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Patrimoniu : Le vignoble bientôt classé ?


Nicole Mari le Mardi 12 Novembre 2013 à 20:54

Un bon cru 2013 pour les vignerons de Patrimoniu et toujours plein de projets dans les fûts : le développement du tourisme œnophile, un passage à la culture Bio, une bouteille spéciale Patrimoniu et surtout le classement patrimonial de la totalité du vignoble. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean-Laurent de Bernardi, vigneron et président du syndicat de promotion et de défense des viticulteurs de l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) Patrimoniu.



Jean-Laurent de Bernardi, vigneron et président du syndicat de promotion et de défense des viticulteurs de l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) Patrimoniu.
Jean-Laurent de Bernardi, vigneron et président du syndicat de promotion et de défense des viticulteurs de l’AOC (Appellation d’origine contrôlée) Patrimoniu.
- Quel bilan tirez-vous des vendanges, cette année, à Patrimoniu ?
- Les vignerons s’attendent à un très bon millésime. Les vendanges sont revenues à un état normal. Ces 10 ou 15 dernières années, elles étaient de plus en plus précoces avec des maturations violentes qui déséquilibraient les vins. Cette année, on est revenu aux vendanges d’antan avec des maturations plus lentes et plus régulières. Quand les choses se passent de cette façon, les vins ont tendance à être mieux équilibrés et de meilleure facture.
 
- La production est meilleure en qualité. Est-elle aussi plus importante en quantité ?
- Oui. Mais, c’est relatif. Cette année, la production est plus importante parce que celle de l’an dernier était très faible. Par rapport à la moyenne des années, la production est normale.
 
- Le syndicat AOC Patrimoniu est très actif. Sur quel projet travaillez-vous ?
- Notre gros projet est d’orienter l’Appellation d’origine contrôlée vers ce qu’on appelle, aujourd’hui, le tourisme œnophile. Pour cela, de nombreuses actions ont été mises en place par le syndicat AOC Patrimoniu avec la commune de Patrimoniu et d’autres communes environnantes de l’aire d’Appellation. D’autres projets sont en cours.
 
- Lesquels ?
- Les projets ont débuté avec la création en 1998 de la fête de la San Martinu sous sa forme actuelle puisque San Martinu a toujours été fêté à Patrimoniu. Une Route des vins avec sa signalétique a été inaugurée en juillet 2000. Une Maison des vins a été construite à Patrimoniu, il faut maintenant la mettre en mouvement et la faire fonctionner. A la dernière assemblée générale du syndicat AOC, nous avons entériné une bouteille Patrimoniu, qui est cours de fabrication et qui sera commercialisée dès la prochaine saison.
 
- Qu’est-ce que cette bouteille ?
- C’est une bouteille logotisée Patrimoniu, qui sera utilisée par la plupart des 33 vignerons AOC. Nous avons voulu remettre en avant le nom du terroir en le gravant sur la bouteille.
 
- L’ODARC ne vient-il pas, en plus, d’ouvrir la Route des sens ?
- Oui. Cette Route des sens s’est juxtaposée à la Route des vins et englobe, aussi, en dehors de la viticulture, les agriculteurs, les oléiculteurs, les apiculteurs…
 
- La tendance de fond de la viticulture est le passage au Bio. Qu’en est-il pour l’AOC Patrimoniu ?
- Nous avons l’ambition de faire passer la totalité du vignoble de Patrimoniu en mode de culture biologique. Actuellement, sur 33 vignerons, 15 sont déjà, soit en conversion biologique, soit en certification biologique.
 
- Pourquoi ce choix ?
- Le Bio est, d’abord, une philosophie, la volonté de cultiver proprement, de préserver les sols et d’éviter de détruire ce que la nature nous donne en n’utilisant ni pesticides, ni produits chimiques. L’important n’est pas seulement de posséder un terroir, mais surtout de le préserver. En employant de mauvaises méthodes de culture, on le tue. Il faut, donc, le préserver par des méthodes culturales qui ne l’agressent pas. Le Bio, aujourd’hui, a, aussi, dans un contexte de pollution des sols et de changement climatique, un intérêt commercial. La demande de plus en plus forte des consommateurs peut favoriser le passage en culture Bio, notamment sur du haut de gamme. Plus on paye cher un vin, plus on désire qu’il soit naturel.
 
- N’est-ce pas, néanmoins, utopique ou risqué de passer au Tout Bio ?
- Non. Pour quatre raisons. D’abord, il est plus aisé de faire du Bio à Patrimoniu que dans d’autres régions car la position géographique des vignobles les préserve de nombreuses maladies. Les terres sont ventilées et la proximité du golfe de Saint Florent assainit les récoltes. Dans mon vignoble, je suis passé en Bio sans efforts financiers, ni inquiétudes. Ensuite, les jeunes viticulteurs, qui s’installent, ont une idée, une vision, une culture du Bio que n’avaient pas les Anciens. L’intérêt financier joue aussi. Enfin, le Bio est de plus en plus demandé partout, les industriels ne voudront pas perdre de parts de marché et s’orienteront de plus en plus vers ce type de produits. Ce qu’ils ont, d’ailleurs, déjà, commencé à faire.
 
- Avez-vous d’autres projets en cours ?
- Oui. Pour chapeauter toutes ces actions, nous travaillons sur un autre gros projet : le classement du vignoble Patrimoniu à l’inventaire du patrimoine national.
 
- Qu’est-ce que ce classement apporterait ?
- Déjà, une protection accrue des terroirs agricoles. Si le vignoble est classé, les terrains situés en zone agricole ne pourront plus passer en zone constructible. Les agriculteurs pourront continuer à bâtir sur ces zones, mais en suivant un cahier des charges et sans porter atteinte aux sites paysagers. Le but n’est pas de geler des terres, mais de faire du développement durable et de pérenniser une activité et des valeurs. C’est une garantie pour les jeunes car notre objectif est de préserver un outil de travail, de protéger un terroir et de sauvegarder un patrimoine à transmettre aux générations futures.
 
- Combien de communes sont concernées ?
- Six communes font parties de la zone. Les trois communes principales, qui sont totalement incluses dans la zone, sont favorables au classement : Patrimoniu, Barbaggio et Poggio d’Oletta. Elles constituent la force de frappe qui nous permettra, très bientôt, je l’espère, d’obtenir le classement définitif. Les autres, Saint Florent, Oletta et Farinole, sont touchées à la marge, mais, vue l’énorme pression foncière sur la région, ne sont pas, toutes, bien disposées.
 
- Quand le classement devrait-il intervenir ?
- Il devrait déjà l’être ! Il a été entériné, à la fois, par le Conseil régional des sites à l’unanimité et par le Conseil national des sites avec 15 voix pour sur 17 et 2 abstentions. Nous attendons, maintenant, le décret d’application du Conseil d’Etat qui aurait, déjà, du intervenir. Nous pensions pouvoir annoncer le classement lors de la San Martinu. Nous espérons qu’il ne tardera plus.
 
Propos recueillis par Nicole MARI