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VIDEO - Laurent Marcangeli : « Le 11 mai ne sera pas le jour de la réouverture des écoles ajacciennes »


Julia Sereni le Mercredi 6 Mai 2020 à 18:38

À quelques jours du 11 mai, le maire d’Ajaccio a pris la décision de ne pas rouvrir les écoles de sa commune, la ville n'étant pas en mesure d'appliquer le protocole sanitaire du ministère de l'Education nationale.
Il n'exclut pas néanmoins une rentrée dans les prochaines semaines.



Images Michel Luccioni
Images Michel Luccioni
- La rentrée aura-t-elle lieu le 11 mai dans les écoles d’Ajaccio ?
-  Non, la rentrée n’aura pas lieu car nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure de pouvoir l’organiser dans les meilleures conditions, eu égard notamment au protocole sanitaire qui nous a été transmis dimanche par le ministère de l’Education nationale.
Ce n'est pas une décision prise de gaieté de cœur, car le fait que nos enfants ne puissent pas se rendre à l’école, quelle que soit leur condition, quel que soit leur âge, pose un problème d'ordre moral. L’école de la République, c'est l’élévation par le savoir et c’est aussi la porte d'entrée dans la vie sociale. Il y a donc une charge symbolique forte. La décision de fermer un service public n’est d’ailleurs jamais anodine, et l’école fait partie des plus importants d’entre eux. Mais il faut bien l’admettre, il y a une forme de défaillance dans notre société par rapport à cette crise sanitaire et aujourd’hui nous ne sommes pas en mesure de pouvoir organiser cette rentrée dans de bonnes conditions. 


- Pour quelles raisons vous avez pris cette décision ?
- D’abord, le protocole sanitaire est particulièrement précis, et lourd. Il comporte 54 pages. Il est donc extrêmement compliqué à mettre en œuvre, avec un nombre insuffisant d’agents. Face à cette situation, je me suis attelé à concerter, comme c’est mon habitude dans ce type de situation.
J’ai en priorité voulu avoir un dialogue avec les agents de la ville, puisque ce sont eux qui travaillent aux côtés de l'éducation nationale au quotidien, dans les écoles maternelles et les écoles primaires. Nos agents ne sont aujourd’hui pas en mesure de pouvoir s'aligner véritablement sur l'ensemble des préconisations de ce protocole dans le temps qui nous a été donné.
Les remontées de terrain ont donc fait part de réticences importantes, tant de la part des agents que de la communauté éducative en général. Aujourd'hui la ligne qui se dégage majoritairement, notamment au niveau des représentations syndicales dans leur pluralité, c’est une opposition à la rentrée. J’ai concerté également les associations de parents d'élèves qui elles aussi, dans leur très grande majorité sont opposées à cette rentrée. Certes, le volontariat était la règle concernant le retour à l'école, néanmoins il faut écouter cette appréhension des parents et la prendre en compte.
Il m’en donc apparu clairement qu’il était préférable que cette rentrée n’ait pas lieu, plutôt qu’elle ait lieu dans de mauvaises conditions. En effet, à quelques jours de cette date fatidique du 11 mai, nous ne sommes pas prêts.
 
- Très concrètement, toutes les écoles seront donc fermées ?
- Nous continuerons de recevoir les enfants du personnel soignant, comme nous le faisons depuis le début de la crise - cela concerne environ 6 ou 7 enfants. Mais les écoles de la ville d’Ajaccio ne seront pas ouvertes lundi.
 
- Y avait-il eu des estimations du nombre d’enfants qui seraient retournés à l’école le 11 mai ?
- J’avais demandé à Madame la Rectrice de procéder à une sorte de sondage, et sur l’ensemble des écoles élémentaires, environ 3200 enfants - il avait été décidé que les maternelles ne rouvriraient pas, le rendu faisait état de 272 élèves. Cela a influé dans ma décision car matériellement il aurait été difficile d’ouvrir toutes les écoles et certains enfants auraient donc été privés de l'école alors que leurs parents étaient volontaires. Cette ouverture progressive peut avoir du bon dans l'organisation mais d’un point de vue social elle est contestable car elle instaure une forme d’inégalité.
 
- Y a-t-il eu concertation avec les communes de la CAPA, avec la Collectivité de Corse ?
Avec les 9 communes de la CAPA nous avons parlé d'une seule et même voix, depuis deux semaines déjà. Concernant la collectivité, j'ai appris par la presse qu’il était envisagé que les collèges et lycées ne soient pas ouvert jusqu'à la rentrée. Il n’y a pas eu de concertation. 
 

- A titre personnel, étiez-vous favorable à cette rentrée dans ces conditions ? 
- J’ai fait partie des premiers élus, avec ceux de la CAPA à dire, quelques jours après l’intervention du président Macron, que nous n’envisagions pas de faire cette rentrée. J’avais des réticences. En effet, nous ne maîtrisons pas totalement toutes les facettes de ce virus et aujourd’hui, s'il y a bien un domaine dans lequel il faut que nous soyons dans la prévoyance, dans le respect du principe de précaution qui est inscrit dans la Constitution, c'est bien par rapport à cette éventualité d’ouvrir les écoles. A titre personnel, je n'étais pas favorable à cette rentrée pour plusieurs raisons. La première est avant tout sanitaire, nous n'avons pas encore suffisamment de données qui permettent de penser que cette rentrée peut se dérouler sans risque pour les enfants, pour leurs parents mais également pour les personnels de l’éducation et des collectivités.
Deuxième raison, la date pose problème. Peut-être que si nous étions en octobre, la question se poserait d'une autre manière. Il s'avère que nous sommes mi-mai, presque à la fin de l'année scolaire et que nous mettons en musique un très lourd process pour une période qui finalement sera très courte, avec dans le même temps un risque que nous n'avons pas suffisamment bien évalué au moment où nous parlons.
Enfin, il y a également une question qui me semble essentielle, c'est celle de la psychologie collective. Cette question se pose peut-être de manière plus accrue ici qu’ailleurs. Je pense qu’il ne faut pas forcer un certain nombre de choses quand elles sont refusées de manière aussi importante par le corps social. Les élus, les responsables, les décideurs doivent tenir compte de cette facette psychologique de la crise.
Mine de rien, confiner n’a pas été si difficile que cela. Mais déconfiner, y compris psychologiquement et pas seulement physiquement, cela va être une partie difficile. Je ne souhaitais pas placer les agents de la ville, la communauté éducative, les enfants, les parents, dans une situation difficile, voire anxiogène.
 

- Une rentrée plus tardive peut-elle être envisagée dans quelques semaines ?
- Je ne ferme pas totalement la porte. Je ne dis pas que les écoles seront fermées jusqu’en septembre. J’attends de voir l’évolution de la situation. La circulation du virus sur notre territoire a tendance à faiblir fortement, les chiffres publiés quotidiennement par l’ARS le montrent. Et j’attends également de voir comment cela se passe au niveau national. Une rentrée plus tardive peut peut-être être envisagée dans les semaines à venir. Je n'oublie pas qu’il y a un certain nombre d'élèves qui ont accumulé du retard, qu’il y a des familles qui sont dans des situations difficiles, et que le confinement se passe pas forcément bien pour tout le monde - si tant est qu’il puisse se passer bien.