Corse Net Infos - Pure player corse

Sartene : Rinuccio della Rocca, un « lieu de mémoire » du Moyen Âge dans l’extrême sud de la Corse


le Jeudi 16 Mai 2019 à 21:49

"Rinucciu della Rocca. Un lieu de mémoire du Moyen Âge dans l’extrême Sud de la Corse" : tel est le thème de la conférence qui sera donnée Samedi 18 mai à 17 heures au musée archéologique de la Corse de Sartene par Vannina Marchi Van Cauwelaert, Maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Corse, avec la Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse



Vannina Marchi Van  Cauwelaert nous dit en quelques phrases qui était Rinuccio della Rocca.


Dernier seigneur de la Rocca, Rinuccio della Rocca est aussi celui qui a laissé la plus forte empreinte sur le territoire de l’Alta Rocca et du Sartenais.
Ces traces, tout autant matérielles (Baricini, couvent de Tallano, Roccataddata) que symboliques (toponymie, fonds légendaire), témoignent d’une mémoire orale qui s’est constituée dès la fin du Moyen Âge et n’a cessé de s’alimenter jusqu’à nos jours.
À mi-chemin entre l’histoire et la légende, Rinuccio della Rocca est ainsi devenu au fil des siècles un véritable « lieu de mémoire » du Moyen Âge dans l’extrême sud.


Fils bâtard de Giudice della Rocca, lui-même fils du comte Polo, Rinuccio parvint à s’imposer à la tête de la seigneurie de la Rocca dans les années 1480, au moment de la mise en place du second gouvernement de l’Office de Saint-Georges.
Principal soutien de Gênes dans la guerre contre le comte Giampaolo di Leca, il devint dans les années 1490 le plus puissant seigneur de Corse et le « très cher fils » des Protecteurs de Saint-Georges.
Entretenant une correspondance régulière avec Gênes, possédant une maison à Bonifacio, propriétaire d’actions de la banque de Saint-Georges, marié en seconde noces à une génoise issue du puissant albergo des Cattaneo, Rinuccio présentait toutes les garanties d’une adhésion profonde au nouvel État génois.
Pourtant après dix ans d’honneurs et d’amabilités réciproques, le seigneur se révolta contre l’Office et poursuivit une guerre de guérilla dans les montagnes de l’extrême sud jusqu’à son assassinat dans le massif de Cagna, le 12 avril 1511.


Ce retournement de la fortune, faisant passer en quelques années Rinuccio della Rocca du statut de plus puissant seigneur à celui de bandit réfugié à la selva, est sans doute l’une des causes de la fascination que ce personnage a exercée sur l’imaginaire régional. Présentée par les Génois comme une volte-face caractéristique de la versatilité des seigneurs corses, la révolte de Rinuccio della Rocca fut en fait le dernier épisode d’une lutte politique qui avait commencé au XIIIe siècle sous la conduite de Giudice di Cinarca. Elle opposait au projet communal génois un projet seigneurial qui tirait sa légitimité de l’institution comtale. L’examen approfondi de la documentation génoise, et notamment de la correspondance de Rinuccio della Rocca avec les Protecteurs de Saint-Georges, permet de retracer les différentes facettes de ce personnage ambigu qui, par ses contradictions mêmes, incarne parfaitement toute la complexité de l’histoire de la Corse à la fin du Moyen Âge.