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Lignes maritimes Corse - Sardaigne : Un service public pérenne entre Pruprià et Porto Torres en 2023 ?


Nicole Mari le Vendredi 19 Novembre 2021 à 14:22

Le groupe indépendantiste Core in Fronte a interpellé l’Exécutif, jeudi matin, en ouverture de session de l’Assemblée de Corse, sur le trafic maritime corso-sarde, dénonçant la gestion de la ligne Bunifaziu-Santa Teresa par la Moby Lines. S’informant sur l’état de la coopération entre les deux îles, il appelle à la mise en place d’un véritable service public maritime. La conseillère exécutive et présidente de l’Office des transports de la Corse (OTC), Flora Mattei, a annoncé qu’une nouvelle convention de délégation de service public pour le transport de marchandises et de passagers entre les ports de Pruprià et de Porto Torres était en cours d’élaboration pour une mise en service prévue début 2023.



La compagnie maritime italienne Moby Lines assure la desserte de la ligne entre Bunifaziu et Santa Teresa di Gallura. Photo CNI.
La compagnie maritime italienne Moby Lines assure la desserte de la ligne entre Bunifaziu et Santa Teresa di Gallura. Photo CNI.
La desserte maritime entre les ports de Pruprià et de Porto Torres devrait reprendre au 1er janvier 2023. C’est la réponse de la conseillère exécutive et présidente de l’Office des transports (OTC), Flora Mattei, à la question posée, jeudi matin, en ouverture de la session de novembre de l’Assemblée de Corse, par Serena Battestini au nom du groupe Core in Fronte, sur le trafic maritime corso-sarde. Le groupe indépendantiste s’est ému de « la honteuse dégradation du service, notamment sur la seule ligne journalière entre Bunifaziu et Santa Teresa di Gallura, assurée, via une Délégation de service public (DSP) de la seule région Sardaigne, par la compagnie de navigation privée italienne Moby Lines. Cette rotation maritime pose, avec acuité, la question de la nature des transports et des échanges entre les deux îles ». Il estime que « les difficultés quotidiennes et les annulations récurrentes de traversées sur le trajet Bunifaziu-Santa Teresa doivent interpeller collectivement les autorités corses et sardes quant à la nécessaire restructuration et adaptation des lignes et des moyens à mettre en synergie afin de répondre aux demandes humaines, sociales, culturelles et économiques entre la Corse et la Sardaigne. Il est grand temps qu'un véritable service public maritime soit assuré entre nos deux peuples historiques de la Méditerranée ».

Le groupe Core in Fronte. Photo Michel Luccioni.
Le groupe Core in Fronte. Photo Michel Luccioni.
Une gestion calamiteuse
Serena Battestini revient sur le dossier du GECT-ÎLES, le Groupement européen de coopération territoriale pour les connexions et transports transfrontaliers, qui est sur la table depuis 2013. En 2017, un premier pas est franchi avec la signature d’un protocole d'accord entre la Collectivité de Corse (CDC) et la Région autonome de Sardaigne, officialisant la continuité territoriale à travers la mise en place de deux DSP entre Bunifaziu-Santa Teresa, et Pruprià-Porto Torres. En décembre 2018, l’Assemblée de Corse valide le recours à une convention de DSP maritime, et indique que ce service public serait opérationnel en janvier 2019. En avril 2019, le GECT-ILES est présenté et adopté par l’Assemblée de Corse. « Il est nécessaire de respecter les engagements pris, afin d'avoir une véritable qualité de service qui s'articule autour de la fiabilité et la fréquence du trafic, des navires optimaux et une tarification adaptée », commente Core In Fronte. Avant de dénoncer « la calamiteuse gestion de la ligne Bunifaziu-Santa Teresa par la Moby Lines, qui n'a, semble-t-il, que faire des intérêts collectifs de la Corse et de la Sardaigne ». D’assurer de son soutien « toutes les personnes et entreprises victimes de l'actuelle desserte maritime chaotique. Nous ferons tout pour œuvrer à remédier à cette situation inacceptable ». Et de demander à l’Exécutif ce qu’il compte faire pour « assurer et organiser un service public pérenne entre la Corse et la Sardaigne ? ».
 
Un appel d’offres infructueux
La présidente de l’OTC convient aisément que les actualités récentes poussent à « un recadrage et à la mise en place rapide d’une DSP de qualité » pour les passagers et les marchandises. Elle rappelle que l’OTC avait été désigné comme chef de file du projet de coopération européenne en vue de la création dudit GECT et qu’il a, dans ce cadre-là, mis en œuvre une procédure précise de consultation en vue de désigner un opérateur en charge de cette desserte. « Le périmètre de service public alors envisagé - fret et passagers - consistait à desservir les ports de Prupià et Porto-Torres trois fois par semaine sur une période de 36 mois, permettant une capacité de 5 000 passagers et près de 37 500 mètres linéaires de fret par an. Les horaires devant intégrer les contraintes liées à la chaîne logistique terrestre du transport de marchandises en priorité ». Tout en précisant que le port de Prupià est techniquement adapté à la réception de remorques Roll-on/roll-off : « Les terre-plein sont d’une grande capacité, tout comme ses aspects nautiques. On parle d’un port en eaux profondes ou port tout temps, qui permet une grande capacité de navires. Proximité par la mer des ports d’Aiacciu et de Portivechju ». Les tarifs maximum hors taxes, alors proposés par traversée, étaient de 35 € par mètre linéaire pour le fret, « tarif stabilisé par l’OTC pour les DSP régulières », et d’une quarantaine d’euros par passager adulte. « Cette procédure n’a pu aboutir du fait qu’aucune offre n’a été déposée en temps et en heure auprès des services de l’OTC. Le marché avait donc été déclaré infructueux pour cette DSP et la convention afférente », ajoute-t-elle.

Flora Mattei. Photo Michel Luccioni.
Flora Mattei. Photo Michel Luccioni.
Une refonte des lignes
Flora Mattei rappelle également que pendant plusieurs années et jusqu’en 2017, la compagnie La Méridionale, a assuré les deux rotations hebdomadaires entre Porto Torres et Pruprià dans la continuité du service public maritime entre Marseille et Pruprià. « Le manque de rentabilité de cette ligne avait d’ailleurs poussé la compagnie à interrompre son service, car non compensé ». Face à cette situation et pour maintenir une desserte entre les deux îles, la Région autonome de Sardaigne a, en novembre 2018, mis en œuvre une DSP entre Bunifaziu et Santa-Teresa di Gallura pour une durée de trois ans. La conseillère exécutive admet que « cette ligne historique et importante au niveau du transport des passagers et de marchandises entre les deux îles ne semble plus suffire » et qu’elle fait l’objet « d’un certain nombre de dysfonctionnements techniques et organisationnels ». Elle évoque « un travail de fourmi », mais qui n’a pu aboutir « en raison d’une réponse hors-délai » de l’Etat français (SGAC et DGCL), « l’Etat italien a demandé la reprise des négociations ». C’est dans cette perspective, poursuit-elle qu’une réunion s’est tenue à Pruprià en septembre dernier en présence de nombreux acteurs locaux. « Des transporteurs corses et sardes nous ont exprimé leur incompréhension face aux difficultés qu’ils rencontrent au quotidien sur cette ligne exclusive. Pour qu’un véritable service public maritime soit assuré entre nos deux îles, une refonte, avec restructuration précise et adaptation cadrée des lignes, est nécessaire afin de répondre aux demandes aussi bien sociales, culturelles, économiques de la Corse que de son île sœur ».
 
Une priorité
La présidente de l’OTC précise que le périmètre de la convention de ce service public maritime transfrontalier est en train d’être établi et qu’il sera « similaire » à celui de 2017 entre Pruprià et Porto Torres. En termes de calendrier, elle prévoit une présentation de cette DSP à l’Assemblée de Corse début 2022 « sur un calendrier concomitant à celui de la DSP Corse-Continent » pour une attribution à partir du second semestre 2022 et un début de service au 1er janvier 2023. « La dotation de continuité territoriale ne pourra, en aucun cas, être allouée à la mise en place de cette desserte régulière entre la Corse et la Sardaigne. Il faudra en conséquence mobiliser des crédits dédiés de la part de la CDC pour cette desserte ». Flora Mattei réaffirme, enfin, que « la concrétisation de cette dynamique méditerranéenne est notre priorité. L’ouverture de la Corse aux îles méditerranéennes est en accord avec nos principes fondamentaux. Cela passe par la consolidation d’une véritable qualité de service public s'articulant autour de la fiabilité, de la fréquence du trafic, de navires optimaux et d’une tarification adaptée ». L’objectif affiché est d’obtenir « un regain d’intérêt pour les ports secondaires, afin de dynamiser nos territoires et nos entreprises locales, et à terme d’amplifier l’implication de toutes les forces vives, les acteurs locaux qui souffrent en période hivernale d’un manque de développement économique. Et de fait, tous les échanges à construire avec nos plus proches voisins italiens, projets de coopération existants et à venir, se verront facilités et valorisés par cette mobilité entre la Corse et la Sardaigne ».
 
N.M.