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Georges Gianni : « On ne peut pas se passer de deux centres d’enfouissement, ni de la valorisation énergétique »


Nicole Mari le Mercredi 19 Août 2020 à 20:01

Après sa large victoire à la présidence du Syvadec, le syndicat de valorisation des déchets de Corse, Don Georges Gianni, maire de Lecci et 2ème vice-président de la ComCom du Sud Corse, explique, à Corse Net Infos, sa ligne d’action pour tenter de résoudre la problématique des déchets dans l’île. Il déplore le manque de solution dans l’immédiat, tout en privilégiant des axes forts : l’augmentation des capacités des centres d’enfouissement existants, la création de nouveaux centres - Viggianellu 2, Ghjuncaghju ou Moltifau -, la construction de deux usines de surtri et la valorisation énergétique avec les CSR (Combustible solide de recyclage), c’est-à-dire la fabrication de briquettes à base de déchets.



Don Georges Gianni, maire de Lecci, 2ème vice-président de la ComCom du Sud Corse, et nouveau président du Syvadec.
Don Georges Gianni, maire de Lecci, 2ème vice-président de la ComCom du Sud Corse, et nouveau président du Syvadec.
- Quel est votre sentiment après votre belle élection à la présidence du Syvadec ?
- D’abord, une certaine fierté parce que c’est une élection qui n’est pas facile. Je voudrais remercier les soutiens qui m’ont permis de relever ce challenge. Ensuite, je ne ferai pas de triomphalisme parce que je sais la tâche qui m’attend, le challenge que nous aurons à relever tous ensemble et les difficultés, demain, pour commencer à régler cette problématique des déchets.
 
- D’autres territoires, notamment Viggianellu qui accueille les déchets, ont fait entendre leur colère. Que leur répondez-vous ?
- Il est évident que des territoires, qui produisent peu de déchets, reçoivent, comme ils disent souvent, « la poubelle de la Corse ». Je peux comprendre leur ressenti et leur amertume. Je ne peux pas leur jeter la pierre. Sauf qu’aujourd’hui, nous n’avons aucune solution ! Je ne suis pas là pour vendre du vent ou pour faire des promesses, parce que je ne pourrais pas les tenir ! Nous n’avons rien de concret ! Le site de Viggianellu arrive à échéance début octobre. Le site de Prunelli di Fium’Orbu ferme dans 3 jours. Donc, vous comprendrez que ma marge de manœuvre est très, très restreinte.
 
- Que comptez-vous faire dans ces conditions pour passer les trois derniers mois de l’année ?
- Nous avons un manque certain de capacités, mais aussi des possibilités qui nous sont offertes pour aller jusqu’à la fin de l’année. On sait qu’on peut mettre 25 000 tonnes supplémentaires à Viggianellu. Pour l’année prochaine, il y aurait une autre capacité supplémentaire de 50 000 tonnes sur Viggianellu, ce qui nous permettrait de faire le joint avec Viggianellu 2, s’il est entièrement validé. Ce n’est pas parce qu’on aura l’autorisation que tout va se faire sans problème. Mais, il n’y a pas d’autre possibilité que de mobiliser les capacités techniques qui restent dans nos sites d’enfouissement pour assurer la transition avec les futurs projets qui sont déjà sur la table ou en cours d’étude.
 
- Quels projets ?
- De nouveaux centres d’enfouissement ont déjà été évoqués. Il y a Viggianellu 2, mais aussi le centre de Ghjuncaghju qui a juridiquement la possibilité d’ouvrir d’ici à 2021. À ce jour, les études déjà réalisées sur le centre de Moltifau sont favorables et nous permettent d’avancer dans ce dossier, en espérant qu’il aboutisse. On ne pourra pas se passer de deux centres d’enfouissement dans un avenir très proche parce que l’année prochaine, dans le meilleur des cas, nous n’aurons plus de capacité de stockage. Il est impensable que l’on puisse renouveler l’exportation des déchets sur le continent, cela nous coûte une fortune et, in fine, c’est toujours le contribuable qui paye. Et je ne règlerai pas la problématique des déchets en six mois ! Non ! Ce n’est pas possible ! On la règlera dans 3, 4 ou 5 ans. Cela nous permettrait de mettre en place le Plan de gestion des déchets qui a été voté par la Collectivité de Corse et de le faire évoluer.
 
- Comment ?
- Il y a des choses à faire qui ne sont pas prévues dans le Plan pour pouvoir atteindre l’objectif qui nous est imposé : plus de 50% de tri de nos ordures ménagères résiduelles. Comme je l’ai dit, en parallèle du déploiement du tri et de la réalisation des deux centres de surtri pour la CAPA et la CAB qui réduiront de plus de 2/3 les déchets résiduels à leur livraison fin 2023, nous devons trouver, dès à présent, les conditions de traitement de nos déchets, qui ne pourra se faire qu’en Corse. 
 
- Zeru Frazu vous accuse d’être au service des industriels et vous oppose François-Marie Marchetti, président de la ComCom Calvi-Balagne. Comment réagissez-vous ?
- Mr Marchetti est la référence au niveau du tri en Corse. Il a mis en place un système de tri de bio-déchets, il a été un précurseur. J’avoue que je suis jaloux de ses résultats parce que je suis, moi-même, délégué de la communauté de communes Sud Corse en charge des déchets. Et, je ne suis pas le candidat des industriels. Les deux centres de sur-tri, aussi bien de la CAPA que de la CAB, ont été votés à l’unanimité au bureau du Syvadec, y compris par mon opposant. C’est une nécessité absolue d’apporter très rapidement des solutions pour permettre d’atteindre l’objectif de tri du Plan de la Collectivité de Corse.
 
- Autour de vous, on parle aussi de valorisation énergétique des déchets. Qu’en est-il ?
- C’est sûr que nous avons évoqué cette valorisation ! Elle a été adoptée, y compris par les services de l’Ademe et les services de l’Etat. Nous avions demandé, il y a quelques mois, au président de la Collectivité de Corse d’inclure aussi cette solution, c’est-à-dire la production de CSR. Aujourd’hui, elle n’est pas actée, mais, nous, dans les projets que nous menons, nous sommes obligés de tenir compte de cette possibilité. On pourrait faire de la méthanisation. Il serait même quasiment indispensable de la faire dans l’immédiat. Et quand le tri augmentera en puissance, évidemment le CSR diminuera d’autant. On ne peut pas s’épargner ce choix ! Aujourd’hui, dans l’urgence où nous sommes, ce n’est pas possible !
 
- Il faut, pour fabriquer du CSR, construire une usine de valorisation, ce qui prendra, quand même, du temps ?
- Les centres de tri ne vont pas sortir de terre en 2021 ! Dans le meilleur des cas, ce sera 2023 ou 2024. Pendant ce laps de temps, si nous avons des problèmes de centre d’enfouissement, que faisons-nous ? On va continuer à laisser les ordures dans la rue ? A les mettre en balles ? On va dépenser des millions pour exporter ? On va assommer les contribuables ? Ce n’est pas tenable ! Ce n’est pas acceptable ! Nous ne sommes pas en capacité de répondre à la demande de la Corse et des Corses.
 
- Vous avez appelé tous les territoires à travailler ensemble, pourtant vos opposants ont dénoncé une discrimination et une différence de ligne politique, et quitté la séance ?
- Il ne peut pas y avoir de discrimination à ce niveau-là parce que le traitement des déchets est le problème de tous. Les déchets n’ont pas de sensibilité politique, que je sache, à ce jour ! Même si on imagine beaucoup de choses ! J’ai travaillé avec Guy Armanet pendant 6 ans, j’ai beaucoup d’estime pour lui : c’est quelqu’un qui travaille et apporte des solutions. Il défend, lui aussi, le Plan de la Collectivité de Corse, même si nous avons parfois quelques divergences sur certains points. Mais lui aussi était d’accord sur la valorisation et les CSR ! Il les a votés et actés en bureau. Mais que ce soit Guy ou moi, il est évident que personne, aujourd’hui, n’a de solution immédiate. Personne ne peut se permettre de dire : « Je vais réussir demain la gestion des déchets de la Corse ». Ce n’est pas vrai ! Et moi, je suis comme tout le monde !
 
- Dans ces conditions, comment envisagez-vous votre gouvernance ?
- C’est très simple ! Je suis un élu de proximité, je dirais même un jeune élu puisque je suis élu seulement depuis 2014. Je suis réellement un homme de terrain, cela veut dire que j’ai besoin de rencontrer les gens, de travailler en confiance. Je ne changerai pas. Je ne veux être l’ennemi de personne. J’essaierai d’apporter le plus que je peux pour réussir. Je veux une concertation avec tous, que tout le monde participe, parce que c’est la seule solution pour s’en sortir.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.