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Tourisme : Les paillotes sur les plages urbaines pourraient rester ouvertes toute l’année


Nicole Mari le Lundi 3 Avril 2017 à 23:38

Comment régler le problème des paillotes ? L’Assemblée de Corse s’est penchée sur une partie de la question, la semaine dernière, en adoptant un rapport proposé par Marie-Antoinette Maupertuis, conseillère exécutive et présidente de l’Agence du tourisme (ATC). Ce vote, qui a suscité un débat assez vif avec l’opposition, demande une adaptation règlementaire pour étendre la période d’ouverture des établissements de plage situés en zone urbaine. Il intervient au moment où de nombreux exploitants de paillote ont reçu un courrier de la Préfecture leur demandant de s’engager à détruire leur paillote en dur et de la remplacer par une structure démontable, sous peine de ne plus obtenir d’AOT, autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime. La présidente de l’ATC explique, à Corse Net Infos, que cette demande de dérogation permettrait de trouver une solution pour les paillotes situées sur les plages urbaines.



Tourisme : Les paillotes sur les plages urbaines pourraient rester ouvertes toute l’année
- Quelle solution avez-vous trouvé au problème des paillotes ?
- Ce rapport n’a pas vocation à régler tous les problèmes, à refaire le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), à régler le problème des paillotes… Pas du tout ! Il vise à une adaptation règlementaire d’un texte qui permet de garder les établissements de plage ouverts un peu plus longtemps, au-delà des six mois règlementaires. Cette ouverture peut atteindre jusqu’à 8 mois dans une commune ou une station touristique. Mais, pour être commune ou station touristique, il faut respecter certains critères, notamment offrir 200 chambres hôtelières classées, ouvertes de début décembre à fin mars. Or, très peu de communes en Corse ont cette capacité d’offre. Seules Ajaccio et Bastia peuvent répondre à ces critères-là. L’idée est de faire modifier par le gouvernement le critère de 200 chambres en hôtels classés pour descendre à 100 chambres, tous hébergements confondus dans la commune ou l’intercommunalité qui, aujourd’hui, est compétente en matière de tourisme.
 
- Quel serait l’impact sur les paillotes ?
- Les paillotes, localisées dans les zones urbaines ou dans ces communes ou stations touristiques, auraient la possibilité de rester ouvertes un peu plus longtemps : huit mois si si la commune est classée touristique, toute l'année si la commune est classée station touristique. Cela ne règle pas tout. Cela règle un problème, celui de la période d’ouverture des paillotes situées en zone urbaine dans des communes classées, donc cela règle le problème du démontable. Ces établissements pourraient être non démontés au bout de six mois.
 
- Pourquoi seulement en zone urbaine ?
- Le PADDUC reconnaît quatre séquences de plage : les plages urbaines, les plages semi-urbaines, les plages naturelles fréquentées et les plages naturelles. Sur les trois dernières, la loi Littoral s’applique avec la bande des 100 mètres inconstructibles, l’obligation pour les paillotes d’obtenir une AOT, une autorisation temporaire d’occupation du domaine public maritime (DPM), et d’être démontées au bout de six mois.
 
- Là, ne pouvez-vous rien faire ?
- Non ! On ne peut pas aller contre la loi Littoral. Seules, les zones urbaines bénéficient de ce texte que je cherche à amender. C’est un bon texte, sauf qu’il faut répondre aux critères.

- Les exploitants viennent de recevoir un courrier de la Préfecture leur demandant de détruire leur bâtiment en dur. Qu’en pensez-vous ?
- Au-delà de la législation qui doit s’appliquer, plusieurs problèmes se cumulent : la question de la fin de concession dans certaines communes et des bâtisses construites antérieurement. La concession arrivant à échéance, l’Etat applique la législation sur les constructions de bâtisses qui ne doivent plus être en dur, mais en démontable. La question de l’absence de PLU (Plan local d’urbanisme) dans plusieurs communes qui, de ce fait, n’ont pas prévu de localiser les paillotes. Un PLU peut le prévoir. Ces établissements se retrouvent dans une grande insécurité juridique. Pendant cette période transitoire, dans l’attente d’avoir des PLU et une articulation parfaite entre PLU et PADDUC, ils fonctionnent sous le régime des AOT. L’activité économique est soumise à leur obtention. Tous les ans, ces exploitants ont une épée de Damoclès au dessus de leur tête parce que, comme la loi le prévoit, ils n’ont qu’une autorisation de six mois.

Marie-Antoinette Maupertuis, conseillère exécutive et présidente de l'ATC.
Marie-Antoinette Maupertuis, conseillère exécutive et présidente de l'ATC.
- Que proposez-vous ?
- L’idée serait d’avoir, à terme, des concessions du DPM dans plusieurs communes. La solution serait que des communes, autres que l’île Rousse et Calvi, obtiennent des concessions du DPM et qu’elles sous-concèdent des AOT dans une perspective temporelle plus longue. Une concession peut durer 10 à 12 ans, mais on n’en est pas là ! D’une part, la réflexion en matière d’urbanisme n’a pas été assez poussée. D’autre part, l’Etat n’accorde les AOT qu’au fur et à mesure. C’est très difficile pour un exploitant de se projeter dans le futur, de faire des investissements, de savoir s’il va garder son chef cuisinier, ses plagistes, si l’année d’après, il pourra rouvrir.… En économie, on a besoin d’avoir de la visibilité. A cette incertitude dans le temps, vient se rajouter la destruction des bâtiments en dur.
 
-  L’opposition de droite rejette la faute sur le PADDUC et vous taxe de schizophrénie. Que lui répondez-vous ?
- Cela n’a rien à voir avec le PADDUC ! C’est un faux sujet qui est lancé par l’opposition ! Un établissement de plage, comme tout autre établissement, doit respecter les codes de l’urbanisme et de la construction, des règles en matière d’implantation, d’assainissement, d’accueil du public, de paysage… et bien évidemment le PADDUC. Nous sommes pour la protection de l’environnement et pour l’application stricte du PADDUC, en tous cas à l’heure actuelle même s’il peut y avoir une révision au terme de cinq ans. Nous sommes, aussi, pour que les communes établissent un PLU et prévoient où seront implantés leurs établissements de plage. La loi habilite le PADDUC à réfléchir à des séquences de plages, ce qui a été fait !
 
- Le PADDUC est-il contre les paillottes ?
-  Pas du tout ! Au contraire ! Le PADDUC prévoit l’existence de paillotes sur les plages urbaines et semi-urbaines, mais considère que ce sont des structures non-permanentes. On ne peut pas construire en dur, parce que, sur le DPM, la loi Littoral l’interdit ! Les communes peuvent utiliser leur capacité à faire bouger la limite entre plage urbaine et plage semi-urbaine, qui peut évoluer au cours du temps. Rien n’est figé. On le voit bien ! Les grandes tempêtes ont causé, cette année, une érosion massive du littoral. Le DPM et la bande des 100 mètres ont profondément bougé. En Plaine Orientale, surtout à Penta-di-Casinca, 80 mètres de plage ont disparu. La nature change, la démographie évolue. Les communes devront, à un moment donné, tenir compte de ces éléments-là. La Collectivité territoriale (CTC) aussi. Il faut dépassionner le débat !
 
- A l’inverse, le Front de Gauche taxe la dérogation de « première entorse au PADDUC » et craint « un phénomène de contagion pour atteindre les zones non-urbaines ». Est-ce un risque ?
- Non ! A charge à ceux qui sont aux responsabilités à l’échelle communale et intercommunale et à la CTC de faire en sorte qu’il n’y ait pas de phénomène de propagation. On ne règle pas le problème de la même façon lorsqu’on est en zone urbaine ou lorsqu’on est en zone naturelle ou en zone naturelle fréquentée. Ce ne sont pas les mêmes niveaux de contraintes et de protection. Ce ne sont pas non plus les mêmes patrimoines à protéger. A la fois, les éléments spéciaux et les éléments temporels sont différents. Il faut faire preuve de responsabilité, de modération, et traiter un certain nombre de choses en fonction d'estimations qu’il faut réajuster régulièrement.
 
- Pensez-vous obtenir cette dérogation ?
- Je l’espère ! Faire une adaptation législative aurait été compliquée. D'abord parce qu’on est en période électorale et que le Parlement est en veille. Par contre, la CTC a la capacité d’adapter certains règlements à la réalité de la Corse. Ce règlement, en l’occurrence, est inadapté à la Corse. L’Assemblée de Corse a adopté la demande de dérogation à l’unanimité des votants, les Communistes n’ayant pas participé au vote. Ce vote à l’unanimité nous permet de négocier en force auprès du gouvernement et de faire entendre nos arguments qui ne sont ni partisans, ni corporatistes, mais des arguments pondérés, fondés sur des estimations avérées de capacité hôtelières. La Corse a besoin d’un règlement adapté à sa réalité.
 
- Concrètement, que va-t-il se passer maintenant ?
- La délibération de l’Assemblée de Corse sera envoyée, très probablement, au ministère de l’environnement et au secrétariat d’Etat au tourisme. Comme il s’agit du DPM, c’est-à-dire du Code général de la propriété des personnes publiques, le ministère de l’environnement traitera le dossier. Il nous contactera pour demander des informations complémentaires. J’espère qu’il acceptera cette petite demande d’adaptation. Je sais que d’autres demandes ont échoué dans différents domaines, j’espère que, sur ce point, le gouvernement donnera un signal fort qui peut être très bien perçu par les Corses et la profession, sachant que le tourisme représente 24 % du PIB (Produit intérieur brut) de notre île.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.