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Harcèlement scolaire : à Ajaccio les associations se mobilisent


Michela Vanti le Dimanche 12 Décembre 2021 à 13:33

Un groupement de parents d’élèves victimes de harcèlement scolaire s’est réunis mercredi 8 décembre au tiers lieux de « A Scola di dumane », situé dans La Galerie - La Rocade Mezzavia pour parler d'un sujet tabou qui touche de plus en plus de familles. Cette réunion a permis de libérer la parole et d’annoncer la mise en place d’actions concrètes de lutte contre ce fléau qui n'épargne pas la Corse 



Intimidations, humiliations, insultes, coups, sabotages, menaces de mort ou encore lettres de suicide. De nombreux signalements d'agressions scolaires ont été enregistrés entre le 29 novembre et le 3 décembre dans la région ajaccienne. Une déferlante de violence qui n’a pas laissé les parents dans l’expectative. La réunion organisée ce 8 décembre par l’association « A Scola di Dumane » avait en effet pour but de répondre dans l’urgence à ce fléau sourd qui gronde dans les cours d’écoles. Et la parole s’est libérée ce mercredi soir dans le local de l’association. Une jeune fille de 15 ans a pu témoigner. L’adolescente a été agressée devant son collège par un groupe de filles du même âge. Ces dernières avaient débuté par des insultes, des critiques sur ses tenus vestimentaires. La collégienne en avait parlé à la CPE de son établissement mais selon elle, cette dernière ne l’a pas entendu et a cautionné les critiques des autres élèves. La jeune fille émue déclare s’être sentie seule et incomprise. « On voit des affiches sur tout dans les établissements, des affiches contre le racisme, contre l’homophobie, contre le harcèlement. Mais en fait tout ça ce n’est que de la déco ! » affirme-t-elle.

Pour le fils d’Aurélie, élève du lycée Fesch, la prise en charge a été tout à fait différente. Après des menaces verbales, le jeune homme a été giflé par un autre élève. Immédiatement, ses parents ont alerté la direction. L’établissement a exclu l’élève agresseur une journée et a assuré qu’en cas de récidive, il serait définitivement renvoyé. 
« Cette histoire paraît banale, explique Aurélie, mais je voulais en témoigner parce que je pense que ça peut dissuader certains enfants d’avoir des comportements de harceleur. Ils doivent savoir qu’ils ne peuvent pas agir en toute impunité. »

Cette histoire a connu une fin heureuse. Mais ce ne fut pas le cas pour Nathalie Santoni. Le 22 décembre 2017, son fils se donnait la mort suite à de lourds supplices subis pendant des mois. « Jean-Toussaint était un enfant gentil. Il était aimé et était du genre à venir en aide à ses camarades en difficultés. Il m’avait parlé des cas de harcèlement qui se produisait au lycée agricole de Sartène, mais il ne m’a jamais dit qu’il en était victime. Je trouve que la priorité si nous voulons éradiquer le harcèlement scolaire est de libérer la parole. » Avec son association « Jean-Toussaint », créée un an après le drame, cette ancienne employée de l’éducation nationale intervient dans les collèges et lycées pour témoigner et tenter ainsi d’éveiller les consciences. « Après mes interventions, des enfants m’ont contacté. Certains ont avoué être victime de harcèlement et se sentir démuni face à cela. Une jeune fille m’a remerciée de l’avoir écouté et m’a confié qu’elle pensait que ses propres parents n’étaient pas prêts à entendre ce qu’elle m’avait racontée. C’est ça la priorité. Que ces enfants aient une écoute pour ne plus se sentir isolés . C’est le seul moyen pour qu’ils puissent s’en sortir. »
Une cinquantaine d’établissements de toute la Corse l’ont contactée. Elle a déjà pu organiser 10 interventions notamment auprès du CSJC d’Ajaccio, du collège de Sainte Marie Sicche ou encore du Lycée Fesch. 
 
 
Une plateforme locale de prise en charge 

La réunion de mercredi réunissait plusieurs associations : A Scola di Dumane, Jean Toussaint, mais aussi les associations «  Hugo » et  « Les Papillons ».
Ce collectif ne s’est pas réuni uniquement pour discuter. Il a été question d’annoncer des actions concrètes. Un partenariat avec l’Education national est envisagé pour former des ambassadeurs qui interviendront au sein des établissements. Mais la grande idée de l’association A Scola di Dumane est de créer une plateforme de prévention contre le harcèlement scolaire. Une plateforme locale pour pallier au manque de disponibilité du numéro national (3020) souvent saturé. « Lorsqu’il y a harcèlement, il y a urgence, assure Jonathan Curti, président de l’association A Scola di Dumane. Si un enfant est mal, qu’il vient d’être battu, humilié ou qu’il a accumulé toutes ces souffrances depuis des mois, il peut être dans un désarroi total. Il est indispensable d’avoir la possibilité d’obtenir une aide immédiate. La plateforme « Les petites âmes solidaires ». Grâce à cette application, les enfants sauront quoi faire, à qui s’adresser, seront instantanément redirigés vers la personne qui pourra les écouter. 
 
Le harcèlement connaît une recrudescence sur l'ile comme ailleurs ces derniers mois. Des vidéos, musiques et clips émergent sur le net et incitent au bizutage et lynchage des enfants de 6e. Un autre jeu violent émerge aussi dans les cours d’école : 1,2,3, soleil revisité avec des coups à la clé. Jonathan Curti a été témoin de ce genre de comportement dans une école de la région ajaccienne. « Il est important d’alerter et de faire prendre conscience aux enfants que ces jeux n’en sont pas. Nous sommes en train de mettre en place une petite troupe qui jouera des scénettes dans les écoles. Des mises en situation du quotidien pour que les enfants puissent ressentir ce qui n’est pas acceptable. Ils pourront aussi mieux mettre des mots sur ce qu’ils ont vu ou subi. »
 
La plateforme « Les petites âmes solidaires » bientôt opérationnelle 


Pour Jonathan Curti, l’heure n’est plus à la communication temporaire sur le harcèlement scolaire. « Alors oui le challenge est gros, mais nous allons mettre en place un outil qui sera là à n’importe quel moment, il sera omniprésent pour que jamais plus un enfant ne puisse se retrouver seul dans une situation de total désarroi. Il est temps que cela finisse et ensemble nous pouvons y arriver. »
 
La plateforme « Les petites âmes solidaires » sera bientôt opérationnelle. Toutes les informations seront disponibles sur la page Facebook de A Scola di Dumane et sur les pages Facebook et Instagram de l’ « Association Jean-Toussaint  » ( numéro vert 0800730853