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Arte Mare : La politique fait son cinéma


Nicole Mari le Vendredi 7 Novembre 2014 à 22:53

Du 15 au 22 novembre, se tiendra, à Bastia, la 32ème édition du festival Arte Mare, festival du film et des cultures méditerranéennes, sous le thème « Politiquement vôtre ». Un rendez-vous incontournable placé, cette année, sous le signe de la politique et de la nouveauté avec une pléiade d’invités, prestigieux comme le réalisateur oscarisé Volker Schlöndorff ou polémique comme Christophe Barbier ou Karl Zero, des chefs d’œuvre à revoir, comme « Mr Smith au Sénat », du théâtre, sept films en compétition, des documentaires, des prix à décerner, des débats, des ateliers, des expositions et de la gastronomie corse à déguster chaque soir au théâtre de Bastia. Explications de la présidente d’Arte Mare, Michèle Corrotti, également professeur de lettres classiques et de cinéma au lycée Giocante de Casabianca.



L'équipe d'Arte Mare, Michèle Corotti, sa présidente, en compagnie de Gilles Simeoni, maire de Bastia, et de ses adjoints, lors de la présentation de la 32ème édition.
L'équipe d'Arte Mare, Michèle Corotti, sa présidente, en compagnie de Gilles Simeoni, maire de Bastia, et de ses adjoints, lors de la présentation de la 32ème édition.
 
- Quelles sont les nouveautés de cette 32ème édition ?
- Il y a toujours la compétition du film méditerranéen, le panorama du film méditerranéen, le panorama corse… La particularité porte sur le thème retenu « Politiquement votre » qui nous permet de marier, pour la première fois, la compétition et la thématique présentée. Les films de la sélection méditerranéenne ont souvent des contextes politiques très forts. Ils comportent des situations de conflits, de guerres, de révolutions… Cette année, ces évènements se retrouvent, aussi bien, dans les films en compétition que dans la sélection de films politiques que nous proposons. Cette sélection est particulièrement intéressante parce que les réalisateurs seront là et répondront sur la scène aux questions de Christophe Bourseiller.
 
- Choisir comme thème « la politique » dans un contexte surchargé d’échéances électorales n’est-ce pas prendre le risque de saturer le public ?
- Il y a là un paradoxe ! Est-ce un paradoxe français ? Est-il doublé d’un paradoxe corse ? Je ne sais pas ! Mais plus nous sommes déçus par la politique, plus nous sommes accablés par les politiques, plus nous les condamnons et plus nous en parlons ! Pas tous de la même façon ! Il y a ceux qui pensent qu’une autre politique est possible et qu’une autre façon de gouverner pourrait améliorer la vie des gens, c’est quand même ce qui est à la base de l’engagement politique ! Il y a ceux qui y croient encore. Il y a les déçus qui ne croient plus en rien, mais ressassent leur déception… La politique nous imprègne ! C’est pour cela que nous avons pensé ce festival comme une sorte de petite agora où, pendant huit jours, au théâtre municipal, nous autres, qui ne sommes pas des politiques, nous aurons la possibilité d’en parler, de donner notre avis, d’en discuter avec des gens qui pensent différemment… C’est bien !
 
- Peut-on dire que le changement politique à la mairie de Bastia vous offre une autre nouveauté : celle d’un soutien plus appuyé ?
- La mairie de Bastia soutenait ce festival très ancien. La nouveauté est que la conférence de presse de présentation du festival s’est faite en présence du maire, de la 1ère adjointe et d’autres adjoints encore… L’adjointe à la culture, Mattea Lacave, a fait remarquer que la politique culturelle municipale se fondait sur les mêmes ambitions qu’Arte Mare : la culture, l’ouverture à la Méditerranée et la Corse. Je ne dirais pas que c’est par le plus grand des hasards puisque que nous avons choisi et expérimenté depuis longtemps cette ligne éditoriale. Le festival Arte Mare montre ce qui se fait en Corse et accueille la Méditerranée avec un certain niveau d’exigence concernant la programmation. Il peut, donc, offrir au public bastiais les plus beaux films du moment.
 
- Quels réalisateurs avez-vous invités ?
- Un réalisateur aussi important que Volker Schlöndorff qui a réalisé « Le Tambour », un film oscarisé, Palme d’or à Cannes ! Egalement, Karl Zero et John Paul Lepers dont le film sur Bernadette Chirac a été interdit de diffusion à la télévision,  et beaucoup d’autres encore… La richesse de la programmation permettra la redécouverte de certains films et va de pair avec cette possibilité de s’exprimer, de questionner, de discuter avec les réalisateurs sur la part d’implication personnelle dans leur œuvre, leur vision du monde, le message politique véhiculé ou pas… Un bon moyen d’aller plus loin dans l’analyse et la compréhension des films.
 
- Vous innovez également au niveau des débats. De quelle manière ?
- Il y a toujours eu des débats, des moments de paroles, des rendez-vous, des « Apputamenti ». La nouveauté, cette année, est que la discussion aura lieu, à la fois, dans la salle et dans le péristyle. Nous allons essayer d’organiser des petits moments un peu chauds, un peu animés, un peu contradictoires autour de Christophe Bourseiller qui est un interviewer passionné, également passionné par la politique. Il va s’évertuer, tous les soirs, à allumer un petit feu de discussions dans le péristyle.
 
- L’un de vos invités, le journaliste Christophe Barbier, dont les propos sur les Corses ont fait scandale, ne risque-t-il pas de déclencher une violente polémique ?
- Le festival a toujours bataillé pour conserver sa ligne éditoriale. Il a parfois été contraint de renoncer à certains évènements. Nous avons à cœur de montrer à quel point notre volonté reste toujours la même : le volonté d’être ouvert et de donner voix à toutes les opinions à partir du moment où elles sont démocratiques. Nous savons que Christophe Barbier est quelqu’un qui, en tant qu’éditorialiste politique, cherche souvent à créer des polémiques. C’est un peu normal ! C’est son rôle ! Il pique pour faire réagir et, aussi, pour être lu.
 
- Pourquoi l’avoir invité ?
- C’est lui qui nous a proposé de venir jouer gratuitement, dans notre festival. Cela part, déjà, d’une bonne intention d’autant plus que le festival n’est pas, financièrement, en bonne santé. Cette pièce de théâtre « Le souper », qu’il vient nous offrir, étant en plein dans la thématique, il était difficile d’y résister ! En plus, Christophe Barbier est, quand même, le rédacteur en chef de l’Express, un des magazines politiques les plus lus. Enfin, nous nous sommes dits que c’était l’occasion de lui démontrer l’erreur de certains de ses jugements et qu’il fonctionnait, quand il parlait des Corses, sur des préjugés.
 
- Des jugements et des préjugés qu’il n’hésite pas à réitérer régulièrement… !
- Il faut espérer que cette rencontre et ce passage à Bastia lui permettront de changer d’avis.
 
- Ne craignez-vous pas que la colère, que ses propos anti-corse ont cristallisée, n’occulte l’intérêt de sa visite ?
- On peut toujours le craindre ! Mais, j’ai tendance à attendre le meilleur plutôt que de craindre le pire. Il y a toujours, même dans les films programmés, des occasions de désaccords, des expressions de points de vue très loin de la nôtre… Tant que ces points de vue s’expriment dans le cadre de la liberté d’expression, c’est bien qu’ils s’expriment ! Cela nous donne l’occasion de répondre… Non !
 
- Les films en compétition relèvent-ils aussi de ce parti-pris politique et polémique ?
- Les films en compétition comportent un arrière-plan politique très fort. Que ce soit un film ouvertement politique comme « Printemps tunisien » qui revient sur la révolution de Jasmin ou des films plus intimistes, resserrés sur un personnage. L’aventure de ce personnage révèle, soit une façon de découvrir le monde comme c’est le cas dans le très beau film « Fidélio, l’odyssée d’Alice », soit de découvrir les noirceurs insoupçonnées de l’âme humaine comme dans « Amours cannibales » qui contient, à la fin, une forme de rédemption.
 
- Une autre nouveauté concerne l’évolution de votre partenariat avec l’ODARC concernant la gastronomie corse. Que proposez-vous de plus cette année ?
- Là aussi, c’est une nouveauté sans l’être ! L’ODARC (Office de développement agricole et rural de la Corse) était déjà notre partenaire, l’an dernier, comme il l’avait déjà été quelques fois auparavant. Grâce à son aide, nous allons marier la gastronomie corse au cinéma, à la littérature et aux Arts. L’idée est de faire de cette semaine de festival un temps fort de plaisir et de découvertes en réunissant tout ce que nous pouvons offrir de mieux en termes de produits insulaires, de talents culinaires, de vins… Nous proposons, tous les soirs, des repas et des dégustations de vins avec, chaque fois, un vin et un chef différents et des produits locaux d’excellence. N’est-ce pas autour d’une table, d’un verre de vin que l’on peut finir par comprendre des points de vue qui nous sont, à l’origine, opposés !
 
Propos recueillis par Nicole MARI