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Règlement de comptes à… Paoli Corral


Jacques RENUCCI le Samedi 31 Mars 2018 à 17:25

Le voyage d'une délégation corse à Paoli City fait débat, plus pour son utilité que pour son coût...



Règlement de comptes à… Paoli Corral

Parmi les polémiques sans conséquence qui font le sel de l'Assemblée de Corse, où le grand destin de l'île bégaie parfois, celle ayant trait à un voyage à Paoli City mérite qu'on s'y arrête. Tout voyage commence par un pas, dit un proverbe chinois. Sur ce premier pas, l'opposition territoriale a multiplié les crocs-en-jambe, ce qui est de bonne guerre.


On se le dit et on se le redit : le nom de Paoli a été donné à quelques agglomérations américaines, celles où l'immigration irlando-écossaise a été importante. Si l'on prend l'exemple de Paoli de l'Indiana, la commune s'appelle ainsi pour le fils du gouverneur de Caroline du Nord, Samuel Ashe, venu avec la vague migratoire d'Angleterre et dont le fils avait été prénommé Pasquale Paoli...
C'est cette influence-là, près des gens, qui devrait nous toucher. Mais avec la fatuité qui nous caractérise parfois, nous montons quatre à quatre les étages, nous parlons de modèle constitutionnel, d'influence de nos lumières sur un pays en construction marqué de notre label indélébile... Avec un tel poids politique, une telle empreinte, nous eussions mérité que l'Amérique reconnaissante baptise Paoli des villes comme New-York ou Los Angeles... Il n'en est rien. Nos élus pourraient en ressentir quelque rancune ; pourtant, ils se sentent plus investis que les Rois Mages marchant vers Bethléem. Ils sont en mission, pas civilisatrice, mais presque.


Contentons-nous donc de Paoli City, un peu plus de 5 000 habitants, au cœur de la Pennsylvanie. Pour le voyage d'agrément, on repassera. Si l'on cherche des échanges commerciaux, universitaires, culturels de haut niveau, ce n'est sûrement pas à Paoli City qu'il faut aller. En revanche ,il y a quelque chose de touchant à savoir que ce trou perdu de l'Amérique profonde, dans cette région de bourgades disséminées qui plébiscitent Trump (et où Michael Cimino fait vivre les personnages de son film Voyage au bout de l'Enfer), a quelque chose à voir avec nous, un lien affectif qui n'est pas que celui du non développement, de l'absence de perspectives et de la désertification.


Plus de 50 ans d'amitié, ça se fête. L'an dernier, lorsqu'il accueillit à cette occasion la délégation de Paoli City, Jean-Guy Talamoni, dans son allocution, avait souligné que ce qui séparait les révolutions américaine et corse de la Révolution française, c'était le refus d'une rupture brutale avec la tradition. Et la tradition, à Paoli City, on connaît. Surtout celle de la Saint-Patrick, au cours de laquelle il faut jusqu'à plus soif « noyer le trèfle ».
Remontons dans le temps, en 1769... Dans cette petite cité relais de diligence qui vient d'éclore, on célèbre selon l'usage le saint avec force bénédictions, toasts et proverbes, sur la santé, les femmes, la boisson, le plaisir d'être ensemble... « Un cœur sain et une bouche mouillée », voilà l'idéal du moment, et dit en gaélique c'est encore plus beau. Au quarante-cinquième toast, selon la chronique locale, le nom de Paoli surgit.
La taverne s'appellera ainsi ; par extension ce lieu sans nom trouvera une identité – et le peuple corse, bien plus tard, une diplomatie à sa mesure.


Edward C. Auble, Président émérite de la Paoli Business and Professional Association de Paoli City, en Pennsylvanie (au centre) @Daily Local News
Edward C. Auble, Président émérite de la Paoli Business and Professional Association de Paoli City, en Pennsylvanie (au centre) @Daily Local News