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Une politique pénale spécifique pour endiguer les assassinats


Nicole Mari le Mardi 27 Novembre 2012 à 00:25

La ministre de la justice, Christiane Taubira est venu, au Tribunal de Bastia, lundi matin, expliquer la circulaire de politique pénale spécifique à la Corse. Cette circulaire, qui s’adresse aux magistrats, gendarmes et policiers, entend manifester la volonté du gouvernement de lutter efficacement contre les assassinats et la criminalité organisée en affichant des priorités et quatre grands axes d’action. Décryptage.



Une politique pénale spécifique pour endiguer les assassinats
 
« La criminalité en Corse présente des caractéristiques singulières... La violence et l'affairisme ont atteint dans l'île un niveau sans commune mesure avec les autres régions françaises, qui menace les fondements mêmes de la société ». C’est en ces termes que la garde des Sceaux, Christiane Taubira, débute son explication de texte de la circulaire de politique pénale spécifique qu’elle vient d’édicter pour la Corse. S’appuyant sur la circulaire de politique pénale nationale définie le 19 septembre dernier et dans la lignée de celle de Marseille, la circulaire insulaire fixe des objectifs de politique pénale et les moyens de les atteindre. Elle constitue un volet important du plan gouvernemental de rétablissement de la sécurité et « la réponse la plus efficace à ces assassinats qui endeuillent les familles et la société ». Elle s’articule autour de quatre axes d'action.
 
Lutter contre les meurtres liés à l’affairisme
Le premier est de « prévenir les assassinats en luttant contre l'affairisme et la délinquance économique et financière par les moyens préventifs et répressifs appropriés ». Etablissant un lien entre certaines activités économiques et certains assassinats, la Garde des Sceaux fixe une attention particulière sur certains secteurs qui seraient au cœur d’enjeux importants en Corse, sur le continent et à l’étranger. « Intérêts suscités par la pression spéculative en Corse en matière foncière et immobilière, mainmise sur le monde de la nuit et des machines à sous dans la région d’Aix-Marseille et sur les cercles de jeux parisiens, mais également intérêts traditionnels du banditisme corse dans les domaines du jeu, voire du trafic de stupéfiants en Afrique centrale et en Amérique du Sud », précise-t-elle.
 
Saisie des avoirs criminels
Déterminée à identifier les avoirs criminels, la Garde des Sceaux prône des rencontres régulières entre les procureurs et les « acteurs de la régulation de la vie économique locale » en vue d’obtenir des déclarations de soupçon ou des signalements et d’opérer la saisie des avoirs. « Une attention particulière sera portée à la lutte contre le blanchiment des fonds et les extorsions dans les secteurs d'activité économique qui y sont propices (immobilier, sécurité, jeux, bâtiment et travaux publics et sport) », indique la circulaire. Cette mission sera confiée au GIR (Groupe d’intervention régional), qui s’occupera notamment de la détection des opérations foncières ou immobilières suspectes.
 
Protection des témoins
Le 2ème axe est de « rechercher la plus grande efficacité judiciaire en favorisant un meilleur taux d'élucidation des affaires, une réponse pénale plus rapide et une action judiciaire mieux protégée ». Pour cela, les magistrats du Parquet pourront, si besoin, utiliser les possibilités offertes par le code de procédure pénale en matière de co-saisine des services d'enquête. Un bureau des enquêtes déterminera les juridictions à saisir en fonction des affaires et la répartition des tâches et des responsabilités de chacun. Il s’agit, ensuite, de protéger la réponse judiciaire et de l’adapter aux situations. « La justice doit exercer sereinement son action sans qu'aucune suspicion ne pèse sur son impartialité ». Les procédures pourront être renvoyées d'une juridiction à une autre si besoin. « L'action de la justice et de ceux qui y contribuent, auxiliaires, victimes ou témoins, doit être protégée », notamment par le témoignage sous X.
Christaine Taubira demande également que les décisions pénales et administratives soient exécutées pour la crédibilité de l’institution judiciaire.
 
Améliorer la réponse judiciaire
Le 3ème axe est « d’améliorer la coordination des enquêtes et la réponse judiciaire » par la création d’une instance de coordination judiciaire, dont la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) de la Chancellerie assurera l'animation et le secrétariat. Le Procureur général pilotera la stratégie régionale. Sera mis en place un outil de suivi des dossiers corses. Le Pôle financier sera doté de moyens plus importants et renforcé avec l’arrivée d’un vice-président à l’instruction et d’un substitut.  
Le 4ème axe est « d’améliorer l'articulation avec l'autorité administrative », notamment les relations avec les présidents de la chambre régionale des comptes, de la juridiction administrative et des services financiers et fiscaux. Un comité stratégique régional d'échange et de coordination en matière de lutte contre la délinquance économique et financière doit être rapidement mis en place.
 
Des dossiers plus solides
Cette politique pénale spécifique définit donc une stratégie de lutte contre le crime qui mobilise l'ensemble des services et fait converger les moyens, les dispositifs et les priorités. Le but est « de gagner en efficacité, d’arriver en audience avec des dossiers solides pour que la décision de justice puisse s’appliquer et d’augmenter le taux d’élucidation des affaires ». Christiane Taubira conclut en affirmant qu’un certain nombre d’affaires criminelles arriveront en jugement au cours de l’année 2013.
 
N.M.