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La question corse abordée sous l’angle philosophique


Antoine Astima le Samedi 17 Décembre 2016 à 15:25

Ecrivain, philosophe et professeur d’histoire-géographie, Daniel Arnaud, a signé, ce samedi à la librairie des Palmiers à Ajaccio, son dernier livre « La Corse et l’idée républicaine ». Une nouvelle édition augmentée par rapport à la première parue en 2006, motivée par les nouvelles données politiques, notamment, l’arrivée au pouvoir, en décembre 2015, de la mouvance nationaliste. A travers une réflexion sur la question corse, l’auteur poursuit trois objectifs : montrer que la France n’a pas le monopole de la République, revenir sur l’expérience paolienne de XVIIIe siècle et l’ambiguïté de la dérive identitaire de ces dernières années.



Daniel Arnaud est installé en Corse depuis dix ans. Un retour aux « sources » ou plutôt à ses origines pour cet enseignant en Histoire et Géographie de souche ajaccienne (famille San Rocchi dont les ancêtres avaient quitté l’île en même temps que Paoli lors de l’exil). Après un bac littéraire, Daniel Arnaud poursuit des études de philosophies à Besançon. Il y obtient un doctorat et soutient une thèse en 2010. Entre-temps, il a fait le choix de revenir sur la terre de ses ancêtres et, grâce au jeu des mutations et à la faveur d’un concours de Professeur de Lycée Professionnel (Lettres et Histoire), obtient un poste au LP Finosello. Il Rédige un premier essai « La Corse et l’idée républicaine ». Depuis, on lui doit bien d’autres ouvrages. Coïncidence, hasard ou volonté délibérée, l’auteur signe, ce samedi, à la librairie des Palmiers une nouvelle édition, quasiment le jour anniversaire de l’arrivée des nationalistes au pouvoir (13 décembre 2015). Un ouvrage qu’il commente pour Corse Net Infos…


- Comment est née l’envie d’écrire ?
- C’est quelque chose de naturel et une vocation. J’ai, il est vrai, de par ma profession, un tempérament de chercheur universitaire. Je me suis aventuré dans le domaine de l’écrivain, un autre exercice. C’est, pour moi, un moyen de réfléchir, par le biais de la fiction, sur la société.


- Qu’est ce qui a motivé votre premier essai en 2006 ?
- J’avais, sans connaître beaucoup de choses sur la Corse et jamais n’y être venu, le sentiment de revenir chez moi. Un attachement se transmet. Ensuite, je dois avouer que Paoli m’a attiré. L’idée d’écrire a été motivée par la manière dont les médias traitent la Corse. L’île est mal comprise. Je me suis intéressé aux revendications : les boues rouges, Aléria et tout ce qui a suivi. Pourquoi ce sentiment d’injustice ? Je pense qu’un fossé s’est créé avec le modèle jacobin. Et comme la philosophie va à l’encontre des préjugés et des idées reçues, j’ai voulu essayer de comprendre cette spécificité corse et ses racines.


- Pourquoi une nouvelle édition dix ans plus tard ?
- J’étais parti sur d’autres sujets, de nouveaux débats. Mais il y a eu matière à nourrir le premier essai avec l’arrivée des nationalistes au pouvoir en décembre 2015. C’est, aujourd’hui, l’occasion d faire un nouveau point sur la situation du nationalisme corse. L’ancienne édition a donc été revue et enrichie de ces nouvelles données. Toujours sous un angle philosophique.


- Comme l’ouvrage se décline-t-il ?
- Il se scinde en trois parties distinctes.
La première « République et Nation » évoque la vision française et jacobine de la république. Je me suis attaché à expliquer pourquoi ce modèle républicain prône une vision centralisée du pays. C’est un autoritarisme républicain. La France n’a pas le monopole de la République. Puis,je présente la Corse du XVIIIe siècle, à travers l’expérience républicaine de Paoli. C’est un homme des Lumières. Aujourd’hui, un débat est ouvert. Etait-il un vrai démocrate ou un despote éclairé ? Les avis divergent. Ceci étant, la Corse a sa propre expérience républicaine et c’est là les raisons du fossé avec Paris. Le citoyen français ignore que la Corse a été une République indépendante. Or, c’est en comprenant le passé que l’on comprend le présent. Il y a deux définitions de la Nation et du Peuple. L’une à partir de l’identité, la culture et l’histoire. A ce titre, le Peuple corse et la Nation corse existent. L’autre définition est politique : l’ensemble des citoyens qui ont les mêmes droits et les mêmes devoirs sur un territoire. Paris s’appuie sur cette définition et réfute l’autre. Dans un camp ou dans l’autre, on ne parle pas de la même Nation.
La deuxième partie est la résurgence du nationalisme corse depuis les années soixante-dix. Des boues rouges, jusqu’à l’affaire Erignac. L’idée a été de montrer que la révolte corse a plus consisté dans l’exigence de l’Etat de Droit que dans son refus. L’Etat de Droit passe par l’égalité sur tout le territoire et la France a mené en Corse des politiques contraires à ses principes. Un traitement inégalitaire, une économie étouffée par le système des lois douanières et, dans l’île, des pratiques clanistes et clientélistes couvertes par l’Etat, bien souvent avec des irrégularités.
Enfin, dans un troisième temps, j’évoque les perspectives. C’est une réflexion à partir de la venue au pouvoir des nationalistes. On distingue, toutefois, une ambiguïté du nationalisme corse et des thématiques identitaires. La notion de Nation, peuple, identité, culture peut déboucher, si elle est mal appliquée, sur le rejet de l’autre. Et une partie du nationalisme corse a conforté, aujourd’hui, une idéologie de rejet de l’autre. Pour étayer cela, je m’appuie sur les élections. On s’aperçoit que le FN réalise des scores très faibles au niveau régional mais à l’échelle nationale, il a le taux le plus haut de France. Un sondage IPSOS met en exergue que deux électeurs nationalistes sur trois votent FN aux élections nationales.


- En conclusion ?
- Quelle sera la ligne idéologique du nationalisme corse dans les années à venir ? Le discours équilibré des présidents Talamoni et Simeoni semble dirigé l’île vers une ligne intéressante loin des dérives d’extrême droite. C’est un discours fondateur, de surcroît avec les montées extrémistes que l’on voit germer un peu partout dans le monde.