Pour certains auteurs, il n'est pas envisageable qu'il y ait eu une consulte à Corte trois semaines après celle d'Orezza, et le texte du 30 janvier serait donc apocryphe ou du moins n'aurait aucun caractère officiel."
Farrandu Ettori écrit : "La publication des Mémoires de Sebastianu Costa (secrétaire d'état et conseiller des chefs de groupes) en 1972 remet en question l'existence même de la consulte de Corte, puisque S. Costa, témoin et acteur des événements, ne connait que la Consulte d'Orezza du 8 janvier 1735. Elle remet aussi en question le texte traditionnel, réduit à 15 articles que le mémorialiste connait bien pour les avoir rédigés et fait approuver en Orezza.
Dans cette version disparaissent l'Immaculée Conception..." et d’autres choses.
 
Chercher le vrai de l'histoire
Alors, tout serait faux dans cette fausse constitution de vingt-deux articles faux votés lors de cette fausse Consulte de Corti ? C'est un peu plus compliqué.
J-Y Coppolani écrit : "Les deux textes ne sont cependant pas incompatibles et l'on peut admettre, (Marie-Thérèse Avon-Soletti entre-autres), que le texte donné par S. Costa dans ses mémoires est le projet à l'état brut tandis que l'autre est le reflet de la version définitive". 
Pour J-M Arrighi aussi ce n'est pas tout faux. L'allusion à la Conception ? Peut-être : "Cela ne signifie pas cependant que ces éléments n'aient pu être votés à côté du texte principal". 
Cependant, les autres textes mentionneront l'Immaculée Conception "que l'on retrouve comme préambule des consultes suivantes" ...
Pourquoi la Vierge ? Le fait de déclarer la Vierge patronne de l'île était une manière de bannir les génois et de dire au gouverneur que ce n'était plus lui le patron.
A-M Graziani : « La Vierge avait une importance particulière à Gênes. Au 17ème, chaque Doge génois apparaissait lors de son couronnement avec une représentation de la Vierge d'un côté et de la Corse de l'autre. Les nationaux corses se sont sans doute approprié ce symbole génois. »
 
Alors une fête qui n'a jamais existé ?
A l'époque de Paoli le 8 décembre n'était pas un jour particulier. Puis durant plusieurs siècles, rien ne s'est passé. Jusqu’aux années 80, où les étudiants corses vont prendre des initiatives pour commémorer ce 8 décembre. L’idée va ainsi, avec la dynamique des mouvements nationalistes corses, peu à peu   prendre de l'ampleur partout dans l’île. Désormais le 8 décembre est déclaré « Festa di a Nazione », coïncidant (ou non) avec l’Immaculée Conception (même si les avis des historiens et des chroniqueurs divergent sur la date, et le contenu religieux associé, de cette Cunsulta).. Tout comme le Diu vi salvi Regina est l’hymne national des Corses.
Les célébrations chaque année depuis témoignent de la force et de la vitalité des liens reliant notre présent à son passé historique pour se projeter vers un avenir commun à tous les Corses, entre les grands évènements fondateurs de l’histoire de l’île et leur héritage à conserver et à transmettre.
 
Mais les traditions peuvent aussi s’inventer
A-M Graziani : “chaque peuple écrit ou réécrit l'histoire à sa façon et a besoin de repères historiques ! La France a bien choisi comme date de sa fête nationale le 14 juillet. En réalité le 14 juillet 1790 est le jour de la Fête de la Fédération, alors que tout le monde croit célébrer la prise de la Bastille... 
Alors ce 8 décembre, chacun doit participer aux diverses commémorations en Corse et hors de Corse ... et lever les drapeaux dans chaque maison pour monter la force de notre peuple, fier de son histoire, de ses valeurs et de ses traditions.
Et la laïcité ? Ceux à qui cela plaît de prier prieront la Vierge. Ceux qui ressentent le besoin de célébrer une fête Nationale corse et de de se retrouver fêteront la fête Nationale à leur manière. Et maintenant c'est ainsi, le huit décembre s'est imposé, qu'il soit religieux ou laïque, patriotique ou seulement pour le plaisir de trinquer en toute amitié et convivialité...
Puis le Président de l’Associu di i Parenti corsi, Denis Luciani devait revenir sur cette date en rappelant le contexte historique et politique de l‘époque de Pasquale Paoli en reliant le passé au présent et à l’actualité de l’île, qui doit se réapproprier son histoire pour se projeter dans l’avenir et construire la nation corse de demain..