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Urbanisme : La colère des maires du rural contre le millefeuille législatif qui plombe les PLU


Nicole Mari le Vendredi 31 Mars 2017 à 01:16

Loi Littoral, loi Montagne, Loi ALUR, Loi Grenelle, PADDUC… Les représentants des maires du rural, toutes tendances politiques confondues, ont demandé audience au président de l’Exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), Gilles Simeoni, pour exprimer leur raz-le bol devant le millefeuille législatif de protection de l’environnement qui freine, selon eux, la constructibilité sur leur commune et leur empêche de définir des plans locaux d’urbanisme (PLU). Pendant plus d’une heure et demi, ils ont expliqué les difficultés, souvent diverses, qu’ils rencontrent et obtenu l’aide de l’Exécutif pour lister les problèmes et agir à droit constant.



La baie de Girolata.
La baie de Girolata.
« On en a marre ! On ne peut plus rien faire ! ». C’est ce que sont venus dire, en substance, les maires du rural de toute l’île au président de l’Exécutif en marge de la session de l’Assemblée de Corse. Certains voulaient manifester devant les grilles de l’Hôtel de région, ceints de l’écharpe tricolore, pour alerter sur l’ampleur de leur mécontentement. Finalement, le pragmatisme a prévalu et ils ont opté, pour une demande d’audience et une discussion à bâtons rompus. En tête de la fronde, la présidente de l’Association des maires de Corse du Sud, Jocelyne Mattei-Fazi, et la mairesse de Piana, Pascaline Castellani. Cette dernière n’en est pas à son premier coup d’éclat sur ce sujet qui est, depuis longtemps, son cheval de bataille : « La superposition des lois empêche le développement de nos communes rurales. Principalement la loi ALUR, bien entendu la loi Littoral et la loi Montagne, enfin le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse). Tout cela mis ensemble donne une impossibilité de constructibilité dans les zones rurales ! S’il n’y a pas d’augmentation de la démographie, il n’y a pas de terrain constructible. Si pendant cinq ans, une zone rurale n’a pas d’habitant, on ne peut pas construire. Ça n’est pas possible ! ».
 
Un monstre à deux têtes
En désespoir de cause, les maires ont décidé de faire appel à Gilles Simeoni pour lui expliquer l’inextricabilité de leur situation. « Nous rencontrons des problèmes trop importants avec ces textes, qui sont empilés les uns sur les autres, pour établir nos cartes communales et nos documents d’urbanisme. Nous voulons lister tous les problèmes rencontrés par les maires, voir comment nous pouvons les régler et, au cas où il faudrait aménager certaines choses, les aménager. Le document d’urbanisme, c’est le développement de la commune ! Sans document d’urbanisme, nous ne pouvons pas développer ! », enchaine Jocelyne Mattei-Fazi. « Quand on vous dit que vous ne pouvez construire dans le rural qu’en vertical, nous, maires du rural, n’avons pas envie de construire des immeubles ! Si nous laissons faire, il y aura deux grandes villes, Ajaccio et Bastia, qui se développent de façon extraordinaire, c’est-à-dire un monstre à deux têtes ! Le rural mourra parce qu’il ne pourra plus construire ! Que va devenir le rural ? Le garde-manger des urbains ? La poubelle des urbains ? J’espère que non ! ».
 
Modifier la loi
Faut-il revisiter le PADDUC ? « Je ne sais pas ! Certains maires disent Oui, d’autres : Non ! Dans l’énoncé d’un problème, il y a la solution. Quand nous aurons énoncé tous nos problèmes, nous aurons la solution », affirme la présidente des maires du Sud.
Que peut faire un Exécutif régional face à des lois nationales ? Pour Pascaline Castellani, la réponse est simple : « Modifier la loi ! L’adapter pour la Corse parce qu’il faut permettre aux jeunes de s’installer dans le rural. La loi Littoral a été faite pour la Côte d’Azur, elle n’est pas applicable chez nous ! Elle permet à Ajaccio de se développer, à Porticcio de continuer à construire, mais ne permet pas à Piana de construire ! La CTC ayant la compétence Développement, on demande à l’Exécutif de nous dire quelle est sa vision de la Corse. Va-t-on développer les zones rurales ? Va-t-on continuer à développer les pôles urbains et abandonner le rural ? Je félicite l’Exécutif de l’obtention de la qualification Loi montagne, mais à quoi ça sert si on ne peut pas construire. On lui demande comment on fait et comment on sort de cet imbroglio ! ».
 
Traiter l’urgence
Pendant près d’une heure et demi, Gilles Simeoni a écouté avec attention les doléances, pris la mesure du problème et affiché sa compréhension. « Personne ne doute de la volonté des maires de développer leur commune et d’être au service de l’intérêt général. Il y a manifestement, aujourd’hui, des problèmes multiples, d’origine, de nature et d’intensité différentes, qui naissent de la juxtaposition de plusieurs textes, chacun d’entre eux émettant des limitations. Cette juxtaposition crée un environnement juridique parfois complexe et contraint et peut avoir des effets négatifs sur lesquels il faut réfléchir ». Il a promis son concours et proposé une méthodologie : « Nous sommes tombés d’accord pour, dans le cadre d’un dialogue entre les associations des maires et la CTC, dresser une typologie des principaux problèmes rencontrés, se donner les moyens de les traiter en fonction de l’urgence par rapport au calendrier d’élaboration des documents d’urbanisme, et voir quelles solutions peuvent être mises en œuvre ».
 
Des solutions à droit constant
Quelle est la marge de manœuvre de la CTC ? « La question est de savoir quels sont les problèmes qui peuvent être traités à droit constant, y compris au cas par cas, à travers, par exemple, l’interprétation de certains textes, la précision des règles qui découlent des différentes lois, une meilleure concertation entre les maires, les présidents des intercommunalités, la CTC et les services de l’Etat qui exercent un contrôle de légalité ». Si Gilles Simeoni accepte de mettre en place un panel d’actions « pour que les maires ne se sentent pas abandonnés face aux difficultés juridiques et techniques qu’ils peuvent rencontrer », il n’entend pas revenir sur « les principes fondamentaux de protection et les objectifs de développement qui sont, pour nous, essentiels ». Les maires sont sortis rassérénés de l’entretien, qualifié de positif : «  Il faut respecter les élus. Ici, ça se fait, je suis optimiste ! Si je ne l’étais pas, je ne serais pas maire », conclut, tout sourire, Jocelyne Mattei-Fazi.
Affaire à suivre…
 
N.M.