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Théâtre de Bastia : Une prochaine saison résolument couleur locale


Nicole Mari le Vendredi 27 Juin 2014 à 23:34

Changement de ton et de style pour la présentation de la nouvelle saison théâtrale bastiaise 2014-2015 qui, pour la première fois, fait la part belle à la création insulaire et à la langue corse. 28 spectacles seront à l’affiche, dont 9 in lingua nustrale. Une programmation très éclectique avec 10 pièces de théâtre, 9 concerts principalement de musiques actuelles, 3 spectacles de danse et 4 destinés à un public jeune. La vente de billets en ligne sera ouverte en septembre prochain. Explications, pour Corse Net Infos, de Mattea Lacave, adjointe déléguée à la culture à la mairie de Bastia.



Mattea Lacave, adjointe déléguée à la culture à la mairie de Bastia, entourée d'artistes corses.
Mattea Lacave, adjointe déléguée à la culture à la mairie de Bastia, entourée d'artistes corses.
- Qu'est ce qui change dans cette nouvelle programmation théâtrale ?
- D'abord la présentation. Nous avons voulu y associer les artistes corses et tous les Bastiais pour qu'ils s'emparent de la programmation et aient le loisir d’y réfléchir pendant l’été. Au delà des affiches médiatiques, cette présentation permet un regard différent sur des spectacles moins connus, mais de grande qualité. J'en profite pour remercier tous les abonnés qui font l'effort de prendre des abonnements.
 
- Ce show de présentation, inédit, sur la scène du théâtre avec les artistes corses, confirme-t-il le nouveau ton, plus fun, de la nouvelle municipalité ?
- Tout à fait ! Depuis le début du mois de juin, nous initions la démarche participative que nous avons promise. Nous voulons porter l'information au cœur de la population. Le théâtre est un lieu de vie. Il est normal que nous présentions cette nouvelle saison avec tous ceux qui ont eu le temps et l'envie d'y participer.
 
- Sur le fond, quels changements apportez-vous ?
- Nous sommes arrivés au mois d'avril, les engagements étaient déjà pris, mais nous avons essayé d'impacter dans le sens de la délégation qu'a bien voulu me confier le maire, Gilles Simeoni, c'est-à-dire la culture, l'ouverture sur le monde méditerranéen et la langue corse. Nous avons, donc, demandé à la programmatrice, Frédérique Flori, de travailler sur une augmentation de la production locale et de la production en langue corse. Elle y a répondu. Je suis émue de constater la qualité et la diversité proposées dans ce cadre-là.
 
- C'est-à-dire ?
- Par exemple, l'opéra La Traviata est dirigé par le chef d'orchestre cap-corsin Robert Girolami et interprété par une cantatrice corse et des musiciens issus du Conservatoire de Bastia. En théâtre, le 9 mai 2015, l’histoire de Romeo et Juliette revisitée par U Teatrinu entre le Puntettu et le Vieux-Port, Caligula d’Unita Teatrale en novembre ou Sarà ghjuntu Cristu in Corsica de Toni Casalonga en février sont des spectacles de qualité. D'autres, comme celui de Barbara Furtuna et d'A Filetta au printemps prochain ou Montedidio d'Orlando Furioso en décembre, sont ancrés dans le monde méditerranéen.
 
- C'est la 1ère fois qu'autant de groupes corses sont programmés. Certains ne se sont jamais produits sur la scène du théâtre. Y aura-t-il des quotas insulaires ?
- Cette année, nous avons vraiment voulu donner un signe fort. Mais, il n'est pas question de quotas. Peut-être l'an prochain, ce sera différent... Ce que nous recherchons est de promouvoir notre langue, la création locale et, au-delà, la création du théâtre de Bastia. Nous envisageons, dans un avenir très proche, d'installer des résidences d'artistes qui viendront, aussi, de Méditerranée et du continent pour offrir d’autres aspects de la création.
 
- Qu'appelez-vous résidence ?
- Aujourd'hui, ce sont plutôt des grandes répétitions créatives. Nous allons travailler sur des résidences d'artistes d'une durée d'un ou deux mois, surtout lorsque sera livré le nouvel outil culturel des quartiers Sud.
 
- Vous donnez déjà des cartes blanches à des artistes corses…
- Oui ! Deux cartes blanches musicales et in lingua corsa sont données : le 6 mars à Diana Saliceti et le 18 avril à Patrizia Poli. La programmation est assez féminine ! On leur fait confiance pour nous porter là où elles voudront bien nous emmener.
 
- Quels sont les temps forts de la programmation locale ?
- Il y en a beaucoup ! Le 20 mars, À Filetta et leur spectacle Danse, Mémoire, Danse. Le 24 mars, le groupe Arapa et leur concert présenté à l'Olympia en octobre 2013. Le 30 avril, Barbara Furtuna avec un spectacle concocté pour cette occasion. Dés le mois de septembre, pour ouvrir la saison, un spectacle étonnant Cors’Odissea sur un texte écrit par Marie Ferranti, qui mêle divers arts dont une exposition d'arts contemporains, les voix polyphoniques d'I Campagnoli, les performances vidéos d'Ange Leccia et la poésie de Jacques Fusina dans une mise en scène de Paul Grenier. Ce spectacle interdisciplinaire, tout à fait innovant et complet, est appelé à tourner en Corse et, j'espère, en Méditerranée.
 
- Qu'en est-il du reste de la programmation ?
- Nous avons programmé six grandes pièces avec notamment deux classiques de Molière : Le Misanthrope avec Julie Depardieu et L’Avare avec Jacques Weber (24 avril). Ce sont des commandes de professeurs de lettres de la ville qui ont besoin de montrer à leurs élèves la mise en scène de textes classiques présentés au Baccalauréat. Egalement, Mensonges d’Etat avec Samuel Le Bihan, Inconnu à cette adresse avec Thierry Lhermite et Patrick Timsit, La contrebasse avec Clovis Cornillac et Le Placard de Francis Weber avec Elie Seimoun. Ces pièces, à l’affiche à Paris, sont connues et de grande qualité.
 
- Que proposez-vous au niveau musical ?
- Une programmation renforcée en musiques actuelles avec, en janvier 2015, La face cachée de la Lune qui fera revivre « Dark side of the moon », l’album légendaire des Pink Floyd. Puis, trois jeunes femmes : en avril, la capverdienne Mayra Andrade dans le cadre du festival Jazz Equinoxe, en mai, Camelia Jordana avec son prochain album et Jeanne Cherhal. Là, aussi une programmation très féminine et très jeune ! Au niveau de la danse contemporaine, toujours le Collectif Art Mouv’/Zone libre qui proposera un très intéressant travail sur le patrimoine et l’identité, mais aussi les ballets Preljocaj et les ballets de Biarritz.
 
- Autre nouveauté : la vente d’abonnements en ligne. Quand sera-t-elle ouverte ?
- Nous venons d’acheter le fameux logiciel de billetterie électronique. A partir du mois de septembre, les Bastiais n’auront plus à se lever à 5 heures du matin pour faire la queue, ils pourront s’abonner directement en ligne. Le système de billetterie classique demeure, car le contact avec les personnels administratifs du théâtre est primordial. Quand on hésite entre une pièce ou une autre, ils peuvent conseiller et répondre aux questions. Dans les prochaines années, nous réfléchirons à modifier le système d’abonnements.
 
- Faut-il s’attendre à d’autres changements ou surprises pour les prochaines saisons ?
- Nous l’espérons ! Nous avons donné les grands axes. Mais, rien n’est écrit dans le marbre. En matière de culture, on ne peut pas être figé ! Si, d’un côté, nous promouvons la langue corse, de l’autre côté, nous sommes favorables à une ouverture vers des œuvres de qualité. Nous menons une réflexion au-delà de la programmation. Le théâtre n’est pas seulement un lieu de diffusion, il doit devenir un lieu de vie. Nous devons avoir un projet plus ambitieux avec, par exemple, la possibilité de rester sur place après un spectacle, de pouvoir en discuter autour d’un verre. Il y a, également, des salles à rénover et la pratique individuelle à développer. La programmation du théâtre fera partie d’une politique culturelle globale, d’un ensemble beaucoup plus complet que nous proposerons aux Bastiais dans les six mois à-venir.
 
- Continuerez-vous la démarche engagée par l’ancienne municipalité sur le label de scène nationale ?
- Nous ne sommes pas absolument fermés au concept de scène nationale. Nous avons, d’abord, d’énormes interrogations sur la place réservée à la production locale et en langue corse dans le cahier des charges très contraint qu’est celui de la scène nationale. Ensuite, nos craintes sur le financement n’ont pas été levées. Il semblerait que l’Etat se désengage complètement de cette affaire. Nous allons, très prochainement, organiser une réunion avec les services de la collectivité territoriale pour voir ce qu’il en est de leur côté. Et ce n’est qu’après que nous prendrons une décision collégiale avec l’arbitrage du maire sur le sujet.
 
Propos recueillis par Nicole MARI
 

Frédérique Flori, responsable de la programmation culturelle, et Mattea Lacave, adjointe déléguée à la culture à la mairie de Bastia.
Frédérique Flori, responsable de la programmation culturelle, et Mattea Lacave, adjointe déléguée à la culture à la mairie de Bastia.