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Valls – Taubira : Une union sacrée pour redonner confiance


Nicole Mari le Mardi 27 Novembre 2012 à 03:17

Deuxième visite de Manuel Valls et de Christiane Taubira en Corse en moins de 10 jours pour signifier à l’opinion publique, tant insulaire que continentale, que le gouvernement se saisit du problème de la violence à bras-le-corps. Les deux ministres courent d’un bout de l’île à l’autre, expliquant beaucoup, affirmant souvent, fixant des objectifs, promettant des moyens... Une action exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. Et, pourtant…



Valls – Taubira : Une union sacrée pour redonner confiance
« Le sens et le contenu de notre visite commune est de vous montrer que les deux ministres s’obstinent à travailler ensemble, y compris sur des sujets sensibles en Corse ou à Marseille. C’est un choix politique ». C’est ainsi que la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a justifié cette seconde visite, moins de dix jours après celle, impromptue, provoquée par l’assassinat du Président de la Chambre de commerce et d’industrie de la Corse-du-Sud.
« Ce travail de coordination et de réflexion commune est d’autant plus nécessaire que nous sommes confrontés ici à une situation sur laquelle les Corses posent un certain nombre de questions légitimes… Cette situation très particulière est insupportable pour la démocratie, pour la République, pour notre régime de droits. Il faut savoir répondre par des outils particulièrement adaptés», poursuit-elle.
 
Un message de confiance
Une action commune pour affirmer la détermination du gouvernement, mais surtout pour redonner confiance à une population insulaire dont le scepticisme, quand à l’efficacité de l’action de l’Etat, ne faiblit pas. Manuel Valls ne s’y trompe pas. « L’objectif est de passer un message de confiance aux Corses et un message de mobilisation. Nous sommes venus dire que l’Etat assume ses responsabilités, que nous sommes au rendez-vous de ce qu’attendent les Corses. C’est le rôle de l’Etat d’assurer la solidarité ». Les deux ministres ne sont pas arrivés les mains vides et ont dévoilé leurs cadeaux au même moment, lundi matin. A Ajaccio, le ministre de l’intérieur apportait dans sa besace 537 millions d’euros pour la dernière tranche du PEI (Plan exceptionnel d’investissement). A Bastia, la Garde des Sceaux présentait son plan d’action pénal spécifique de lutte contre les assassinats et promettait les moyens afférents. (Voir articles par ailleurs).
 
Le sens de l’Etat
« En Corse, il faut avoir le sens de l’Etat, de l’intérêt général et la volonté d’aboutir. C’est assez exceptionnel que sans à-coup, sans coup de menton, avec la volonté de construire dans la durée, deux ministres, une nouvelle fois ensemble, car nous savons que nous ne pourrons réussir qu’ensemble, viennent délivrer ce message de confiance et de responsabilité », commente Manuel Valls.
Les deux ministres ont donc expliqué leur volonté d’avancer dans deux directions principales qui les « obligera à une concertation permanente, à un accord parfait, de tous les instants, des services de la justice, de la police et de la gendarmerie ». D’abord, augmenter les capacités d’enquête contre toutes les formes de délinquance : assassinats, criminalité organisée, délinquance économique et financière, chantage, extorsion, menaces, blanchiment… 
 
Un système de clans mafieux
Ensuite définir une politique de saisine et de stratégie pénale adaptée aux enjeux locaux.
Annonçant le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie dans les prochaines semaines, Manuel Valls insiste sur la recherche et l’exploitation du renseignement et sur la mutualisation des équipes d’enquêteurs. « Nous sommes convaincus que cette méthode de travail, raisonnée, respectueuse du droit et des personnes, sera efficace ».
Pour le ministre de l’Intérieur, l’avenir n’est pas possible en termes de développement « sous la menace et l’emprise de ces systèmes mafieux très particuliers, qui reposent sur des traditions, sur des clans et sur des réseaux, et qui continuent à exercer leur influence ».
 
Des élus menacés
Il affirme que des élus, spécialement des maires, insulaires lui ont avoué être menacés. Une preuve, selon lui, « du climat délétère » qui règne dans l’île. « J’ai rencontré des Corses qui m’ont dit : nous avons peur de parler. Les élus nous disent souvent qu’il y a une chape de plomb, des pressions, notamment dans le domaine foncier. Des maires se retrouvent en très grande difficulté parce que les sommes colossales, que représente le foncier dans l'île, exercent, par une série de réseaux et d’individus, une pression insupportable que, seuls, les élus corses connaissent, en France, aujourd’hui ». Refusant de « mettre en cause l’Etat », il appelle à « la mobilisation de tous », tout en admettant que « cette mobilisation n’est possible que si nous créons les conditions de cette confiance.
 
Une langue de bois
Néanmoins, les ministres vont surfer nerveusement sur les questions qui fâchent et ne vont pas déroger à la langue de bois de leurs prédécesseurs. Sur la corruption des élus et des réponses pénales inexistantes ? Christiane Taubira répond vertement : « Faisons attention à ne pas suspecter. C’est délétère, ça introduit de l’entropie, ça fragilise considérablement la société corse, les citoyens et la République ! Il n’y a pas de mécanismes, ni pour ralentir, ni pour dévier les enquêtes. Que cela ne justifie pas que l’on jette l’opprobre de façon générale sur l’ensemble des élus ou de la population ! ».
Sur le coma du pôle financier qui, sans moyens, ni personnel, n’a traité véritablement qu’une seule affaire, celle du Crédit agricole, close par un non-lieu général, et n’en a jamais résolu aucune ? La ministre de la justice réplique sans sourciller avec un aplomb de mauvais aloi : « Nous n’avons pas les mêmes statistiques. Le taux d’élucidation du pôle financier est de 86%. On ne peut pas considérer qu’il n’a rien fait. C’est sûr qu’il manque un peu d’effectif ! ». Son collègue de l’Intérieur annonce un certain nombre d’affaires en passe d’être résolues, mais refuse de donner plus de détails.
 
De vieilles promesses
Au final, de ces deux jours de tribulations insulaires et médiatiques, persistent le même sentiment de perplexité de la précédente visite et le même scepticisme. A chaque nouveau meurtre qui vient allonger la liste noire, à chaque réaction étatique qui lui succède, on voudrait bien se mettre, enfin, à espérer, mais… Les promesses martiales de Christiane Taubira et de Manuel Valls rappellent, dans un dérisoire écho, celles martelées, en même lieu et place, par leurs prédécesseurs. La circulaire pénale, qui se veut spécifique, ne fait que décliner des fondamentaux judiciaires et rappeler l’urgence d’appliquer un droit commun qui continue, avec constance, à ne pas l’être. Pourquoi ? L’ex-ministre Michèle Alliot-Marie avait déjà annoncé, voilà bien des années, la création d’équipes communes d’enquêtes. Pourquoi n’ont-elles jamais vu le jour ? Qu’est-ce qui permet de croire qu’elles le verront aujourd’hui alors que la guerre des services fait toujours rage ? Difficile de comprendre les raisons de cette inertie. Les deux ministres ont annoncé qu’ils reviendront dans l’île, ensemble, mais aussi séparément, en répétant : « Les Corses attendent des résultats ». Nous attendons...
 
N.M.