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Retour en Corse pour a Madonna di Brandu


Thibaud KEREBEL le Vendredi 31 Mars 2023 à 19:33

À l’issue de nombreuses tractations, la Madone de Brando, superbe retable daté du 16e siècle et commandé à l’époque par un couvent franciscain de l’île, n’a pas été vendu aux enchères ce vendredi 31 mars. La commune du Cap-Corse devrait probablement réussir à la récupérer contre une somme réduite.



Retour en Corse pour a Madonna di Brandu
Nouveau rebondissement dans le feuilleton de la Madone de Brando. Alors qu’il s’apprêtait à être vendu aux enchères, ce tableau du patrimoine corse, daté du 16e siècle, a finalement été retiré par le commissaire-priseur, et devrait être prochainement rapatrié sur l’île. Avec l’aide de la Collectivité de Corse, de la direction du Patrimoine et du ministère de la Culture, la commune de Brando a pu faire valoir ses droits de propriété, afin d’annuler la vente. Des archives attestent en effet qu’au moment de l’achat de l’œuvre par le collectionneur Albin Chalandon, en 1837, la Madone appartenait à la commune du Cap-Corse, et non pas à l’évêché, initiateur de la transaction.

« Quand nous avons appris la vente aux enchères de la Madone, nous nous sommes évidemment mis en situation de nous porter acquéreurs, comme cela arrive chaque année pour plusieurs œuvres », explique Antonia Luciani, conseillère exécutive en charge de la culture au sein de la CDC. « Mais parallèlement à ça, les services de la direction du Patrimoine ont démarré des travaux de recherche, et découvert dans les archives des éléments qui laissent à penser que le bien n’est pas privé, mais bien public. » Un moyen de déchoir les descendants d’Albin Chalandon de leur propriété.

Engouffrés dans cette faille, et bien décidés à éviter de débourser les 300 000 euros estimés pour l’acquisition de la Madone, les différents acteurs culturels corses ont donc pris attache avec la maison de vente De Baecque, lui demandant de retirer le retable de l’enchère, pour cause de « vente illégale ». « On a aussi contacté le ministère de la Culture pour lui demander son soutien et confirmer la domanialité publique de l’oeuvre », complète Antonia Luciani. Après l’intervention de nombreux acteurs, comme le président de l’exécutif Gilles Simeoni, la décision est finalement tombée ce jeudi 30 mars, en faveur de Brando, à la veille de l’enchère.

Il s’avère que la secrétaire d’État Marlène Schiappa, d’origine corse, a elle aussi pesé dans la balance, à travers un échange de courriers avec son homologue du ministère de la Culture, Rima Abdul-Malak, à qui revenait la décision finale. « En Corse, nous sommes tous très attachés à notre patrimoine culturel », a commenté celle qui garde des attaches très fortes avec l'île. « La Madone de Brando est un retable d'exception, c'est pourquoi j'ai mobilisé sans attendre la ministre de la Culture pour trouver une solution qui convienne à tous. »

Un rachat probable, bien loin de l’estimation initiale

Mais alors, quel avenir pour la Madone de Brando ? Cette superbe peinture sur bois représentant la Vierge à l’Enfant, commandée par un couvent de l’île au 16e siècle, est actuellement sous scellés auprès du commissaire-priseur, qui a donc accepté son retrait de la vente. La commune de Brando va maintenant entrer dans une phase de négociations à l’amiable avec les propriétaires pour la racheter, non pas sur les bases des estimations actuelles (entre 200 et 300 000 euros), mais au prix de vente de l’époque. « C’est considéré comme un dédommagement », explique Antonia Luciani. « On ne sait pas quelle somme ça va représenter, mais sûrement beaucoup moins que prévu. »

À noter que les héritiers peuvent encore décider d’aller au contentieux, et demander un recours pour annuler la décision du ministère de la Culture. « Mais quoi qu’il en soit, c’est déjà une véritable victoire », se satisfait Antonia Luciani, plus proche que jamais de ramener la Madone au pays. « S’il y avait eu l’enchère, le tableau aurait tout à fait pu nous passer sous le nez. » Sur ses réseaux sociaux, Gilles Simeoni s’est également fendu d’un « Vittoria », félicitant la « mobilisation conjointe » de tous les acteurs corses impliqués.

Si, et c’est ce qui semble se dessiner, le tableau revient bien en Corse, il trouvera finalement sa place au musée de Bastia. Afin d’en faire profiter Brando, la Madone pourrait aussi être exposée temporairement à l’église de Lavasina, à l’occasion d’un pèlerinage organisé chaque année, à la date du 8 septembre. Concernant l’argent mobilisé par la fondation du Patrimoine, via une cagnotte en ligne (50 000 euros, 300 donateurs), il servira à financier le dédommagement des héritiers si tout se passe comme prévu. Suite au prochain numéro.