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Avenir de la Corse : en dépit de points de vue opposés, le Cesec veut peser dans les négociations avec l’État


Julia Sereni le Mardi 29 Mars 2022 à 17:36

Le Conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse s’est réuni en séance plénière ce mardi 29 mars. À l’ordre du jour notamment, l’actualité insulaire de ces dernières semaines. L’instance représentative de la société civile entend bien peser dans les négociations avec l’État sur l’avenir de la Corse.



Le CESEC s'est réuni en séance plénière à l'Assemblée de Corse ce mardi 29 mars. Photo : Michel Luccioni
Le CESEC s'est réuni en séance plénière à l'Assemblée de Corse ce mardi 29 mars. Photo : Michel Luccioni
Une situation « tendue ». Dès son propos introductif, la présidente du Conseil économique, social, environnemental et culturel de Corse (Cesec) Marie-Jeanne Nicoli évoque le contexte agité que connait l’île depuis quelques semaines. Si l’ordre du jour de cette séance plénière n’était pas uniquement consacré à l’actualité, c’est bien elle qui cristallise toutes les inquiétudes.
 
Après le vote de plusieurs délibérations, notamment un projet d’avis relatif au budget primitif 2022, une contribution à la conférence sociale ou encore une déclaration de soutien à l’Ukraine, c’est en fin de séance que la situation de l’île est abordée. Les travées sont quelque peu clairsemées, ce qui vaut à la présidente de regretter un débat « qui se déroule malheureusement avec beaucoup d’absents ».

« La violence paierait donc plus que le débat démocratique ? »

En préambule, Marie-Jeanne Nicoli rappelle « le sentiment d’injustice », ressenti suite à l’agression d’Yvan Colonna, « qui a conduit dans la rue de nombreuses personnes ». La présidente du Cesec recense ensuite les « avancées » obtenues après la venue du ministre Gérald Darmanin : levée du statut de détenu particulièrement signalé (DPS) et rapprochement de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, recherche de la vérité « assurée » par le gouvernement, et, enfin, ouverture d’un espace de dialogue avec l’État « sans tabous »« La violence paierait donc plus que le débat démocratique ? Triste message, car certains pourraient interpréter les choses ainsi. Mais ce serait oublier que toutes les composantes de la société se sont exprimées sur ces sujets, de longue date », souligne t-elle. Pour l’avenir, Marie-Jeanne Nicoli entend bien faire du Cesec un interlocuteur des négociations portant sur l’avenir de la Corse. « Continuer à élaborer le contenu d’un projet de société pour notre île n’est-elle pas la tâche qui nous attend pour les prochains mois ? »
 
Cette voix du Cesec, Marie-Josée Salvatori, représentante de la CFDT, l’a portée devant le ministre de l’Intérieur, lors de sa visite sur l’île. Elle livre, devant l’assemblée, le contenu de son message. Une « alerte », d’abord, sur la « dégradation de la situation sociale et politique ». Des demandes, ensuite, pour certaines entendues depuis par le gouvernement, comme « des signes forts d’apaisement, tels que le rapprochement des prisonniers, l’ouverture d’une commission d’enquête sur les circonstances de l’agression d’Yvan Colonna, et la création d’un espace de dialogue pour une solution pour sortir la Corse de l’impasse ».

Une « révolte salutaire » ?

Pour Denis Luciani, de l’Associu di i Parenti Corsi, c’est une « révolte salutaire » que connait la Corse. Et la responsabilité des évènements appartient à « ceux qui ont instauré le déni de démocratie », à savoir l’État. Une analyse que ne partage pas Jean-Pierre Battistini, représentant de la CGT. « L’État a ses fautes, mais lorsque je vois des bâtiments des impôts incendiés et le président de l’Exécutif et le maire de Bastia bras croisés, je me pose des questions sur la démocratie », soulève t-il. S’il s’affiche « contre l’indépendance », pour lui, c’est désormais au peuple de trancher. « Il faut demander aux Corses ce qu’ils veulent vraiment, on ne peut plus tergiverser », assure t-il.
 
Avant d’envisager un referendum, d’autres préfèrent jouer la carte de la négociation. Comme Jean Brignole, représentant du STC, même s’il regrette qu’il ait fallu « un drame » pour avancer. C’est dans la même veine que s’exprime Antoine Battestini. « J’étais un activiste de l’indépendance, jugé et condamné par la cour de sûreté de l’État. J’ai dû attendre 40 ans pour en entendre parler d’autonomie. Aujourd’hui, c’est une lueur d’espoir », confie t-il.

« L’heure est plus à la lutte qu’autre chose »

Certains, pourtant, n’hésitent pas à se montrer plus vindicatifs. « L’heure est plus à la lutte qu’autre chose », estime pour sa part Léon Giacomoni. « Que je sache, l’histoire du monde a été construite par les révolutions », abonde Marie-Désirée Marcellini-Nicolaï, représentante du STC. Hyacinthe Choury, secrétaire général du Secours Populaire pour la Corse, qui s’exprimait ici « en son nom », dit quant à lui « comprendre les débordements et le désespoir de la jeunesse ». « Mais je les regrette, car cela se retourne et contre eux, et contre nous », ajoute t-il. Des prises de position qui incitent d’autres intervenants à faire preuve de davantage de prudence. « On ne peut pas dire à des jeunes d’aller à la violence, faisons attention », conclut Jean-Jacques Gianni, maire d’Evisa.

Les débats le prouvent, porter la voix d'une société civile insulaire diverse, parfois divisée, ne sera pas une mince affaire pour le Cesec. Mais Marie-Jeanne Nicoli se veut optimiste : « Nos points de vue peuvent être opposés, mais nous avons su toujours par un exercice démocratique exigeant trouver des points de convergence où l’humain prime sur toute considération ».