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Tourisme en Corse : la nouvelle donne


Jacques RENUCCI le Mardi 17 Septembre 2019 à 18:28

Chaque saison touristique est marquée par des paramètres extérieurs. Cette année, on doit tenir compte de l'effet canicule et de l'effet gilets jaunes



Tourisme en Corse : la nouvelle donne

Le tourisme est-il une activité spécifique, qui nécessiterait une gestion centralisée et autonome ? Les collectivités locales, les régions comme les maires, et les professionnels du secteur le pensent. Mais pour le pouvoir central, il en va tout autrement, au motif que dans le tourisme se superposent plusieurs pans de l'économie globale et de l'aménagement du territoire.


Ainsi, c'est un secrétaire d’État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères qui est chargé du commerce extérieur, de la francophonie – et enfin du tourisme. Ceux qui depuis longtemps souhaitent un ministère dédié ont été en partie entendus, en petite partie : ils participent deux fois par an à un conseil de pilotage du tourisme, qui dresse des bilans de fréquentation et, à partir de la collecte d'analyses et de statistiques, réfléchit aux évolutions de l'activité dans le sens de l'efficacité. Mais la pratique touristique, dans sa diversité, est plus compliquée que des directives au tableau noir ou un catalogue de bonnes intentions. Si le tourisme était une science, celle-ci serait des plus aléatoires.


De saison en saison, la Corse en fait l'expérience.
Pourtant, tout paraît simple en apparence. Lorsqu'en juin 2015 Laurent Fabius inscrivait la Corse dans la liste des « contrats de destination », la feuille de route incitait à l'optimisme : il fallait créer des outils de promotion forts et innovants, se concentrer sur une ou deux thématiques porteuses et éviter la dispersion, choisir les « marchés ciblés » correspondant aux clientèles visées en priorité.

 

L'effet « gilets jaunes »
Cette « marque territoire », fondée pour l'île sur la mise en avant de l'identité, avait du sens et elle en a encore aujourd'hui. Mais, sur le terrain, on n'est jamais à l'abri d'une conjoncture, d'un événement, d'une surprise, voire d'une simple humeur, et cela dans un sens comme dans l'autre. Lorsqu'il y a fléchissement de fréquentation, amorce de désaffection, on cherche les raisons, quand ce n'est pas les coupables. Quoi ou qui accuser ? Si le début de saison a été en demi-teinte, on met en avant la canicule qui a poussé les vacanciers vers le Nord et l'Ouest. On dénonce aussi le coût excessif des transports, dont le caractère dissuasif incite à aller chercher ailleurs la mer et le soleil, pour ceux qui ne s'en tiennent qu'à ça. Il existe aussi d'autres destinations qui misent sur l'authenticité, et qui sont bien moins chères.


Même si cela a joué, les visiteurs sont quand même venus en nombre. Mais où sont-ils passés ? se demandent certains. Et d'accuser toute une économie parallèle – les amateurs du tourisme jouant contre les professionnels du tourisme - de détourner les touristes de leurs postes de dépenses balisés, hôtels et restaurants par exemple, pour les engager sur des chemins de traverse aussi fructueux qu'incontrôlables – ou incontrôlés, ce qui revient au même.


Cela vaut pour toutes les périodes estivales, dira-t-on. Mais cette année, les analystes mettent en avant une donnée supplémentaire : l'effet « gilets jaunes » - d'autant plus sensible que 70% des touristes choisissant la Corse viennent de la France continentale. Si partir en vacances constitue un « marqueur social », les incertitudes sur l'avenir et l'affichage de la précarité de leur situation ont pesé dans la balance chez ceux qui avaient des hésitations : c'est sur le budget tourisme que l'on fera des économies. Les ronds-points auront eu au moins un mérite, celui de décomplexer la pauvreté. Désormais, si on n'a pas les moyens, on ne s'en cache plus.


(Photo Michel Luccioni)
(Photo Michel Luccioni)