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Parc naturel marin di Capicorsu è di l’Agriate : Top départ des premières actions concrètes !


Nicole Mari le Mardi 7 Novembre 2017 à 22:54

Moins de 15 mois après sa création officielle par décret, u Parcu naturale marinu di Capicorsu è di l’Agriate (PNMCCA) est dans les starting-blocs. Le budget est bouclé. L’équipe de gestion, composée de dix personnes, dont quatre agents sur le terrain, est opérationnelle. Le Conseil de gestion, qui s’est tenu lundi à Luri, a validé un certain nombre d’actions concrètes à entreprendre sur ce territoire vaste de 6 830 km² en bordure de 27 communes, qui est le plus grand parc naturel marin de métropole. Parmi ces actions : une meilleure cartographie, une étude socioéconomique, un travail sur la toponymie et un projet d’aires marines éducatives. Des questions ont été soulevées, comme le respect de la réglementation, les drones, la pêche, le recrutement local ou le très polémique siège de la Maison du parc. Explications, pour Corse Net Infos, de Maddy Cancemi, directrice déléguée.



La côte Ouest d'u Parcu naturale marinu di Capicorsu è di l’Agriate, entre San Fiurenzu et Centuri.
La côte Ouest d'u Parcu naturale marinu di Capicorsu è di l’Agriate, entre San Fiurenzu et Centuri.
- Peut-on dire qu’u Parcu naturale marinu di Capicorsu è di l’Agriate, c’est parti ?
- Oui ! C’est effectivement parti ! Désormais, nous avons un budget, une équipe et nous pouvons commencer à mener des actions concrètes que nous venons de présenter au bureau du Parc marin et qui ont été validées. Des actions sur la cartographie fine des habitats pour nous donner une meilleure connaissance du milieu et nous permettre de prendre les bonnes mesures de gestion avec les maires et les services de l’Etat concernant, par exemple, des baies fréquentées ou des impacts sur les habitats benthiques qui sont importants. Nous travaillerons, aussi, sur une étude socioéconomique pour avoir un point zéro de l’économie du territoire du parc. Nous nous appuierons, dans un premier temps, sur des études, qui ont déjà été réalisées dans d’autres parcs marins, pour, ensuite, évaluer et définir l’activité économique au sein du parc di Capicorsu et, peut-être même, faire des projections pour le futur. Nous mènerons, aussi, une action sur la valorisation et la définition de la toponymie.
 
- Au niveau de la langue corse ?
- Oui ! La langue corse a une importance particulière. C’est un moyen de véhiculer des messages auprès de la population. Nous travaillerons sur la toponymie des lieux aussi bien marins que littoraux.
 
- Est-ce pour redonner les vrais noms de lieux ?
- Absolument ! Certains noms de lieux ont été complètement changés. Un exemple : des clubs de plongée rebaptisent souvent un site pour des raisons commerciales. Dans le Sud de l’île, dans la réserve naturelle des Lavezzi, le sec du Pellu est un site de plongée très connu dans le monde entier, mais sous le nom de Mérouville qui lui a été donné parce qu’il abrite une importante population de mérous. C’est cette situation que l’on voudrait éviter en redonnant aux noms de lieux, leur nom d’origine.
 
- Vous parlez d’impact socio-économique. En quoi un parc marin peut-il être générateur de développement ?
- Ce qui est tout à fait étonnant, c’est que le seul fait de créer un espace protégé l’est déjà en soit ! Rien que le nom « espace protégé » attire ! Les personnes, qui arrivent sur un territoire protégé, veulent savoir ce qu’il s’y passe. C’est mécanique ! Ensuite, les espaces protégés peuvent apporter de nombreuses propositions d’économie durable. Plein d’activités sportives, culturelles, des services à la plaisance… s’exercent dans un parc naturel marin. L’action d’une équipe de gestion d’un parc naturel marin ne peut être que bénéfique pour le territoire parce qu’elle va discuter avec les acteurs, faire des propositions et mener une gestion concertée de ce territoire.
 
- Avez-vous prévu des actions éducatives à destination de la jeunesse ?
- Oui ! Nous avons démarré, en partenariat avec l’Education nationale et l’Office de l’environnement, le projet des aires marines éducatives. Ce projet, qui émane de l’Agence française (AFB) pour la biodiversité, donne la parole aux enfants sur un territoire particulier. Quatre classes sont concernées : trois classes du primaire et une du collège de Luri. Les enfants vont choisir un territoire, le découvrir, essayer de le connaître et proposer les mesures de gestion qu’ils jugeront nécessaires. Ils se rendront, ainsi, compte du travail d’un gestionnaire, de la difficulté de mettre en œuvre certaines actions et de la nécessité d’avoir un budget pour cela… Ils discuteront avec les acteurs. C’est important ! Pour nous aussi ! Peut-être les enfants seront-ils capables de proposer des mesures de gestion auxquelles nous n’aurions pas du tout pensé !

Parc marin - versant Est d'u Capicorsu
Parc marin - versant Est d'u Capicorsu
- La corsisation des emplois du Parc a été un sujet de controverse avec l’Etat. Qu’en est-il ?
- Le Conseil de gestion a évoqué, lundi, la question du recrutement local. Le président du parc marin, Gilles Simeoni, s’est félicité de l’équipe de dix personnes qui a été mise en place. L’AFB et l’Office de l’environnement ont mis en commun leurs moyens pour la former avec des fonctionnaires détachés, des créations de postes et des contrats privés. L’équipe se compose de chargés de mission qui travaillent sur les usages et le patrimoine naturel, et de quatre agents de terrain qui font de la surveillance et de la restauration. Ces agents ont pour tâche de sensibiliser à la protection du milieu marin, de l’expliquer aux personnes qu’ils rencontrent sur le terrain, mais ont aussi un pouvoir de police pour dresser des procès-verbaux. Il faut changer les comportements sur le territoire.
 
- Qu’est-ce qui va changer pour les usagers du parc ? Qu’est-ce qu’ils ne pourront plus faire désormais ?
- Ils ne pourront plus exagérer ! Par exemple, ils ne pourront plus prendre dix douzaines d’oursins par personne alors que la règle est de trois douzaines d’oursins ! Si une réglementation existe sur l’oursin, c’est que leur population est en diminution sur certains endroits de la côte. Les gens doivent respecter les réglementations existantes. La création d’un parc naturel marin n’établit pas de réglementation supplémentaire, mais fait respecter celles qui existent déjà. Les espèces protégées et les espèces interdites pour la pêche sous-marine, comme le mérou ou le corb, il ne faut pas les prélever. Dans la pêche de loisirs, on doit couper la queue des prises pour éviter qu’elles ne soient revendues. Nous avons donné aux membres du Conseil de gestion des fiches Police qui résument toutes les réglementations que l’on peut suivre au sein du parc naturel marin.
 
- Quelles demandes ou craintes, les maires vous font-ils remonter ?
- Les maires font, d’abord, remonter un manque d’information. Ils disent que les populations ne sont pas toujours au courant de ce qu’est une espèce protégée ou une espèce règlementée. Ils nous demandent d’être plus présents sur le territoire pour donner ces informations. Ils font remonter, aussi, des problèmes de braconnage ponctuels sur lesquels nous allons intervenir. Egalement des besoins de gestion de leur territoire, aussi bien de la plage que du littoral. Les maires ont une compétence jusqu’aux 300 mètres. Nous travaillerons avec eux pour trouver les meilleures mesures de gestion afin qu’il y ait le moins d’impacts sur les habitats benthiques, par exemple.
 
- L’Office de l’environnement a soulevé la question des drones. En quoi posent-ils problème ?
- Les drones sont un problème dans un espace protégé, d’abord parce qu’il y en a de plus en plus et qu’ils ont un impact sur les espèces, comme les oiseaux. En période estivale, un touriste sur cinq a un drone qu’il fait voler n’importe où, même au dessus des nids où des oiseaux prennent leur envol. On a soulevé, au Conseil de gestion, le problème du dérangement des balbuzards pêcheurs dans les nids au Nord du Cap, en face de la Giraglia, où il y a un bon pourcentage d’envol. Des gens viennent en bateau sous le nid pour voir le poussin s’envoler. Le souci est que le poussin n’est pas forcément prêt à s’envoler. Dans ce cas, il tombe et il se noie. Il faut trouver des solutions de gestion, comme des arrêtés préfectoraux ou des arrêtés de protection de biotope d’interdiction ponctuelle de la zone, ou même, pourquoi pas, d’interdiction de vol des drones au dessus des nids.
 

Maddy Cancemi, directrice déléguée du Parc naturel marin di Capicorsu è di l’Agriate.
Maddy Cancemi, directrice déléguée du Parc naturel marin di Capicorsu è di l’Agriate.
- Vous étiez auparavant directrice de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. Les enjeux pour le Parc marin du Cap sont-ils similaires, même s’il y a moins de touristes ?
- Je ne connais pas encore bien le territoire du Cap Corse, mais ce qui saute aux yeux, c’est la différence de fréquentation des sites. Le taux de fréquentation au Sud de la Corse est bien supérieur à celui du Cap, la plaisance est bien plus importante, les impacts aussi. C’est une chance pour le Parc naturel marin du Cap Corse ! Nous pouvons nous servir de notre expérience dans d’autres sites de Corse, en particulier au Sud, pour enrayer certains phénomènes au Nord.
 
- Qu’est-ce qu’il faut impérativement réussir dans ce parc marin ?
- A l’heure actuelle, c’est la connaissance des milieux marins que nous n’avons pas assez dans le Cap. Ensuite, c’est la mise en place des suivis scientifiques pour prendre les mesures de gestion adaptées et faire prendre conscience à la population des règlementations existantes. Peut-être le Conseil de gestion en demandera de nouvelles. Par exemple, nous avons parlé de quantités de poisson pêchées, d’arrêtés préfectoraux pour interdire le mouillage, de mise en œuvre de mouillage organisé… Tous ces dossiers sont importants.
 
- Justement, comment les pêcheurs, professionnels et plaisance, réagissent-ils à ces nouvelles contraintes ?
- Les pêcheurs plaisance sont très intéressés par l’étude des stocks. Ils savent que, comme de partout, certains prennent trop de poisson. Ils ne sont pas du tout opposés à ce qu’on réfléchisse à un quota de poisson pêché. Les pêcheurs professionnels ont des préoccupations précises sur la gestion de la langouste rouge, le thon, l’espadon… et sur les quotas qui, pour eux, ne sont pas assez importants.
 
- Autre sujet polémique : la Maison du parc. Des communes se disputent pour l’accueillir. Où sera situé le siège du Parc marin ?
- Pour l’instant, on ne peut pas le dire ! Le président du parc marin, Gilles Simeoni, a envoyé un courrier à tous les maires du territoire pour leur demander de se positionner sur un éventuel projet. Quelques projets nous sont déjà parvenus. Nous avons envoyé un cahier des charges très précis aux maires intéressés pour accueillir la Maison du parc parce qu’il faut obéir à des règles administratives rigoureuses. C’est un sujet que l’on va travailler lentement, mais sûrement parce qu’il ne faut pas se précipiter. L’Agence française pour la biodiversité préfère louer plutôt qu’acquérir. Le bureau du Parc choisira, in fine, après une étude bien spécifique des besoins, avec peut-être une annexe technique tournante pour permettre aux agents d’évoluer sur tout le territoire. Le président a précisé que cette annexe pourrait tourner sur les communes, ce qui leur permettrait d’accueillir, pendant un ou deux ans, les agents de terrain.
 
- Le président Simeoni avait parlé du Château Stopielle, est-ce toujours d’actualité ?
- Le Conseil de gestion va y réfléchir. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’est déterminé pour un lieu proche de la mer. Les pêcheurs ont bien insisté sur ce point. Il faut que cette Maison du Parc soit située près du littoral, d’un port ou d’une baie. C’est un choix qu’il y aura à faire, mais en prenant le temps de la décision.
  
Propos recueillis par Nicole MARI.