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Jean-Pierre Nadir, fondateur de FairMoove : " En Corse, le tourisme doit se transformer pour devenir un moteur de progrès"


M.V. le Vendredi 26 Avril 2024 à 14:03

Parrain du 2e salon Sens Corsica Ajaccio qui se tient du 25 au 27 avril à Ajaccio, Jean-Pierre Nadir, "serial entrepreneur" breton fondateur du site fairmoove.fr et juré investisseur de l’émission de M6 "Qui veut être mon associé ?" est venu donner sa vision du tourisme. Un tourisme plus raisonné qui peut selon lui se transformer en une occasion unique de réinvention pour une destination



Document CNI
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- Vous avez une expérience considérable dans le domaine du tourisme. Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
- Mon parcours dans le tourisme a débuté tôt, j'ai créé ma première entreprise à l'âge de 21 ans, Voyage magazine, que j'ai dirigée pendant une décennie avant de la vendre. Ensuite, j'ai fondé le groupe Les Editions de demain, éditant divers supports de voyage, et créé l'agence de photo Visa Image, responsable de la distribution des productions du groupe dans quarante pays. Après une décennie, j'ai également vendu ce groupe de presse. En 2000, j'ai lancé EasyVoyage, une plateforme mettant en relation les touristes avec les compagnies de transport et les hôtels, que j'ai développée pendant 20 ans avant de la vendre au groupe Webedia en 2015. En 2020, durant le confinement mondial, j'ai décidé de réfléchir à un nouveau projet. C'est ainsi qu'est né FairMoove.fr, une plateforme de réservation de voyages mettant en avant les acteurs agissant de manière responsable pour la planète, les populations locales et les clients. C'est comme ça que j'ai découvert le tourisme responsable, dont le but c'est de réconcilier les enjeux de la planète, des populations locales et des touristes.


- Pourquoi avez-vous choisi de vous investir dans le créneau des vacances écolos ou éthiques avec FairMoove.fr  ? 
- C'est simple, dans un monde où on ne génère que du contre et on n'arrive pas à produire du pour...et beh moi j'au décidé de faire la vitrine de tous ceux qui agissent positivement.  Pour moi, le tourisme doit jouer un rôle dans la création d'un monde plus harmonieux, surtout dans un contexte où des milliards de personnes vivent avec moins de trois dollars par jour et où le chômage est un problème majeur. Nous devons trouver un équilibre entre le développement des régions du sud à travers le tourisme et l'utilisation de ce secteur comme levier pour réinventer nos modèles locaux, en favorisant notamment les matériaux locaux et les productions respectueuses de l'environnement.

- Comment sélectionnez-vous ces offres pour qu'elles correspondent aux valeurs de l’écologie, de l’éthique et de l’immersion ?
- J'ai sélectionné quatre mille hôtels dont l'offre est ancrée dans des valeurs écologiques et éthiques bien définies, plaçant l'impact environnemental au cœur de leurs préoccupations. Un autre critère essentiel de sélection est ce que nous appelons l'immersion, c'est-à-dire comment chaque établissement s'inscrit et agit au sein de son écosystème. Le tourisme, selon moi, n'est pas seulement un problème mais peut aussi être une partie de la solution.


- Est-ce que sur votre site figurent des hôtels corses ?
- Oui, bien sûr, nous avons déjà une sélection d'hôtels corses. Ma présence ici aujourd'hui est également motivée par ma volonté de rencontrer les acteurs locaux du tourisme et de partager ma vision d'un tourisme responsable. Je suis accompagnée de deux responsables de production : l'une chargée de sélectionner les hôtels et l'autre spécialisée dans la création de circuits éthiques et solidaires qui mettent en valeur l'authenticité de la destination à travers ses acteurs locaux. Ce qui est primordial pour nous, c'est de valoriser le terroir, les territoires, ainsi que les produits et saveurs locaux. Nous considérons que voyager, c'est découvrir d'autres univers sensoriels, avec leurs propres goûts et odeurs. C'est aussi comprendre que la diversité des cultures est un partage enrichissant ; lorsque l'on vit ailleurs pour ce qu'il est, cela nous permet de revenir avec une vision plus éclairée. Je souhaite mettre en avant ces aspects pour expliquer pourquoi le tourisme est non seulement une opportunité, mais également une nécessité pour notre société.
 
- Quels sont, selon vous, les défis spécifiques auxquels les entreprises touristiques en Corse sont confrontées lorsqu'elles cherchent à adopter des pratiques plus écoresponsables ?
- Les défis auxquels sont confrontées les entreprises touristiques en Corse sont multiples. D'une part, la région bénéficie d'atouts considérables tels qu'une nature préservée, rare dans notre monde actuel de bétonnage croissant, mais ces avantages ne sont pas toujours bien communiqués. Actuellement, la surfréquentation touristique est un sujet brûlant, bien que la Corse n'en souffre pas encore. Avec environ 13 000 chambres d'hôtel, la capacité d'accueil est trois fois inférieure à son potentiel, ce qui ouvre des perspectives de développement mais aussi des défis. Il est nécessaire de créer un label "produit corse" pour certifier l'origine des produits locaux, répondant ainsi à une demande croissante de consommation responsable. Le concept de slow tourisme prend également de l'ampleur, mettant en avant une expérience de voyage axée sur la contemplation et la qualité des interactions.
Un autre défi majeur concerne l'énergie. Comment assurer une production énergétique durable et adaptée aux besoins saisonniers ? Les opérateurs touristiques, notamment les plus importants, peuvent s'orienter vers des sources d'énergie renouvelable comme le solaire, permettant de couvrir une part significative de leurs besoins.
De plus, la gestion de l'eau est cruciale, tant pour la consommation quotidienne que pour les besoins des infrastructures hôtelières. Des mesures telles que la récupération des eaux grises et l'installation de dispositifs économes en eau peuvent contribuer à réduire la consommation excessive.
Je suis convaincu que le tourisme doit se transformer pour devenir un moteur de progrès, en Corse comme ailleurs. Cette région peut servir de laboratoire pour relever les défis contemporains tels que la préservation de l'eau, la transition énergétique et la gestion des déchets. En repensant nos pratiques, le tourisme peut devenir un modèle exemplaire et participer activement à la réinvention de nos sociétés pour un avenir plus durable.

- En tant qu'investisseur et entrepreneur dans le secteur du tourisme, quelles sont vos recommandations pour encourager davantage d'entreprises en Corse à adopter des pratiques écoresponsables ?
- Pour commencer, la Corse ne recyclage pas le plastique et l'envoye sur le continent. Une première étape serait donc de supprimer les bouteilles en plastique, notamment dans les hôtels. Il est crucial de sensibiliser les hôteliers à cette démarche et de les encourager à passer aux bouteilles en verre, une alternative plus durable.
Ensuite, il y a des défis structurels à relever, notamment en termes de production, car la Corse est en déficit dans de nombreux domaines. Il est également important de se concentrer sur l'accueil et la formation du personnel pour garantir des emplois toute l'année et étendre la saison touristique au-delà de la période estivale. Il est essentiel d'éduquer les clients sur les atouts de l'ile en dehors de la saison estivale pour promouvoir un tourisme durable et continu tout au long de l'année. En intégrant des valeurs écologiques, éthiques et une véritable immersion dans l'environnement local, nous pouvons non seulement créer de nouvelles opportunités économiques mais aussi contribuer à la préservation de la beauté naturelle de la Corse.

J'ai déjà donné quelques exemples, mais je suis convaincu que la clé réside surtout dans l'adoption d'un discours authentique. La transparence et la reconnaissance de nos progrès, même s'ils ne sont pas encore parfaits à 100%, sont essentielles. Nous devons simplement expliquer notre parcours. Par exemple, une pratique simple mais efficace consiste à indiquer l'origine des produits au petit-déjeuner. Proposer de la confiture de chez Antonio en Corse, par exemple, ajoute une dimension humaine, donne une histoire au produit et lui confère une saveur unique, souvent différente. Je crois que l'hôtellerie devrait être le porte-étendard de toutes les initiatives positives dans une destination. Elle joue un rôle crucial à cet égard.

- En Corse, quel est donc l'état des lieux de cette tendance et quels aspects pensez-vous qu'on pourrait améliorer ? 
- Il reste encore beaucoup à faire pour progresser. Parmi les aspects à améliorer, on peut citer l'accueil des visiteurs, la promotion des produits locaux dans les hôtels, la réduction de l'usage du plastique et la mise en place de politiques zéro déchet. Un changement d'état d'esprit est également nécessaire : les Corses pensent que c'est un honneur  d'être accueilli par eux. Les pays touristiques en général, trouvent que c'est un honneur que vous soyez venus chez eux. je pense donc qu'on peut améliore le rapport au tourisme en considérant que le tourisme est un est un bienfait dès lors qu'on en limite les méfaits.