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Journées Prison : « L’humain sauvera l’humain» au Bistrot du cours


Florence Vandendriessche Molinet le Jeudi 23 Novembre 2017 à 22:16

À l’occasion des « Journées nationales Prison » organisées par les Groupes Concertation Prison, répartis dans toute la France, mardi dernier, à Ajaccio, des bénévoles agissant en milieu carcérale et des représentants des Services pénitentiaires ont accueilli le public dans la salle Giordano Bruno du Bistrot du cours et témoigné du quotidien de la prison. On y parla d’humain, de dignité, de regard sur l’autre et de responsabilité.



Journées Prison : « L’humain sauvera l’humain» au Bistrot du cours
Ce fut un rendez-vous particulier, un moment vrai, touchant empreint d’une réalité qui peut gêner, déranger car tout comme la pauvreté, on n’aime guère parler de la prison, lieu fermé où même le ciel ne se voit qu’à travers un grillage.

« Je m’appelle Pauline, je suis le visiteur de la maison d’arrêt d’Ajaccio depuis bientôt quinze ans. Je puis vous dire que cette mission est un partage du moins très enrichissant et que la prison est  un  vrai lieu de vie. » Ainsi furent les premiers mots prononcés par Pauline, l’une des 15 personnes bénévoles ou professionnelles qui se présentèrent par leur simple prénom ce soir-là  dans la salle du Bistrot du cours, bien connu pour ses rencontres où la parole se libère et où l’écoute, le partage, l’échange, le débat, le lien entre les êtres comptent.  

Dessine-moi ton portrait sans tricher 
Un jeu : une image à sélectionner, à mémoriser et qui pourrait nous représenter : une Play station 4, une gourmette avec une main d‘enfant, une montagne, un taureau, un dolmen, un jet privé, un couteau, une soupière… Le jeu se poursuit : un questionnaire « Portrait chinois » que chacun remplit, passant dans la salle et portant sur « si j’étais un animal, un vêtement un film, une couleur, une plante….que serais-je ? » Le public s’est plu au jeu avec amusement en remplissant les cases. Puis Stéphanie présidente de la Croix rouge, commence à lire les portraits. Très vite l’on réalise que ces portraits sont ceux des détenus, des proches de détenus ou employés à la maison d’arrêt et non ceux des participants dans le public.

« Si j’étais un animal, je serai un aigle. Si j’étais une plante ou une fleur, je serais un coquelicot, un plat cuisiné : des lasagnes et le poisson, si j’étais une couleur : le bleu, une chanson : sans la nommer de Georges Moustaki, si j’étais un acteur, Morgan Freeman, un métier : je serais agriculteur, si j’étais un objet : un stylo , un vêtement : une veste, si j’étais un film : ce que le jour doit à la nuit, un fruit : une pêche, un sport : le foot . Je m’appelle Maxime, j’ai 26 ans et je suis détenu à la maison d’arrêt d’Ajaccio depuis dix mois. J’ai choisi cette image, celle de la montagne qui se trouve dans les hauteurs de mon village :  L’albia »

Véronique, enseignante à la maison d’arrêt, a préparé avec les détenus ces différents portraits :
« S’exprimer pour eux étaient important et ils savaient que cela allait être lu et montré ce soir, ils l’ont fait sérieusement et sans tricher. C’est pour eux bien sûr, qu’ils l’ont fait et pour vous surtout !» a-t- elle ajouté. Le but de ce jeu étant de casser cette image des personnes qui sont en prison et de montrer que finalement les réponses tant celles des détenus, bénévoles, représentants des services pénitenciers que celles des personnes de l’extérieur se trouvant dans cette salle du 10 cours Napoléon, sont très proches. Qu’en dire sinon que nous ne sommes tous dans le fond que des êtres humains. 

À Ajaccio : la maison d’arrêt
Les maisons d’arrêt sont généralement des prisons où sont détenus les prévenus en attente de jugement, les condamnés à de courtes peines (inférieures à deux ans) ou les condamnés en attente d’affectation dans un établissement pour peines. Alors comment faire pour que ce temps donné - si court soit-il parfois - devienne un temps qui ne sera pas donné et reçu pour rien ? La réponse ici à Ajaccio, se trouverait dans les mains de tous les acteurs des services, des intervenants bénévoles ou non, de la famille et du détenu lui-même. Souvent, une main tendue, un accompagnement, des
ateliers, un enseignement valent tout l’or du monde pour voir le ciel différemment, même à l’intérieur des murs, c’est déjà un premier pas.
Sonia, officier pénitentiaire et Franck, adjoint au chef détention explique le rapport qu’ils ont avec les détenus, comment ça se passe entre quatre murs et qu’on peut compter 60 détenus sur Ajaccio dont une trentaine de jeunes de 19 à 35 ans. Oui. Lecontexte d’où ils viennent est très différent, « ils peuvent venir d’un milieu social autant favorisé que défavorisé » a souligné Lucie alcoologue à l’ANPAA.
« Ce qui les a amené en prison, en ce qui me concerne » ajoute Pauline « s’ils ne me le disent pas, je
ne leur demande pas. J’accueille tout le monde. On arrive à parler de leurs conditions de détention et de leur famille, de tout.
» Christophe lui, ce qui peut paraître étonnant, se met en lien avec les détenus et c’est sa profession, avec un labrador femelle nommée Joyeuse. « L’animal ne juge pas lui ». Dit-il « Il est là pour apaiser la relation. Joyeuse n’écoute que si nous employons des termes positifs.» Michel, Président du secours Catholique explique qu’ils interviennent sur les problèmes financiers. Des
ateliers, des rencontres et visites sont proposés aux détenus qui ne sont obligés de rien.

Sortir de prison
Un individu qui sort de prison a en général peu de monde qui l’attend. Il se retrouve bien souvent en situation de précarité, sans toit, sans famille, sans main tendue qui accompagne pour emprunter la bonne route ou tout du moins un meilleur chemin.
« C’est ainsi que des personnes sortantes deviennent des sans abri », souligne justement Stéphanie. “Certains n’ont plus rien quand ils sortent”. Henri, ancien aumônier protestant, membre d’une association qui vient d’être créée, témoigne : “je m’occupe des personnes sortantes qui sont livrées à elles-mêmes et qui n’ont donc pas de famille sur laquelle s’appuyer. Alors, on essaye de les aider psychologiquement, un peu matériellement aussi et on les oriente vers d’autres associations

L’accueil des familles en attente de parloir donné par les bénévoles de la Croix rouge est de ce fait très important, ce temps permet de discuter avec les proches, les écouter, les accompagner, les mettre en confiance car ils ont besoin de soutien.
« Aujourd’hui les gens se plaignent d’individualisme, de solitude, d’isolement, d’incompréhension de tous les maux qui peuvent détruire la société que nous essayons de construire. » s’est exprimé Pascal Bruno du Bistrot du cours, « Le fait de recréer du lien social ne peut qu’apporter de l’apaisement dans la société..»

Où se trouve la responsabilité de chacun dans cette société ? Comment un individu en arrive-t- il à mal tourner ? « L’humain sauvera l’humain » ont été les derniers mots de la soirée, si l’on peut dire, voté à l’unanimité. On en est sorti touché, presque ébranlé, bousculé, ému.

Prochains rendez-vous du Bistrot du cours 
Vendredi 24 novembre à partir 20h30 : Présentation de l’école démocratique de Corse par l’association La Boussole
Jeudi 30 novembre  à partir de 20 heurs : café coaching animé par Sophie David
Vendredi 1er décembre à 20h30 café conférence/débat "QUAND L'INTESTIN GUÉRIT LE CERVEAU ?" animé par Iracema Lima Ribeiro, « Praticienne de santé naturopathe», Certifiée de l'Institut Supérieur de Naturopathie (ISUPNAT) à Paris.