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Philippe Alessandri, l'écrivain bastiais qui prédisait l'avenir


Livia Santana le Dimanche 12 Avril 2020 à 18:51

Si à Bastia il passe ses journées auprès de sa mère de 93 ans, aveugle, on est loin d’imaginer que pendant son temps libre Philippe Alessandri prédit l’avenir à des stars de renommées internationales dans des palaces parisiens. En février dernier, il a dévoilé son premier roman « Monsieur Anatole » où il raconte les aventures d’un assassin à l’image de son auteur : perfectionniste et solitaire.



Au troisième étage d’un immeuble des années 70, Philippe Alessandri fait signe d’entrer chez lui. Un pull col roulé beige Loro Piana en bébé cachemire, une veste de tailleur hors de prix bien ajustée, une pochette de costume bordeau à coutures bleues, des Berluti marrons lustrées aux pieds, les effluves d’un parfum de luxe Anglais… l’esthète ne laisse rien au hasard et l’affirme : « Je suis un grand perfectionniste et encore plus avec mes habits. »

Pourtant, quatre bracelets détonnent étrangement avec son style classique. « C’est de la lithothérapie, la médecine chinoise par les pierres », lance-t-il en montrant les boules jaunes, orange, violettes et noires qui ornent son poignet. L’écrivain de 58 ans a un goût prononcé pour les pratiques peu communes comme le Qui-Gong, une médecine chinoise par le mouvement et aussi … la voyance ! Alors comment en est-il arrivé là ? « J’ai toujours eu des flashs et ressenti des choses sur les gens », explique-t-il.

C’est à 37 ans, lors d’un voyage à Venise, qu’il se procure son premier jeu de tarot égyptien. Il se documente beaucoup sur cette pratique et devient très vite voyant professionnel reconnu sur la Côte d’Azur : « J’avais une bonne clientèle, ça marchait très bien. » Mais au bout de deux ans c’en est trop pour lui. Il a enchainé les prédictions et veut à présent passer à d’autres aventures. Cependant, il gardera toujours dans son veston son précieux jeu de cartes.
 
« Je suis dans le fichier client de Berluti »
 
L’écrivain s’installe à son bureau. Face à lui, son canapé et une petite table basse. La vitre poussiéreuse de celle-ci protège des bibelots disposés de façon symétrique : un sachet de sucre récupéré au « Café de Flore » ,célèbre lieu de la capitale, la carte du mythique Café Florian à Venise, des pipes en bois et une boîte d’allumettes dérobée au palace parisien « Le Meurice », où il aime se rendre pour se sentir « spécial et hors du temps ».

Il sort alors d’un tiroir de son bureau une boîte bien rangée contenant des cartons d’invitation à son nom. « Je suis dans le fichier client de Berluti, Loro Piana, même de montres de luxe ainsi je reçois beaucoup de courriers pour me rendre à des cocktails privés», raconte-t-il fièrement.

Lors de ces soirées il a rencontré Antoine Arnault, Thierry Marx ou encore Karl Lagerfeld. C’est dans ces événements exclusifs que le romancier a pu exercer son don. « Dans ces soirées intimistes dès que j’explique mon ancienne profession tout le monde se bouscule pour que je lui prédise l’avenir. Surtout les stars, elles sont très friandes de ce genre de pratiques. Comme j’ai toujours mon jeu de carte dans ma poche, j’ai déjà annoncé l’avenir à trois très belles femmes de renommé internationale. » Nous ne connaitrons malheureusement pas l’identité de celles-ci.
 
 « Je suis différent, c’est pour ça que je suis comme les autres. »
 
Quand le romancier décrit ses séjours parisiens, on imagine facilement le dernier James Bond : belles voitures, belles femmes, palaces somptueux, bars d’hôtels… mais son quotidien est loin d’être aussi resplendissant. S’il a pu se procurer une collection de chaussures de luxe et « entrer dans les fichiers » c’est aussi parce qu’il bénéficie d’un héritage familial. 

Après avoir enchainé des postes en CDD en tant qu’employé de banque, agent de la chambre de commerce et d’industrie, documentaliste « qui a redonné goût à la lecture au aux élèves du collège Giraud » … il s’occupe depuis dix ans de la seule et unique femme qu’il ait jamais aimé : sa mère de 93 ans, Jeanine, qui a perdu la vue depuis trois ans. « Un métier avec beaucoup d’humanité, qu’il recherchait depuis longtemps », explique-t-il. C’est aussi en mêlant travail et temps libre, qu’il a pu se consacrer à l’écriture de son premier roman. 

« Une belle surprise » pour son ami Gérard, 81 ans ancien libraire qui tient à souligner « le travail d’un homme sincère et charmant. » En lisant le roman  Monsieur Anatole, Gérard a retrouvé dans le personnage d’Anatole le caractère de son écrivain : « Le personnage principal est toujours très élégant quelles que soient les situations. Tout comme Philippe il n’est pas né dans la bonne époque, il aurait dû vivre dans les années 30. »

Exit les luxueux bars d’hôtel, c’est au Café de la Paix sur la place Saint-Nicolas, que Philippe et Gérard aiment siroter un café au soleil et lire leur journal ensemble. L’homme détonne quelque peu des habitudes vestimentaires bastiaises, mais le regard des autres ne lui fait pas peur : « Je suis différent, c’est pour ça que je suis comme les autres » lance-t-il. Ce n’est pas sa cousine Julie qui dira le contraire : « Philippe c’est un personnage, c’est quelqu’un de bizarre, de très rigolard mais qui cache une très grande souffrance et beaucoup de solitude. »

Tout droit sorti d’un roman de F. Scott Fitzgerald, Philippe Alessandri ne s’en cache pas : « Je n’ai jamais aimé les hommes, ils sont tous lâches… le monde ne devrait être fait que de femmes.» Mais le dandy bastiais n’a jamais trouvé chaussure à son pied. Et pourtant il ne cache pas son amour pour la gente féminine, et sa capacité à passer du bon temps avec  « des belles femmes », comme il aime les appeler. Toutefois, selon lui, son côté maniaque lui a joué des tours. L’écrivain voyant ne manque pas de clairvoyance à son égard.

« Monsieur Anatole » sorti en février 2020 aux éditions La Trace.