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Corse : dans les coulisses des présélections pour le concours général agricole


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Mercredi 9 Février 2022 à 11:48

Depuis plus de 150 ans, le Concours Général Agricole est l’occasion, pour les producteurs, de faire valoir la qualité de leurs produits. C’est dans le cadre du Salon International de l’Agriculture – qui se déroulera cette année à Paris du 26 février au 6 mars –, que ces prix si convoités sont attribués. La Corse est naturellement sur les rangs : chargée de la préparation du concours, la Chambre Régionale d’Agriculture s’affaire afin que tout soit prêt dans les temps. Petit voyage dans les coulisses de cet évènement…



Crédit photo DR
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Le Concours Général Agricole n’est pas un évènement anodin. L’enjeu est important pour les producteurs corses. Cette année, ils sont 45 producteurs, toutes productions confondues, à avoir fait acte de candidature. « Chaque producteur peut s’inscrire dans une ou plusieurs catégories, mais pour un volume précis. Les enjeux financiers sont importants, cela permet aux producteurs de se démarquer, explique Sandrine Suissa qui pilote la démarche à la Chambre Régionale d’Agriculture. C’est pour cela que le calendrier, fonction des produits, est complexe et rigoureux, avec des règles strictes et une méthode que nous devons suivre à la lettre ». 
 
Du site de production au Salon de l’Agriculture où va se dérouler la finale, les étapes sont cadrées. Les produits qui concourent – vins, huile d’olive, miel, bières, apéritifs, fromages, charcuterie ou confitures – doivent se prévaloir d’un standard minimum de qualité.
Ainsi, pour le vin, l’huile d’olive et le miel, il est obligatoire d’être adhérent à une AOP. Il faut écarter tout passe-droit potentiel et veiller à ce qu’aucun producteur ne puisse se prévaloir d’une médaille obtenue sur un produit pour en faire bénéficier le reste de sa production. D’où une réglementation qui s’impose à tous, avec des intermédiaires qui garantissent le respect des règles. 

L’exercice délicat du prélèvement

La Chambre Régionale d’Agriculture est notamment chargée de réaliser les prélèvements : un gros travail qui a mobilisé cette année douze équipes d’au moins deux personnes pendant plus de deux mois. « Rien qu’hier, raconte Sandrine Suissa, nous étions trois chez un viticulteur important. Nous devions y rassembler vingt-quatre échantillons de vin ». 

Le vin est sans doute le produit dont la procédure est la plus exigeante, tant les enjeux financiers sont importants. Ainsi, depuis 2008, la Chambre Régionale d’Agriculture et la Chambre d’Agriculture de Haute-Corse ont-elles conclu un partenariat avec le GIAC – le Groupement Intersyndical des vins AOC de Corse qui réalise dans l’île les contrôles des vins de cette appellation. « Le GIAC apporte son ingénierie au système ce qui permet de border les choses d’un point de vue juridique », explique sa Directrice Nathalie Olmeta-Pierrini. Bref, c’est une façon d’éviter toute contestation ultérieure. C’est cet organisme qui a assuré la formation des treize préleveurs de la Chambre. 
« Nous devons récupérer sept bouteilles de chaque échantillon. Nous venons généralement avec des bouteilles vides », rapporte Sandrine Suissa. Le technicien passe de cuve en cuve, en s’assurant que les volumes correspondent à ce qui a été déclaré au moment de l’inscription. « Car si le producteur remporte un prix, il ne pourra commercialiser avec la médaille que les volumes qu’il aura déclarés à l’inscription. Ce sont les douanes qui assureront le respect de cette exigence, par contrôle aléatoire. »

S’il n’y a pas de robinet, le technicien utilise un plongeur pour faire son prélèvement au milieu de la cuve : ni trop profond pour éviter les dépôts, ni trop haut pour limiter la quantité d’oxygène. Le protocole est strict : il faut procéder de telle sorte que le vin n’évolue plus après cette mise en bouteille, et donc lui assurer le moins de contact possible avec l’oxygène.  « Parfois, le vin présenté est un assemblage : hier, l’un des échantillons nécessitait de prélever dans sept cuves différentes : il faut veiller à prendre la bonne proportion dans chaque cuve ! »

Feuille d’émargement, étiquetage scrupuleux de chaque bouteille sur lequel doivent figurer le numéro de l’échantillon et celui du candidat, attribués au moment de l’inscription : c’est une première étape pour garantir l’anonymat. Le travail nécessite de la rigueur. 

Une présélection pour les vins

Des sept bouteilles prélevées, l’une part à un laboratoire d’analyse – il en existe deux en Corse, à Cervione et à Bastia – pour s’assurer que le vin est bien conforme à ce qui a été déclaré lors de l’inscription. Deux autres sont conservées, l’une à la Chambre d’Agriculture, l’autre chez l’exploitant :  dans le cas où il recevrait une médaille, ces deux bouteilles seraient des témoins permettant aux douanes de réaliser d’éventuels contrôles. Enfin, deux partiront à Paris si le vin est présélectionné. 

Car, comme dans toutes les régions, il y a une présélection. Elle est organisée par le GIAC. Seuls les plus méritants monteront en finale : pas plus de la moitié des vins présentés ! C’est à cette présélection que sont consacrées les deux bouteilles restantes. Cette année, l’exercice se déroulera à Corte, le 9 février, dans la ferme auberge a Chjusellina. Une cinquantaine de personnes – vignerons, œnologues, techniciens de cave, sommeliers, mais aussi simples consommateurs – effectueront la dégustation à l’aveugle, répartis en une dizaine de jurys composés chacun de cinq jurés. Car il n’y a pas moins de 171 vins à déguster ! Chaque jury se verra ainsi attribuer une vingtaine d’échantillons et chaque goûteur testera les vins dans un box individuel – Covid oblige. L’anonymat des produits aura été conforté par l’attribution d’un nouveau numéro dont l’attributaire effectif ne sera connu que du GIAC. Le timing est serré. Le 14 février au plus tard, les bouteilles élues doivent être remises au transporteur qui les conduira à Paris pour la finale du 26 février. Si trois des six membres de ce dernier jury seront mandatés par la Corse, les autres seront de parfaits inconnus : ici encore, on recherche une totale objectivité.
 
Pour l’huile d’olive, l’organisation des prélèvements est plus simple. Il n’est besoin que de quatre bouteilles, elles aussi étiquetées, qui vont transiter par France-Olive – l’Association Française Interprofessionnelle de l’Olive – et son laboratoire, à Aix-en-Provence.  Le miel est envoyé à un laboratoire d’analyse après que les services de la Chambre ont soigneusement apposé des scellés sur les pots. Les fromages sont traités en dernier, parce que certains sont des produits frais. Quant aux autres productions – leur contenant lui aussi scellé quand la chose est possible – les producteurs les adressent directement aux services du Concours Général : c’est lui qui assurera leur anonymisation – une constante du concours – pour leurs finales respectives qui se dérouleront au cours de la semaine du 28 février.
 
Un bon cru en 2020

En 2020, dernier concours en date, les producteurs corses avaient remporté 56 médailles en vin, et 20 médailles pour les autres produits ! « Les jeunes qui débutent y voient l’opportunité de s’y faire connaître, précise Thierry Francioni qui depuis près de vingt ans participe comme dégustateur au jury des vins. Les plus aguerris jouent, eux, sur la régularité et la continuité historique d’une production de qualité qui augmentent les chances de remporter une médaille. » 

L’enjeu est important pour les médaillés, pour tous ceux qui concourent, mais plus encore : « C’est l’occasion de faire connaître nos producteurs et nos produits. Et notamment l’occasion de mettre à l’honneur les produits sous signe de qualité officiel – AOP, AOC, IGP, explique Jean-François Sammarcelli, le Président de la Chambre Régionale d’Agriculture. Nous avons ainsi l’opportunité de toucher un public beaucoup plus large, au-delà de la Corse : au national et à l’international. Avoir des produits primés, cela signifie que nous avons des produits d’excellence, que nous avons du potentiel. Les retombées concernent toute la filière. Elles vont même au-delà : elles touchent toute la Corse. C’est en fait une opération de communication extraordinaire, qu’on aurait du mal à organiser autrement. »