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Carta Bianca : U trinichellu sous les projecteurs


Bianca le Samedi 23 Février 2019 à 16:35

Les César ont été décernés ce vendredi et si notre favori Pierre Salvadori n’a pas été primé, la Corse n'en reste pas moins une terre de cinéma où le 7e art est en plein essor. Cette semaine, Bianca propose nouveau lieu de tournage, en vue des Césars 2020…



Théâtre d’une vie latine contemporaine par excellence, où histoires et communautés se croisent, le train de Corse, appelé aussi Micheline ou Trinichellu, semble un lieu parfait de cinéma. Court métrage, documentaire ou docu-fiction, film d’action ou film d’auteur de plusieurs heures (pensée particulière pour les usagers du Calvi-Ajaccio), tous les éléments photographiques et ethnographiques sont réunis pour faire un portrait nustrale cinématographique respectant même la règle des trois unités de temps, de lieu et d’action. On traverse les wagons comme on traverse une œuvre. En voici la preuve…
Silence. Moteur. Action. Travelling avant
 
La Micheline, c’est l’œuvre qui mériterait bien un César, à commencer par ses personnages dont le jeu d’acteur frôle le réel.
Grimpez, vous verrez Hugo qui s’apprête à faire le GR20. Il explique à une passagère, qui, elle, rentre au village, qu’il n’a pas l’habitude de marcher mais qu’il fait beaucoup de hand-ball… (mais encore ?) Il ajoute qu’il a perdu son portable et espère trouver une boutique mobile à Calenzana, avant de partir. Và bè.  
En face, d’autres touristes, le nez collé à la vitre, apprécient le paysage et guettent le prochain arrêt, parce que la voix dans le train ne leur est pas vraiment familière. Ils ont surtout retenu qu’il y avait une correspondance à « Ponte et Leche », là où des allemands attendent leur bus avec de la bière.
Entre quatre sièges rouges plus loin, le contrôleur vérifie les billets jaunes. Tu ne l’as pas vu en montant dans le train mais lui il sait que tu es là. A sa droite, deux jeunes viennent de poser leurs sacs, ils rentrent de l’entraînement et s’insultent pour se dire qu’ils s’aiment bien, avant de mettre la musique. Juste avant les escaliers, un groupe de légionnaires testent leurs accents russes sur des jeunes corses en pleine crises de selfies, pendant que des poules en mal de terre partent du village sans connaître leur destin.
Devant la double porte automatique, un babbò t’explique comment c’était avant, le temps qu’il fait et comment tu ouvriras la porte. Au final, c’est lui appuiera sur le bouton pour te faire descendre. Certains lisent, d’autres filment tout le trajet. Je m’interroge presque autant sur la capacité de stockage du téléphone que sur la suite de ce film. J’aimerai être une mouche quand il essayera de le montrer.
 
En même temps, il vrai que si les personnages de ce film sont forts, le décor mérite lui aussi une statuette. Peu importe la saison ou la destination, la qualité des couleurs, tout comme la diversité des paysages, ne laisse pas nos pupilles de marbre.  Impression de traverser les tournages d’Et au Milieu Coule une Rivière à Florida Project en passant par Sept ans au Tibet (mention spéciale au col de Vizzavona en hiver) : pas étonnant que la Corse soit une terre de tournage. Au milieu de nulle part, deux ânes se font face sous l’olivier. On les imagine braire « Tocc’à te Âne-Dhjulu ». Coincé dans la montagne, on aperçoit tout à coup un bout de mer, plus bas des morceaux de route conçues manifestement pour des R5 : le vertige n’est jamais loin. Des terrains en friche, des maisons de Sgiò abandonnées ou les ruines de pagliaghji qu’ont dû connaître les premiers usagers du train. Lui qui suscitait colère et jalousie dès sa création et même si aujourd’hui, le Sgiò préfère arborer sa carrosserie, laissant ce train pourtant plein de charme, au peuple l’hiver, aux touristes l’été, rappelons que « U trenu di Bastia hè fattu pè i signori … », chantait-on en le voyant passer. Alors ? Pour qui la statuette ?
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