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Un avocat et un médecin jugés à Bastia


Charles Monti le Mercredi 19 Septembre 2012 à 23:42

16 personnes, dont un médecin et un avocat, comparaissent depuis mardi matin devant le tribunal correctionnel de Bastia. Elles sont accusées d’avoir mis en place un réseau de faux certificats médicaux et de fausses attestations de domicile pour aider près de 400 étrangers, en situation irrégulière, à obtenir des titres de séjour. Le procureur a requis des peines de prison allant de 6 mois à 4 ans assorties de sursis, des amendes allant de 3000 à 30000 € et deux interdictions d’exercer.



Un avocat et un médecin jugés à Bastia
Un réseau crapuleux en bande organisée a-t-il été  mis sur pied pour faciliter le séjour d’étrangers, originaires du Maghreb, sur le sol français ? Les prévenus ont-ils exploité, volontairement, les failles d’une disposition législative concernant la délivrance des cartes de séjour pour motif médical ? Quels ont été les rôles exacts du médecin et de l’avocat incriminés dans cette affaire ? Etaient-ils de connivence ?
Ces questions résument l’enjeu du procès qui s’est ouvert, mardi matin, au tribunal correctionnel de Bastia. Sur les 16 prévenus, dont un médecin, un avocat, sa secrétaire, des intermédiaires et des petites mains ayant rédigé de fausses attestations, seuls 6 étaient présents à l’audience, les autres ayant disparus dans la nature. Tous contestent l’appréciation des faits.
 
Rappel des faits
L’affaire démarre, en 2009, à la préfecture de Haute-Corse où un afflux massif et inexpliqué de demandes de régularisation suscite la suspicion des services concernés. D’autant que ces demandes émanent d’étrangers venant du continent et sont, pour la plupart, faites pour raisons médicales et justifiées par des certificats médicaux. Elles s’appuient sur une disposition de la loi qui permet aux étrangers malades, résidant en France, de bénéficier d’un titre de séjour de 3 mois. Entre le 1er semestre 2008 et le 1er semestre 2009, le nombre de demandes augmente de 74%. Les dossiers sont constitués par Me Jean-Louis Perez et les certificats médicaux sont signés par le Dr Louis Ansalvi. La préfecture soupçonne l’existence d’une filière illégale et crapuleuse et saisit la justice.
 
400 dossiers saisis
Le 15 juin 2009, les forces de l’ordre perquisitionnent 2 hôtels, les cabinets du médecin et de l’avocat et interpellent 19 personnes dont plusieurs étrangers en situation irrégulière. Le Dr Louis Ansalvi et Me Jean-Louis Perez sont mis en examen pour aide au séjour irrégulier en bande organisée. L’enquête met à jour 400 dossiers et 200 bénéficiaires. Elle établit que le praticien généraliste recevait en consultation, tous les lundis, jusqu’à 40 étrangers en situation irrégulière, venus de toute la France, à qui il délivrait des certificats médicaux leur permettant de rester sur le sol français. L’homme de loi constituait des dossiers qu’il portait lui-même à la préfecture, se faisant payer en liquide et sans facture. Des rabatteurs étrangers servaient d’intermédiaires et d’accompagnateurs. De bonnes âmes rédigeaient de fausses attestations de domicile.
 
Loi et déontologie
Les deux principaux protagonistes de l’affaire, le Dr Louis Ansalvi et Me Jean-Louis Perez, ne nient pas les faits en eux-mêmes, mais leur caractérisation. Ils contestent non seulement l’existence d’un réseau organisé, mais le fait même d’avoir violé la loi et la déontologie. Ils affirment, en chœur, n’avoir aucun reproche à se faire, ayant simplement exercé leur métier, sans idée de lucre et sans exploiter les failles d’une loi qui, depuis, a été modifiée. « J’ai agi dans le cadre du conseil à mes clients. J’ai utilisé les dispositions offertes par la loi », estime l’avocat, qui ne concède qu’un léger flou artistique dans sa comptabilité. « Je n’en n’avais pas besoin. Cela ne m’a rapporté que 15 000 €, que j’ai intégralement déclarés », renchérit le médecin généraliste.
 
Un réquisitoire sans complaisance
Ce n’est pas l’avis du ministère public qui va, dans son réquisitoire, s’attacher à démontrer l’existence d’un réseau organisé et frauduleux, mis en place par le médecin et l’avocat.
Il va hiérarchiser les responsabilités sur 3 niveaux.
D’abord, les deux cerveaux : Me Perez, qu’il considère comme « l’initiateur du système », trahi, selon lui, « par les écoutes téléphoniques qui prouvent sa culpabilité ». Le Dr Ansalvi, qu’il désigne comme « l’élément fondamental », l’accusant d’avoir validé consciemment « 90% des dossiers, au titre du motif médical pour réclamer le maintien en France d’étrangers en situation irrégulière », tout en sachant que ces dossiers « auraient du être rejetés si l’administration les avait vérifiés ». Le procureur met ainsi en cause la déontologie du praticien qu’il qualifie de « très mauvais médecin, complètement dévoyé ». Il va requérir contre les deux principaux protagonistes : 4 ans d’emprisonnement dont 2 avec sursis, 30 000 € d’amendes et l’interdiction d’exercer leur profession pendant 5 ans.
Contre « les profiteurs du système », c’est-à-dire les intermédiaires étrangers, qu’il place au deuxième niveau de responsabilité, et contre ceux qui ont rédigé les fausses attestations de domicile, dernier échelon du système, il va requérir des peines allant de 6 à 15 mois d’emprisonnement assorties de sursis et de 3000 à 4500 € d’amendes.
En fin d’après-midi, ont débuté les plaidoiries de la défense qui se poursuivront ce mercredi. Le jugement, attendu initialement dans la foulée, pourrait être mis en délibéré.
                                                                                                                                    N. M.





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