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Vincenzo Bianco : "la situation en mer Méditerranée est, aujourd’hui, vraiment dangereuse"


Nicole Mari le Samedi 2 Avril 2022 à 19:19

Lors du 9ème sommet européen des villes et régions qui s’est tenu début mars à Marseille, les élus du Sud ont demandé la mise en œuvre d’un partenariat méditerranéen renouvelé. La présidente de l’assemblée de Corse, qui aurait du y participer, s’est désistée en raison des évènements dans l’île. Le Sicilien Vincenzo Bianco, président du Conseil national des villes d’Italie, rapporteur au Comité européen des régions (COR) et pour l’ARLEM (Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne) sur les questions de l’économie bleue et du voisinage méridional, a lancé un cri d’alarme sur les effets du changement climatique en Méditerranée. Il explique à Corse Net Infos que l’Union européenne doit faire preuve de courage et de détermination et travailler avec les collectivités locales dans le cadre de sa stratégie méditerranéenne.



Cap Corse. Photo CNI.
Cap Corse. Photo CNI.


- Quel est l’enjeu de l’économie bleue aujourd’hui ?
- Je dois dire franchement que la situation en Mer Méditerranée est, aujourd’hui, vraiment dangereuse. Le problème, c’est que nous n’avons pas encore parfaitement compris, que nous ne sommes pas encore parfaitement conscients de la réalité de cette situation. À chaque minute, tous les jours, quelque soit le mois ou l’année, arrivent en Méditerranée 30 500 bouteilles en plastique. La Méditerranée est la mer du monde où la température va monter le plus vite. Chaque année, la température va augmenter de 20 % de plus que dans toutes les autres mers du monde. Cela veut dire qu’en cinq ans, la croissance de la température va doubler par rapport à celle des autres mers. LA température des mers du monde entier va augmenter de 1°C, en Méditerranée elle montera de 2°C. Vous comprenez ce que cela signifie ! Ces dernières années, 700 espèces de poissons et de flore tropicale ont disparu dans notre Mer Méditerranée. Ma ville, Catania, a reçu un jour, en une heure, toute la pluie qu’elle reçoit normalement en une année ! C’est terrible ! Il faut faire des choses importantes et courageuses.
 
- Lesquelles ?
- Par exemple, favoriser la green economy, l’économie verte. Favoriser des activités qui donnent de la richesse tout en respectant l’environnement. Il faut aussi mettre en place une coopération méditerranéenne. On ne peut pas le laisser à chaque État le soin ou le contrôle sur sa part de mer et le laisser faire ce qu'il veut. Il faut, par exemple, créer une autorité Euro-Méditerranée qui sera en capacité, à la fois, de punir les choix terribles qui seraient faits, mais qui pourrait aussi donner des aides concrètes pour commencer des activités plus importantes et plus respectueuses de l’environnement.
 
- Est-ce que ce sont les régions où est-ce que ce sont les Etats qui doivent prendre ces décisions ?
- Il faut commencer avec les villes. Chaque municipalité doit s’y mettre, ensuite les provinces et les régions, enfin les Etats. A un moment donné, une autorité Euro-Méditerranée doit fixer des règles très dures et doit les faire respecter. Quand il y a une guerre terrible qui entraine un tel changement, il faut avoir du courage !
 
- Vous dites aussi qu’il faut se tourner vers le Sud. Pourquoi ?
- Il faut avoir de l’attention même pour le Sud pour des raisons qui tiennent tout à la fois de l’immigration, de la sécurité et surtout de la Mer Méditerranée. C’est là que se décidera quelle sera l’Europe du futur, et pas seulement au Nord, mais même au Sud. J’ai fait des propositions concrètes à la Commission européenne pour un partenariat Euro-Méditerranée, et la Commission m’a répondu favorablement. Elle m’a dit que nous avions raison et qu’il fallait commencer à travailler sur ce sujet avec du courage.
 
- Quelle proposition avez-vous fait ?
- Par exemple, la proposition d’avoir une sorte de déclaration des droits humains pour la Méditerranée, comme il en existe dans l’Union européenne. On pourrait de même avoir une déclaration signée par tous les pays du voisinage méridional disant, par exemple, quels sont les droits humains pour les populations, pour les îles, pour l’environnement, pour le respect des libertés, pour les droits des femmes et les droits civils. Sur de nombreuses questions importantes, de l’environnement à la sécurité, des politiques de la jeunesse à la protection des droits, de la migration à la mobilité, la relation entre l’Union européenne et la Méditerranée est au cœur de l’équilibre économique, social, humanitaire et de sécurité de nos pays. Si on veut coopérer avec l’Europe et même obtenir des fonds, de l’argent, il faut respecter des règles.
 
- Aujourd’hui tout le monde regarde vers l’Est et vers l’Ukraine, n’avez-vous pas le sentiment que la Méditerranée est oubliée ?
-  Je comprends qu’il est nécessaire de regarder vers l’Ukraine où la situation est terrible. Mais il faut aussi augmenter l’attention vers la Méditerranée et le Sud parce qu’il va y avoir des problèmes et qu’il faut les prévenir. Nous demandons à l’Union européenne de faire preuve de davantage de détermination et de courage pour assurer un rôle plus important aux collectivités locales et régionales, afin de permettre la mise en place d’une véritable gouvernance à plusieurs niveaux. Notre avenir, pour une bonne part, et sur de nombreuses questions, est réellement commun et dépend de ces décisions.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

incenzo Bianco, président du Conseil national des villes d’Italie, rapporteur au Comité européen des régions (COR) et pour l’ARLEM (Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne). Photo CNI.
incenzo Bianco, président du Conseil national des villes d’Italie, rapporteur au Comité européen des régions (COR) et pour l’ARLEM (Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne). Photo CNI.

 

L'ARLEM, une union pour la Méditerranée

L’Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne (ARLEM) est composée de membres du Comité européen des régions, de représentants des associations européennes et internationales œuvrant dans la coopération euro-méditerranéenne et de représentants des collectivités territoriales des rives Sud et Est de la Méditerranée. C’est une plateforme permanente de dialogue, d'échange et de coopération qui appelle à être reconnue comme organe consultatif au sein de la future gouvernance du Processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée à l'instar de ce qui a été réalisé avec l'APEM au niveau des parlements nationaux.