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Corte : Quel Impact les crues de novembre ont-elles eu sur la population de truites ?


Mario Grazi le Dimanche 21 Janvier 2024 à 18:24

Pour tenter de répondre à cette question, Corse Net Infos s’est adressé à Pierre-Jean Albertini, administrateur bénévole au sein de la Fédération des Associations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques de Corse (AAPPMA), mais également hydrobiologiste et conservateur de la réserve naturelle du Monte Ritondu à l’Office de l’Environnement de la Corse.



Pierre-Jean Albertini, administrateur bénévole au sein de la Fédération des Associations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques de Corse
Pierre-Jean Albertini, administrateur bénévole au sein de la Fédération des Associations de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques de Corse
Selon l’administrateur de la Fédération de la pêche, il est certain qu’en ayant vu la crue exceptionnelle de la Restonica de novembre dernier et les énormes dégâts causés sur l’environnement et le changement du lit secondaire sur plusieurs centaines de mètres, « il y a forcément un impact sur le poisson comme il y a un impact sur la Restonica et sur les petits affluents comme le Timozzu, considéré comme une réserve pour les populations de truites. Fort heureusement il y a des zones comme le ruisseau de Bravinu et surtout en amont des bergeries des Gruttelle qui ont été beaucoup moins touchées. On peut fort bien imaginer que la truite est bien présente sur le bassin versant ».
Mais actuellement, il est difficile d’en savoir davantage car les conditions météo ne permettent pas de procéder à des pêches électriques, de manière à faire un inventaire précis du nombre d’individus présents dans la rivière. Une opération qui sera menée dès le début du printemps « pour voir s’il reste suffisamment de géniteurs et dresser un bilan des dégâts effectifs sur les truites qui n’avaient pas encore pondu, car chez nous la ponte se fait plutôt vers la mi-décembre. Mais il est d’ores et déjà certain qu’il y a eu un impact sur les frayères avec tout l’emport du substrat », a expliqué le scientifique.
En fonction des résultats de l’inventaire, diverses actions pourront être conduites. Mais d’abord, il s’agira de protéger les poissons présents en demandant aux pêcheurs d’adopter un comportement de préservation à travers le No Kill. « Pas question d’interdire la pêche, au contraire. Une présence des pêcheurs en rivière est importante car ce sont les premières sentinelles. C’est une manière aussi d’éviter le braconnage. Nous comptons aussi sur les pêcheurs pour faire remonter l’information auprès de la Fédération et de l’Office de l’Environnement. Nous avons donc proposé une mise en No Kill du pont de Tuani jusqu’au déversoir du lac du Melu. Cette action vise à avoir une présence en rivière et de préserver les géniteurs qui restent. Un arrêté a d’ailleurs été pris en ce sens par le préfet ». Les informations pourront être communiquer sur les sites internet de la Fédé et de l’OEC.
Par ailleurs, la Fédération sera aussi amenée à procéder à un éventuel rempoissonnement de la Restonica en prélevant des truites sur le bassin versant du Tavignani, entre la Sega et le Camputile. Pas question, bien sûr d’introduire des alevins ou des truitelles de souches autre que locales. Mais Pierre-Jean Albertini fait remarquer que le même phénomène s’était produit sur la Casaluna en 2016 (San Lurenzu). Ici, les affluents n’avaient pas été touchés. La pêche y avait été interdite durant trois ans. Si la première année les comptages avaient révélé la présence d’une dizaine de truite seulement, « nous étions passés à plusieurs centaines trois ans plus tard sur le même linéaire. C’est dire la capacité de la truite à se réapproprier son environnement ». La situation est la même dans la Restonica où les affluents ont été beaucoup moins touchés et par conséquent la truite devrait pouvoir s’y développer normalement au cours des trois prochaines années, « à condition, bien sûr, que les pêcheurs jouent le jeu et relâchent leurs prises. Mais la truite est une espèce qui a une très forte résilience. Si les crues avaient un impact dévastateur sur les populations, il n’y aurait plus de poissons depuis longtemps. Certes, il y a eu un épisode violent qui a entraîné des dégâts importants et la pêche va être compliquée cette année et les deux prochaines années également, mais avec le temps, la truite colonisera à nouveau la Restonica, et ce de manière naturelle ».
L’arrêté préfectoral pour la mise en No Kill de la Restonica entre Tuani et le Melu a été pris pour un an, « en fonction des inventaires sur les truites et aussi de la recolonisation de tous les invertébrés qui ont disparu, cet arrêté pourra être reconduit ».
Concernant le Tavignani, la crue a été moins forte et le lit n’a pas été modifié « l’impact devrait y être moins important d’autant il y a de vastes trous d’eau et des caches naturelles relativement importantes pour les truites. Par ailleurs je rappelle que nous avons sur le Tavignani, en ville, un parcours No Kill depuis 5 ans entre le pont Diunisu et la passerelle puis via l’auberge Colonna. Un tronçon qui pourra permettre, éventuellement, une recolonisation normale. En amont de Corte nous n’avons pas observé énormément de dégâts. Nous suivrons cela avec attention et nous verrons s’il y a lieu de proposer quelque chose ensuite, mais pour l’instant il n’y a pas d’inquiétude particulière sur le Tavignani, par rapport à la Restonica », a conclu Pierre-Jean Albertini.
 


C'est à partir du pont de Tuani que la pêche devra être pratiquée en No Kill dès le mois de mars prochain. (Photos Mario Grazi)
C'est à partir du pont de Tuani que la pêche devra être pratiquée en No Kill dès le mois de mars prochain. (Photos Mario Grazi)