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Jean-Christophe Angelini : « Nous ne sommes pas sur un programme de mandature, mais sur un projet de société »


Nicole Mari le Mardi 15 Juin 2021 à 21:00

Changer de paradigme et inscrire la Corse dans les grandes transitions mondiales, c’est le projet de Jean-Christophe Angelini, chef de file de la liste Avanzemu pour l’élection territoriale des 20 et 27 juin. Le leader du PNC, conseiller exécutif sortant, président de l’ADEC et de l’Office foncier, maire de Portivechju, et président de la ComCom Sud, détaille, à Corse Net Infos, ses trois priorités : la révision du PADDUC, la gestion des déchets, la relance économique. Il propose, notamment, de changer de gouvernance, de réformer les agences et offices, de supprimer le Syvadec et de programmer un certain nombre de réforme. Avec un maître-mot : l’efficacité.



Jean-Christophe Angelini, leader du PNC, conseiller exécutif sortant, président de l’ADEC et de l’Office foncier, maire de Portivechju, président de la ComCom Sud et chef de file de la liste Avanzemu pour l’élection territoriale des 20 et 27 juin. Photo Michel Luccioni.
Jean-Christophe Angelini, leader du PNC, conseiller exécutif sortant, président de l’ADEC et de l’Office foncier, maire de Portivechju, président de la ComCom Sud et chef de file de la liste Avanzemu pour l’élection territoriale des 20 et 27 juin. Photo Michel Luccioni.
- Quelle est l’idée force de votre programme ?
- C’est le changement de paradigme. On peut - et on le fera - détailler les mesures dans les domaines de l’environnement, de l’énergie, de l’économie, du social… mais l’axe central, c’est le changement de temporalité et l’inscription de nos propositions dans une thématique beaucoup plus large qu’à l’accoutumée. Nous ne sommes pas sur un programme de mandature, mais sur un projet de société.
 
- Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
- Concrètement, nous vivons des temps de transition mondialisée au plan numérique, climatique, sanitaire, comme on l’a vu avec la crise Covid. Il y a aujourd’hui quantité de sujets qui, il y a encore quelques années, étaient inenvisageables et qui, désormais, s’invitent au quotidien ou presque dans nos vies. L’idée était de penser la Corse dans cet environnement et dans ces transitions aujourd’hui mondiales et qui sont puissamment à l’œuvre. Nous avons fait des propositions dans tous ces domaines-là pour armer notre société et la structurer afin d’affronter ces changements majeurs. C’est le cas en matière d’environnement où la question énergétique est très présente, en matière de culture avec la prise en compte des nouvelles technologies et la nécessité de faire évoluer la médiation culturelle et la création vers d’autres choses. C’est le cas, bien sûr, en matière économique avec la nécessité de protéger notre territoire d’un certain nombre de prédations et de risques, et en même temps de le préparer à affronter plus fortement les temps qui viennent. C’est une démarche générale, mais qui se nourrit d’une idée forte : le changement de paradigme et l’inscription de la Corse dans les grandes transitions mondiales.
 

Inauguration de la permanence à Ajaccio.
Inauguration de la permanence à Ajaccio.
- Vous dites aussi qu’il faut « changer de gouvernance ». Concrètement que faut-il changer ? Et comment ?
- Premièrement, je crois qu’il faut entreprendre sans délai de réformer les offices et agences, comme je l’ai souvent dit durant la campagne. C’est un élément-clé de notre gouvernance et qu’il faut impérativement remettre à plat avec une diminution par deux du nombre d’offices et d’agences et la création d’établissements publics forts autour, bien sûr, du président de l’Exécutif. Deuxièmement, je pense qu’il faut délocaliser, décentraliser la Collectivité de Corse en reprenant l’idée, défendue en 2017, mais non mise en œuvre, de réseau des « Case di i territorii » pour amener l’action de la Collectivité au plus près des territoires, des élus et des porteurs de projets. Je pense, enfin, programmer un certain nombre de réformes en liaison bien sûr avec l’État. Notamment la possibilité d’ouvrir le Conseil exécutif à des femmes ou des hommes qui n’auraient pas été candidat à l’élection territoriale, comme c’est le cas pour tous les gouvernements du monde.
 
- Institutionnellement, ce n’est pas possible !
- Au moment où l’on parle, non ! C’est pour cela que je parle d’un dialogue avec l’État parce que cela induit une réforme d’un point de vue législatif et réglementaire. Donc, en l’état, ce n’est pas possible, mais c’est souhaitable ! Je pense qu’avec les parlementaires, dont nous disposons, et un dialogue franc et ouvert avec le gouvernement, c’est une chose que l’on pourrait envisager. Idem pour la question fiscale qui participe de la gouvernance. Aujourd’hui, avec plus d’un milliard de dettes, la Collectivité est dans une zone d’inconfort au plan budgétaire et financier. On a, donc, besoin pour l’amener sur une trajectoire de redressement et de croissance de disposer de leviers fiscaux. Nous avons demandé, dans le programme, une négociation sur la fiscalité qui inclut l’allégement du coût du travail, la question du crédit d’impôt et la territorialisation d’une part de notre produit fiscal pour être plus autonome de ce point de vue-là. J’ai de la gouvernance une vision large et ouverte. Je pense que la question de la fusion des offices et agences et de la création des « Case di i territorii » peut tout à fait émaner de l’Assemblée de Corse. Pour le reste, il faudra, sans délai, ouvrir une discussion avec l’Etat. Et quand je dis « sans délai », de mon point de vue, c’est durant l’été sur ces sujets-là et sur d’autres.

Inauguration de la permanence à Bastia.
Inauguration de la permanence à Bastia.
- Quels sont, pour vous, les priorités de la prochaine mandature ?
- Sans surprise, je verrais trois sujets : le PADDUC, les déchets, la relance de l’économie. Concernant le PADDUC, je sillonne la Corse depuis maintenant des semaines avec l’ensemble de mes colistiers et je note, de la part des élus, des porteurs de projets, des territoires en général, une forme de mécontentement par rapport à la stricte application de ce document. Tout le monde est d’accord pour en confirmer les grands équilibres en matière d’espaces stratégiques agricoles (ESA), d’objectif d’autonomie alimentaire, de préservation d’un certain nombre de zones… Sur les questions liées à la mer, au tourisme, au développement durable, il y a un consensus très fort. Mais, en même temps, beaucoup des gens demandent une modification au sens où elle est, d’abord, permise par le législateur puisque nous sommes, aujourd’hui, six ans après son adoption. 2015 2021, la fenêtre est ouverte. Ensuite, parce que sur la localisation d’un certain nombre d’espaces, surtout sur l’enchevêtrement du PADDUC avec d’autres textes - Loi Littoral, Loi Montagne, Loi Grenelle, Loi Elan, Loi Alur - il y a une vraie difficulté de mise en œuvre. Il faut entendre cette voix qui remonte des territoires et lui répondre.
 
- Sur quels points comptez-vous réviser le PADDUC ?
- Au moins trois. Le premier, c’est sur la complexité du document en termes d’application. Il est difficilement appliqué parce qu’il est difficilement applicable ! Mon idée est de réformer l’environnement juridique, législatif et réglementaire dans lequel évolue le PADDUC et, bien sûr, le PADDUC lui-même. Le second est la question des ESA. Je suis pour sanctuariser au moins 100 000 hectares d’ESA, mais qu’on fasse confiance aux maires et à la profession agricole pour articuler localement leur définition. Les ESA ont vocation à être co-localisés et ne pas être simplement prévus par le PADDUC pour s’imposer aux élus locaux et aux agriculteurs qui pointent, eux-mêmes, les difficultés de localisation ou les problèmes d’artificialisation des sites retenus. Il faut dépoussiérer tout cela. Le troisième, c’est la problématique des grands objectifs politiques qu’il faut actualiser : schéma de mise en valeur de la mer, autonomie alimentaire, énergétique… Je n’ai pas envie qu’on se donne bonne conscience et qu’on se paye de mots, mais qu’on soit utile et efficace pour la Corse.

Réunion publique en Casinca.
Réunion publique en Casinca.
- Concernant la gestion des déchets, vous dites qu’il faut poser « des jalons nouveaux avant l’été ». Lesquels ?
- On sait tous que l’été sera crucial, si l’on veut éviter une nouvelle crise à la rentrée. Il y a la question des infrastructures prévues avec, pour notre part, des avis très réservés sur Ghjuncaghju et Vigianellu II. Il y a la question des centres de sur-tri qui sont dans notre plan et dont il est maintenant urgent qu’ils puissent voir le jour. Enfin, il est question, pour réduire la part de tonnage final, de généraliser de façon offensive le tri au porte-à-porte. C’est d’ailleurs la base de notre politique. Je crois que l’été avec la saisonnalité, les flux touristiques… représente une fenêtre d’opportunité pour monter en puissance sur le plan.
 
- Ce plan, vous y avez participé en tant que membre du Conseil exécutif. Pourquoi a-t-il tant de mal à fonctionner ? Que faut-il faire pour qu’il fonctionne ?
- J’ai, pendant la campagne, fait trois propositions. La première, c’est de réformer complètement la gouvernance du dossier Déchets. Je suis favorable à ce que l’on planifie la disparition du Syvadec et que l’on mette en œuvre de nouvelles modalités sur une vision durable et constante. Il faut réformer la relation aux intercommunalités. Pour cela, il faut créer une entité forte au sein de la Collectivité ou de l’Office de l’environnement qui soit l’interlocuteur unique de l’État et des Intercos. Tant que l’on n’aura pas mis en place cette entité, on aura des difficultés. La deuxième proposition, on l’a suggéré dans notre plan, est d’accélérer le volet relatif à l’incitation fiscale. Tant que l’on n’aura pas actionné à fond ce levier-là, on multipliera les difficultés. On peut le faire très rapidement. La troisième, c’est de mieux harmoniser la relation aux intercommunalités qui ont la compétence en matière de collecte. Il faut penser avec elles la montée en charge du plan de manière coordonnée. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisqu’il y a de grandes disparités d’une interco à l’autre. Je suis d’accord pour dire qu’en l’état, le plan ne fonctionne pas, mais je veux rappeler qu’on est dans la phase préliminaire et que le plan définitif n’a pas encore été adopté. Il faut, donc, aller au bout des quelques semaines qui viennent et, très tôt, adopter un plan qui soit opérationnel avec, en face, des éléments budgétaires et fiscaux qui permettront certaines réussites.

Meeting à Portivechju.
Meeting à Portivechju.
- Troisième point : l’économie. Quelle est votre stratégie ?
- Nous avons voté le Plan Salvezzu qui a commencé à produire ses effets. Nous devons aujourd’hui aller plus loin. La trajectoire de sauvegarde consolidée, il faut proposer à l’Assemblée de Corse une trajectoire de relance. En ma qualité de président de l’ADEC, je suis très sensible à cette question, et je pense qu’il est urgent de la proposer.
 
- On reproche à l’Exécutif de ne pas avoir réussi à juguler la spéculation immobilière. Que pouvez-vous faire pour garantir aux Corses l’accès au foncier et au logement ?
- L’enjeu est de produire en grande quantité, d’une part des logements sociaux à des prix abordables, accessibles pour les jeunes actifs notamment. D’autre part et concomitamment, de travailler à travers le PADDUC, les PLU, les SCOT et l’outil fiscal pour diminuer la part de résidences secondaires. C’est un levier évident ! D’abord structurer ce que j’appelle un pôle foncier autour du Girtec et de l’Office foncier dans le cadre d’un dialogue ouvert avec la SAFER, le Conservatoire du littoral, tous les opérateurs du foncier en Corse. Il faut raisonner en pôle et non plus en tuyaux d’orgue, comme c’est le cas aujourd’hui avec une multitude d’acteurs. Là aussi, il faut passer d’une logique de multitude à une logique d’unité, de coordination. C’est un sujet fondamental. En parallèle, il faut créer un outil de production de logements sociaux, accessibles…, notamment dans les territoires ruraux de l’intérieur où l’on voit que les bailleurs sociaux ont souvent du mal à stabiliser les modèles économiques qui soient pertinents. On a vraiment besoin de travailler dans cette direction.
 
- Pensez-vous que ce sera suffisant ?
- Ce sont là déjà des éléments de réponse. Il faut coupler ces propositions avec les mesures déjà votées par l’Assemblée – « Una cas per tutti, una case per ognunu » - en même temps qu’avec la nécessité, en liaison avec les intercommunalités, de constituer du stock de foncier public pour être mis à disposition des agriculteurs, des chefs d’entreprise, pourquoi pas des bailleurs. En en ma qualité de président d’Interco, c’est ce que je fais à l’échelle de mon territoire. Je suis dans une approche dynamique et volontariste. Après, il faut, bien sûr, poursuivre notamment la discussion institutionnelle et/ou constitutionnelle sur la question foncière afin que la Corse soit d’avantage préservée avec des mesures plus fortes.
 
- Si vous devez résumer en un mot votre projet ?
- Avanzemu ! Nous avons fait beaucoup de choses depuis 2015, mais nous ne les avons pas faites assez vite et nous ne les avons pas portées assez loin. Mais je suis très confiant dans l’intelligence collective de nos compatriotes et dont leur capacité à nous donner un rôle moteur. Je m’inscris dans la perspective de construction et de paix que l’on veut matérialiser pour notre pays.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.