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Dater les premiers peuplements en Corse : l'histoire d'un "quiproquo" à Lucciana


le Jeudi 14 Décembre 2023 à 17:44

Tout aurait commencé, en Corse, durant l'ère néolithique. C'est ce que laissent supposer les propos tenus par Dominique Garcia, le président de l'Inrap, l'institut national de recherches préventives. Il était au musée de Lucciana ce jeudi, pour participer au compte-rendu des dernières fouilles réalisées dans l'île. Mais ses propos sont à préciser.



Le site de Sotta qui a été mis au jour par l'Inrap en début d'année, et qui porte des traces du Néolithique. PHOTO INRAP
Le site de Sotta qui a été mis au jour par l'Inrap en début d'année, et qui porte des traces du Néolithique. PHOTO INRAP
"La Corse a la spécificité de démarrer avec le néolithique, il n'y a pas eu de peuplements préhistoriques en Corse", a déclaré ce jeudi Dominique Garcia à Lucciana, au cours d'une conférence de presse organisée au musée Prince-Rainier III. Invité à préciser sa pensée, l'archéologue et historien complète, en aparté : "Il n'y a pas eu, en Corse, d'hommes de Néandertal durant l'ère paléolithique." Des propos qui posent question, car Dominique Garcia semble faire abstraction de l'ère qui succède au Paléolithique et précède le Néolithique : le Mésolithique.

L'ère mésolithique (datée entre 10 000 à 6 000 avant J.C.) est considérée comme faisant partie intégrante de la Préhistoire, alors qu'il y a débat pour le Néolithique, que d'aucuns auraient plutôt tendance à ranger dans la Protohistoire, soit la période de l'Histoire où les êtres humains commencent à vivre de leur production agricole. Et une étude intitulée Campu Stefanu, le premier peuplement de Corse, réalisée par six anthropologues et chercheurs en 2015, confirme des travaux préalables qui attestaient déjà d'une présence de peuplement en Corse avant le Néolithique : "La sépulture de Campu Stefanu a été datée entre 8 300 et 8 000 avant J.-C., ce qui en fait la plus ancienne connue de l’île. Les deux autres sépultures mésolithiques avaient été installées dans des abris naturels calcaires : la tombe d’Araguina-Sennola (Bonifacio) est datée des environs de 7 500 avant J.-C., et la sépulture de Torre d’Aquila (Pietracorbara, cap Corse) a été installée dans la première moitié du VIIIe millénaire. (...) Le Mésolithique funéraire corse apparaît ainsi bien représenté et vient par cette découverte récente documenter la diversité des pratiques funéraires de cette période."

L'Inrap, que nous avons recontacté en fin de journée, confirme "un petit quiproquo" par le biais de son service communication : "Une occupation est effectivement documentée en Corse au Mésolithique." Et d'ajouter : "Mais les phénomènes culturels de la présence humaine, comme le développement de l'agriculture, la sédentarisation ou le développement de la céramique sont des marques qui correspondent au Néolithique."

"Des migrants qui ont fait la Corse"

Cela ne change rien à la suite de la démonstration de Dominique Garcia. En rappelant qu'aucune trace humaine en Corse n'a pu été détectée durant l'ère paléolithique, il en arrive à la conclusion qui fait consensus que, "à un moment, il y a des gens qui sont venus d'ailleurs. Des migrants qui ont fait la Corse." En avril dernier, des fouilles préventives se sont achevées à Sotta, près de Porto-Vecchio. Elles ont mis au jour un important site dont la datation reste à déterminer avec précision, mais qui correspond au Néolithique : "Il semblerait que ce soit un quartier artisanal avec du tissage, des activités métallurgiques, et des ateliers de fabrication de perles en pierres", détaille Florian Soula, le responsable de l'opération. Suite à ces découvertes, le site a vocation à être détruit (après récolte de toutes ces précieuses informations), ce qui est le principe des fouilles préventives qui ne préservent un site archéologique que s'il revêt un intérêt exceptionnel.

Et ce jeudi à Lucciana, les archéologues de l'Inrap en Corse ont rendu compte, au travers de conférences ouvertes au public, des découvertes les plus récentes réalisées dans l'île. Le site de Dilligato à Sotta, mais aussi les fouilles de la Petra à l'Île-Rousse, la tombe étrusque Lamajone d'Aléria, ou encore les nécropoles antiques de Mariana à Lucciana ou l'église San Petru de Barbaggio. "L'intérêt, pour nous, c'est de pouvoir permettre à tous les acteurs scientifiques de venir travailler chez nous et de proposer, comme aujourd'hui, une journée de restitution de leurs travaux au grand public", a mis en exergue Ophélie De Peretti, la directrice du musée.

Et demain ?

Des fouilles préventives sont en cours à Ghisonaccia mais on ne connaît pas, pour l'heure, l'étendue des découvertes. Et des fouilles programmées pour 2024 vont s'attacher à "mieux document la tour de la Parata", sur les îles Sanguinaires, annonce Laetitia Deudon, la conservatrice régionale des services de la DRAC.
 

Dominique Garcia au centre de la photo
Dominique Garcia au centre de la photo