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Consigne du verre et du plastique : La Corse veut devenir un territoire pilote


Nicole Mari le Mercredi 10 Juillet 2019 à 19:19

Revenir au vieux système de consigne sur les bouteilles en verre et en plastique et l’étendre aux canettes en métal fait l’objet d’un projet de loi qui a été présenté mercredi dernier en Conseil des ministres par Brune Poirson, secrétaire d'Etat à la Transition écologique. De 10 à 25 cts seraient reversés aux consommateurs par bouteille rapportée. La question a été abordée lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse par le biais d’une motion proposée par Julien Paolini et adoptée à l’unanimité. L’élu du groupe Femu a Corsica demande que la Corse devienne un territoire d’expérimentation pilote pour ce retour de la consigne. Il explique, à Corse Net Infos, les enjeux économiques et environnementaux.



Consigne du verre et du plastique : La Corse veut devenir un territoire pilote
- Quel est l'objet de cette motion ?
- L’objectif principal de cette motion est de faire de la Corse un territoire d’expérimentation pilote pour un retour de la consigne. Le système de consigne du verre a pris fin en France au début des années 90. A cette époque, les industriels ont privilégié les bouteilles plastiques à usage unique. Mais, de nombreuses personnes gardent encore en mémoire le fonctionnement de la consigne : une caution de quelques centimes d’euros versée lors de l’achat d’une bouteille, caution qui était, ensuite, restituée après retour de la bouteille au magasin. Il s’agit aujourd’hui de constituer un groupe de travail capable de mener une expertise sur le déploiement de la consigne. Sa réussite nécessite de travailler en concertation étroite avec tous les acteurs de la chaine : producteurs et distributeurs de boissons, associations et organismes publics chargés de la collecte et du traitement des déchets...
 
 - Quelle est la problématique en Corse ?
- Chaque année, environ 22 000 tonnes de verre et 21 000 tonnes d’emballages, notamment plastiques, sont enfouies dans les centres de stockage insulaires, par ailleurs saturés. Un retour de la consigne permettrait d’éviter l’enfouissement de cette masse importante de déchets. Aujourd’hui, des volumes conséquents d’emballages en verre, en plastique et en aluminium sont exportés sur le continent pour être traités. Ils peuvent être considérés comme des ressources réutilisables et recyclables, en adéquation avec le concept d’économie circulaire. Le retour de la consigne faciliterait la valorisation de ces déchets au niveau local en limitant les impacts environnementaux liés aux transports de ces matières. 
 
- Quel type de consigne serait appliqué ?
- Diverses actions peuvent être mise en œuvre, aussi bien par la méthode de la consigne traditionnelle du verre que par des systèmes automatisés basés sur le retour des emballages plastiques, notamment des bouteilles, et des canettes en aluminium dans des machines installées dans les grandes surfaces et/ou les lieux publics. La mise en place de ces dispositifs a permis de récupérer et recycler jusqu’à 90 % des volumes produits dans de nombreux pays du Nord de l’Europe, comme l’Allemagne, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas.
 
- La consigne peut-elle être appliquée sur un territoire aussi spécifique que la Corse ou doit-elle être restreinte aux grandes villes ?
- Je suis persuadé que la Corse présente des spécificités susceptibles de faciliter la généralisation de la consigne en raison d’abord, de son éloignement géographique qui limite la possibilité de déconsigner en dehors de l’île. Ensuite par la présence de nombreux producteurs locaux de boissons, que ce soit d’eau minérale, de vin ou de bière. Enfin, nous assistons à une prise de conscience des impacts environnementaux de notre modèle actuel de consommation.
 
- Pensez-vous que le principe sera accepté par le consommateur ?
- Les récentes expérimentations menées en France et en Europe ont montré une bonne acceptabilité de la consigne par les consommateurs et cela malgré la contrainte financière de la caution.

- Quels peuvent être les freins ou les contraintes à la mise en place de la consigne ?
- La mise en œuvre de la consigne implique des ajustements techniques relativement importants, ainsi que des coûts financiers à chaque étape de la chaine : fixation du montant de la consigne pour chaque article, traitement des emballages collectés, implantation des dispositifs de collecte, de la diversité des modèles et formats des emballages consignés... Enfin, un manque à gagner éventuel pour les EPCI (intercommunalités) liée à une baisse des volumes collectés, via le tri sélectif.
 
- Quels sont les bénéfices économiques et environnementaux attendus à court ou moyen terme ?
- La consigne peut permettre la réutilisation et le recyclage des emballages au niveau local et éviter ainsi le transport et le stockage d’une masse importante de déchets. Les expérimentations menées précédemment montrent un gain économique pour les distributeurs de boissons. Les producteurs locaux de boissons payent actuellement une taxe à CITEO pour assurer le retraitement de leurs emballages, mais aucune restitution n'est prévue pour les entreprises qui s'engagent à réemployer leurs emballages. Avec certains dispositifs, la consigne coûte deux fois moins cher qu’un système de bouteille à usage unique. A moyen terme, les initiatives visant à la collecte des flux spécifiques de déchets peuvent contribuer à l’emploi local. Au niveau environnemental, le retour de la consigne permet de lutter contre la pollution plastique en méditerranée ou encore contre le réchauffement climatique.
 
- Que pensez-vous du projet de loi sur la consigne présenté en Conseil des ministres. Vous parait-il aller dans le bon sens ?
- Oui, mais ce projet de loi reste insuffisant pour répondre à la problématique mondiale de la pollution par les matières plastiques. A ce sujet, j’ai fait adopté par l’Assemblée de Corse une motion en avril 2018 pour affirmer notre engagement dans ce combat contre le plastique en Méditerranée. Lors de la dernière session, mon collègue Romain Colonna a proposé une motion relative aux suremballages, qui a été également adoptée à l’unanimité. Je sais que le Président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni œuvre également sur la question, notamment en sa qualité de président de la Commission CRPM des îles d’Europe. Le retour de la consigne est parfaitement complémentaire d’une part, avec les actions de prévention visant à réduire les gisements de déchets dits « évitables » et d’autre part, avec l’entrée en vigueur des directives européennes et de la législation française visant à interdire les plastiques à usage unique (pailles, gobelets, couverts) en 2020.
 
- Que demandez-vous à l'Exécutif corse et au gouvernement ?
- Le 12 juin dernier, Edouard Philippe, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, a déclaré : « Nous lancerons dans les prochains jours une grande concertation, notamment avec les collectivités, pour étudier la mise en place d’une consigne sur certains emballages ». Le Premier Ministre a ajouté : « Les collectivités d’Outre-mer pourront, si elles le souhaitent, en devenir des territoires pilotes ». Il a semblé oublier la Corse dans son discours et cela, malgré la problématique prégnante sur les déchets. Nous souhaitons que cet oubli soit. L’objectif de la motion est de mandater l’Exécutif pour négocier avec le gouvernement afin que la Corse soit retenue comme territoire pilote pour l’expérimentation de la consigne.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

Julien Paolini, conseiller territorial du groupe Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.
Julien Paolini, conseiller territorial du groupe Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.