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Gilles Simeoni : « La Corse maîtrise insuffisamment ses transports »


Nicole Mari le Dimanche 9 Juin 2013 à 00:09

L’échec de l’appel d’offres sur la Délégation de service public (DSP) maritime oblige l’Assemblée de Corse (CTC) à renégocier de manière directe avec chaque compagnie. Les nationalistes modérés de Femu a Corsica ont mené la fronde de l’opposition contre le montant retenu comme base de ces négociations. Estimant que la Corse doit maîtriser ses transports et défendre ses intérêts, ils ont imposé deux amendements. Explications, pour Corse Net Infos, de Gilles Simeoni, élu territorial et leader de Femu a Corsica.



Gilles Simeoni, élu territorial et leader de Femu a Corsica.
Gilles Simeoni, élu territorial et leader de Femu a Corsica.
- En quoi l’échec des négociations concernant l’appel d’offres de la DSP maritime vous-a-t-il surpris ?
- Le rapport, qui nous a été présenté, nous demandait de constater que l’appel d’offres était infructueux, ce que nous ne contestons pas. Nous avons exprimé notre surprise concernant la suite de la procédure, c’est-à-dire la négociation directe qui se faisait sur la base de 104 millions € par an. Le rapport précisait que la compagnie, qui avait soumissionné, exigeait 107 millions €. Aucun de ces deux chiffres ne nous paraît correspondre à la réalité de ce qui doit être payé par la CTC. Ils sont surévalués.
 
- Quel est, selon vous, le chiffre réel ?
- Le chiffre réel se calcule par rapport à l’ancien cahier des charges et à la restructuration de notre demande en matière de transports maritimes, exprimée dans le nouveau cahier des charges. Le schéma initial se composait d’un service de base coutant 75 millions €, d'un service complémentaire de 32 millions € et d'une aide sociale de 16 millions €. Ce qui faisait un total de 123 millions €. La suppression du service complémentaire et de l’aide sociale réduit le coût à environ 75 millions €.
 
- N’y-a-t-il pas des charges supplémentaires ?
- Oui. Parallèlement, le nouveau cahier des charges est plus exigeant, notamment en termes de diminution du prix du fret et de tarif résident. Ce qui se chiffre entre 10 et 15 millions €. Le calcul objectif global est donc de 85, voire 90 millions € au maximum. Ce que ne conteste pas l’Exécutif ! Il y a donc une différence très significative avec la somme de 104 millions € que cet Exécutif voulait concéder au futur délégataire. Ce différentiel de 15 à 20 millions € par an est à multiplier par 10 puisque la durée de la convention de DSP est de 10 ans. Ce qui signifie une économie sur 10 ans de 150 à 200 millions €.
 
- C’est l’objet d’un des deux amendements que vous avez déposés ?
- Oui. Nous avons fait acté le principe de la suppression de la référence à 104 millions € qui était notée dans le rapport de l’Exécutif. Et, nous avons fait voté un plafonnement politique.
 
- Pourquoi n’avez-vous pas chiffré ce plafonnement à 90 millions € ?
- Pour des raisons juridiques. On n’a pas le droit, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, de fixer par avance une somme. Comme nous l’avons fait remarquer, le rapport présenté était, à ce titre, fautif. Nous avons trouvé une formule qui exprime très clairement le mandat politique et financier que nous donnons à l’Exécutif.
 
- C’est-à-dire ?
- Notre amendement dit que la somme, que versera la CTC, doit, d’abord, être acceptable. Ceci, en référence aux offres proprement scandaleuses et provocatrices qui ont souvent été faites par les compagnies, que ce soit la SNCF au moment de l’appel d’offres sur les chemins de fer, la 1ère offre d’Air France sur l’aérien ou celle de 147 millions € de la SNCM sur cet appel d’offres-ci avant qu’elle ne soit ramenée à la valeur actuelle de 107 millions €. La somme doit être, ensuite, justifiée par des critères économiques, lesquels confirment la somme de 90 millions €. L’offre doit être, enfin, conforme aux intérêts de la Corse.
 
- Qu’entendez-vous par là ?
- Cette formule permet de rappeler, dans le contexte actuel, que la CTC, lorsqu’elle définit sa DSP, prend en compte uniquement et exclusivement les intérêts de la Corse. Ce n’est pas à la Corse de s’adapter aux besoins ou aux attentes des compagnies délégataires ou désireuses de l’être, ce sont à ces compagnies délégataires de produire une offre conforme aux attentes et aux intérêts de la Corse !
 
- La SNCM a jugé la somme de 104 millions € insuffisante. Ne craignez-vous pas qu’un plafond encore plus bas ne plombe, d’avance, la négociation ?
- C’est la raison pour laquelle nous disons qu’on ne peut pas faire supporter à la CTC, directement ou indirectement, tout le poids économique, financier et même social de la nécessaire redéfinition du système du transport maritime. La SNCM est un outil qui travaille essentiellement avec la Corse, mais qui n’est pas configuré pour répondre aux besoins de la Corse. La crise sociale, qu’elle traverse, la conduit vers une restructuration. On ne peut pas demander à la CTC de porter tout le poids des efforts à faire ! Les problèmes du port de Marseille sont le problème du port de Marseille ! Les problèmes de la Corse sont le problème de la Corse !
 
- Pensez-vous que la CTC est prise en otage par les compagnies ?
- Oui. La situation actuelle conduit inéluctablement à un rapport de forces inégalitaire dans les négociations. Pendant 50 ans, la Corse a été, dans le domaine maritime, victime d’une situation de monopole. Aujourd’hui, elle vit une situation de duopole et de quasi-monopole du côté de la SNCM. Nous ne pouvons pas rester dans cet état-là. C’est la raison pour laquelle le choix, que nous avons fait, est un bon choix puisqu’il préserve les finances de la CTC dans un contexte d’austérité et de difficultés dont nous avons parlé, jeudi, lors de l’adoption du compte administratif 2012, sans parler du contexte français, européen et mondial. Ce choix, même s’il est bon, n’épuise pas la réflexion stratégique que nous devons avoir pour obtenir la maîtrise la plus large possible des transports de la Corse.
 
- Pourquoi cette maîtrise n’existe-t-elle pas aujourd’hui ?
- A l’évidence, la Corse maitrise insuffisamment ses transports. Nous sommes, souvent, dépendants d’accords qui sont pris par de grands opérateurs capitalistiques extérieurs. On a vu ce qui s’est passé en 2005 et on voit ce qui se passe encore aujourd’hui à l’intérieur du capital de la SNCM. On a vu comment la crise européenne et mondiale d’Air France impacte l’emploi corse. Nous disons que nous ne pouvons plus être dépendants de ces variables qui nous échappent complètement et que nous devons avoir une réflexion stratégique autonome.
 
- Pour les Nationalistes, cette réflexion débouche sur la création d’une compagnie régionale. Est-ce d’actualité ?
- En tous cas, il est indispensable d’étudier la faisabilité de cette compagnie régionale. Toujours avec le même souci social, parce qu’il y a des Corses qui travaillent dans les compagnies, mais également avec un souci économique et financier. Combien une telle compagnie peut-elle coûter ? Avons-nous les moyens de financer la flotte ? Si oui, comment le faire ? De combien de navires avons-nous besoin ? De combien de salariés ? Une telle compagnie serait-elle viable économiquement ? Permettrait-elle de répondre à nos besoins ? Si nous la créons, comment organiser sa pérennité dans un environnement concurrentiel qui va continuer d’exister ? Ce sont des questions de fond auxquelles nous devons répondre. Nous avons pris beaucoup de retard pour les traiter. C’est à cause de cela que nous nous présentons souvent dans les négociations en situation de faiblesse. Le vote de ces deux amendements corrige cette situation de faiblesse et, surtout, envoie le signal politique fort que la CTC défend les intérêts de la Corse.
 
- Vous avez demandé à l’Exécutif de vous transmettre le récent rapport de la Cour régionale des comptes sur l’Office des transports. Que craignez-vous ?
- L’Office des transports est déficitaire d’au moins 15 millions €, si ce n’est plus ! On attend, à cet égard, de lire l’avis de la Chambre régionale des comptes qui est tombé le 29 mai. Les chemins de fer sont structurellement déficitaires. Le débat sur le compte administratif montre que notre bas de laine fond comme neige au soleil. Il y a trois ans, le fond de roulement de la CTC était de 49 millions €. Il a chuté, aujourd’hui, à 3 ou 4 millions €. On ne peut pas continuer dans cette spirale, sauf à accepter une collectivité territoriale et, demain d’autres collectivités insulaires, en cessation de paiement et, donc, l’impossibilité financière d’avoir les moyens de notre politique.
 
Propos recueillis par Nicole MARI





Commentaires

1.Posté par Minelli le 09/06/2013 10:13
Vous vous opposez, vous critiquez, vous posez des questions mais vous n'apportez pas de solutions..
Créer une compagnie maritime corse qui serait aussi déficitaire que le chemin de fer par exemple ???? Avec quelles ressources ??