Corse Net Infos - Pure player corse

"La Corse a un rôle important à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique"


Livia Santana le Lundi 22 Août 2022 à 14:56

Le Prix Mondial de l’Environnement (U Premiu Mundiale di l’Ambiente) organise ce lundi 22 aout 2022 à 18h30 au lazaret Ollandini à Ajaccio, un débat sur « Climat : Etat des lieux – Que peut, que doit faire la Corse ? »
Parmi les invités de cet échange, le directeur du centre météorologique de Corse et météorologue Patrick Rebillout ainsi que Cédric Villani, mathématicien et ancien député. Ce dernier livre pour CNI son analyse sur les enjeux de demain et la manière dont l'île pourrait jouer un rôle pour freiner le processus de réchauffement climatique.



Cédric Villani (Photo  Jérémy Barande)
Cédric Villani (Photo Jérémy Barande)
-  Par hasard, vous vous trouviez en Corse lors de la tempête de ce jeudi 18 août, comment avez-vous vécu cet épisode ? 
 Au moment où la tempête a eu lieu j’étais dans Calvi. Au centre-ville, les dégâts étaient moindres mais à quelques kilomètres de là c’était terrible. Les morts, les arbres arrachés… Ce qui était aussi spectaculaire c’était l’impact de cette tempête. Les transports en commun étaient annulés, pour une bonne partie de la population l’électricité était coupée, c’était quelque chose de vraiment impressionnant.

- Vous l’avez dit il y a eu une coupure de courant, des milliers de foyers ont été privés d’électricité, est-ce que la Corse est assez équipée pour répondre aux enjeux climatiques de ces prochaines années ? 
- Il faut distinguer l’épisode que nous avons vu là qui était un épisode météorologique extrêmement localisé dans le temps, des enjeux climatiques et des dangers principaux qui peuvent se produire dans l’avenir avec des épisodes de plus longue durée. Par exemple, des épisodes de sécheresse plus importants, des inondations, globalement un changement de la météo qui va mettre toute la société sous tension. Chaque nation doit construire sa voie, sa façon de faire face à ces évolutions qui sont inéluctables car on peut encore discuter ou moduler leur ampleur mais il n’y a pas de doute que tout le monde va y passer. 

- Vous êtes mathématicien, est-ce que des schémas permettant de  prévoir ce genre de phénomènes existent ?
Oui jusqu’à un certain degré. La science a fait des progrès spectaculaires en météorologie et en climatologie (ce qui se passe sur le long terme), et les mathématiques ont pris part à ces avancées spectaculaires à travers l’analyse, la modélisation, les modèles de mécanique des fluides, des équations différentielles. Il reste des choses difficiles à prévoir. Sur l’évènement de jeudi dernier je ne suis pas assez proche de la technique pour dire si cela aurait pu être prévu ou prédit avec des outils plus fins. Ce que je peux certifier c’est que nous avons des prédictions qui ont gagné en finesse et en probabilité. 
 
Dans la conférence de ce soir vous allez aborder les solutions pour lutter contre le changement climatique, la Corse pourrait-elle être pionnière en la matière ?
 
- La question de l’analyse du changement climatique est une question de science mais la réponse est avant tout une question de volonté politique. Ce sont des infrastructures à construire, des comportements à changer, des plans de répartition des ressources à faire évoluer. Pour prendre quelques exemples, les trois secteurs les plus pollueurs sont l’alimentation, la mobilité et l’habitat. Pour ce qui est de l’alimentation, l’agriculture et l’élevage représentent au niveau mondial 25 à 30% des émissions ce qui est considérable, pourtant, aucun plan de réduction ne fait l'économie d'un changement d'alimentation. Du côté de la mobilité, aucune solution ne dispense de rouler avec des véhicules plus légers. Ce que je veux dire par là, c'est que les solutions sont avant tout des questions de volonté de mise en place et de changement du comportement des individus. La Corse peut très bien jouer un rôle majeur là-dedans en particulier du fait qu'elle a une riche biodiversité, qu'il y a des savoir-faire agricoles importants, d'autres plus anciens qui sont réactivables. D'autre part, les tensions fortes autour de l'eau par exemple sont un signal fort qui peut pousser à la mobilisation. 
 
⁃ Vous avez aussi été député, est-ce que les politiques publiques prennent vraiment en compte cette problématique ? 
- Non très loin de là. Dans les plans d'évolution, le sujet est abordé trop peu et pas à la bonne ampleur. Le plan climat et résilience voté à l’Assemblée en 2021 n'est pas du tout au niveau des enjeux.  La mise en œuvre ne suit pas, on n’est pas au bon niveau d’action. Les élus corses ont toutefois poussé pour que cela soit plus ambitieux.

⁃ Ce dimanche, le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni a annoncé qu’il proposera à l’Assemblée de Corse d’intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans le processus de dialogue entre la Corse et l’Etat. Ce serait une solution ? 
- Le simple fait de mettre cela à l'agenda doit être salué. Mais la lutte pour l'environnement ce n'est pas seulement la question du climat, il faut rajouter maintenant la question de la biodiversité qui est un point au moins aussi grave et important. On cite toujours les rapports du Giec sur le climat mais il existe l'exacte parallèle du côté de la biodiversité qui s'appelle l'IPBES qui sont des rapports tout aussi inquiétants et alarmistes. Ils préconisent de sortir de l'utilisation des pesticides, fongicides, herbicides, s'intéressent à toutes les questions sur les modèles agricoles, à la surexploitation des océans... sur certains de ces sujets la Corse se comporte fort bien, sur d'autres elle a des progrès à faire.