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PADDUC : L’union sacrée des Nationalistes permet une adoption au forceps


Nicole Mari le Samedi 1 Novembre 2014 à 03:49

Il aura fallu deux jours et deux nuits de débat, de discussions, de claquements de portes, de coups d’éclats, de suspensions de séances et de tractations serrées pour aboutir à un accord au forceps entre la majorité territoriale et les Nationalistes. Le Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) a été adopté par 38 voix sur 39 présents, les 12 élus de droite ayant désertés la session en milieu d’après-midi. L’union sacrée des Nationalistes a obtenu gain de cause sur la mention du peuple corse, les espaces stratégiques agricoles et sauvé les meubles sur les ZNIEFF.



Les bancs de la droite vides.
Les bancs de la droite vides.
L’accouchement fut long et douloureux. Les négociations sur les 167 amendements initiaux bloquaient sur les exigences nationalistes concernant trois points-clés qui, acquis lors du vote de janvier 2014, avaient brutalement disparu du document final. A savoir la mention du peuple corse en tant que destinataire du PADDUC, la préservation des ZNIEFF selon le schéma de 1992 et la protection des espaces agricoles. Chacun tenant fermement ses positions, on a même cru, un moment, qu’en l’absence de la droite qui avait déserté l’hémicycle, l’Exécutif, fort de ses 24 voix sur les 39 présents, allait passer en force. Mais cela aurait été la première défaite de la mandature Giacobbi !
 
Dans l’impasse !
Aussi Maria Guidicelli, la conseillère exécutive en charge du PADDUC, initie-t-elle, dans la nuit de jeudi à vendredi, un parcours du combattant pour expliquer et convaincre du bien fondé des notions nouvelles comme celle d’espace mutable qui, situé à proximité des zones urbaines, peut devenir constructible. Un changement d’affectation qui touche près de 4000 hectares de terres agricoles. Maria Guidicelli, sûre de son fait, espère qu’une longue, mais simple séance de pédagogie suffirait à rallier les Nationalistes récalcitrants. Un espoir qui s’effiloche au fil des heures, butant sur la solidité de l’union des trois forces nationalistes, leur refus de trahir leurs fondamentaux et de revenir sur ce qui a déjà été acté. Personne ne voulant céder un pouce de terrain, les négociations buttent sur une impasse. Vendredi à 2 heures du matin, la droite, fatiguée de cet exercice d’explications, part se coucher. A 4 heures du matin, les Nationalistes, furieux de l’intransigeance de l’Exécutif, quittent la table des discussions. Ils n’y reviennent qu’en fin de matinée.
 
Une guerre d’usure
En milieu d’après-midi, c’est au tour des élus du groupe « Rassembler pour la Corse », de lever le camp. Hostiles au document qu’ils trouvent trop protectionniste et trop restrictif, ils tentent, en vain, d’en infléchir l’esprit avant de renoncer à toute participation. Accusant l’Exécutif de mépris, de collusion avec les Nationalistes et dénonçant « une mascarade », ils quittent la session. Ce coup politique n’empêche pas les discussions de se poursuivre en bilatéral. Sans avancer pour autant sur les points qui fâchent. Les négociations tournant en rond, c’est, finalement, la peur d’un vote contre qui fait pencher la balance en faveur des Nationalistes. L’Exécutif finit par concéder à l’usure ce qu’il s’est refusé à faire de plein gré. Il accepte le principe de la mention du peuple corse, réintroduit non dans le préambule, mais dans le PADD et la sanctuarisation des espaces agricoles.
 
Des territoires reclassés
Seuls 10 % des 4000 hectares agricoles contenus dans les espaces mutables peuvent devenir constructibles sous une double condition : que la constructibilité soit justifiée par un projet d’utilité publique certifié par la CTC et qu’aucun autre terrain ne puisse convenir.
Les Nationalistes n'obtiennent pas l'inconstructibilité des ZNIEFF, mais un renforcement de leur protection avec un simple rappel du schéma d’aménagement de 1992 qui consacre la jurisprudence écrite depuis 22 ans. Une concession qui devrait, néanmoins, permettre de faire obstacle à certains projets immobiliers emblématiques comme la Testa Ventilegna ou Coti-Chiavari. Les 21000 hectares de sites inscrits, qui avaient été déclassés, sont réintégrés dans la trame verte et bleue (corridors écologiques) du PADDUC. La pinède de Calvi redevient un espace remarquable dans sa totalité.
 
Dispute à gauche
Cette victoire à l’arraché des Nationalistes déporte la dispute à l’intérieur même de la majorité territoriale. La gauche se déchire, la partie, la plus urbanophile, rejette l’accord et s’arcboute sur les espaces mutables qui facilitent l’urbanisation des zones protégées et sur la construction des ZNIEFF. La Gauche républicaine et les élus du Grand Sud font grise mine et se battent bec et ongles. Sans succès. Ils sont finalement sacrifiés sur l’autel du nécessaire consensus.
La session, interrompue la veille, reprend à 23h30 par le vote des amendements. La mairesse de Piana et présidente de la Gauche républicaine, Pascaline Castellani, retente un coup de force dans l’hémicycle pour arracher la constructibilité de la ZNIEFF de la colline d’Arone. Mais son amendement ne récolte que 4 voix pour, les Nationalistes votent contre, le reste de la gauche s’abstient. Même scénario pour le maire de Propriano et président de l’Office des transports, Paul-Marie Bartoli, qui ne réussit pas à désanctuariser les enclaves de Portigliolu.
 
Bandera déployée
Le vote final intervient, finalement, à 3 heures 48 du matin. Seule des 39 élus présents, Pascaline Castellani vote contre le PADDUC. Maria Guidicelli salue « ce moment historique d'un peuple qui décide de son avenir. Nous n'avons pas le droit de le décevoir ». Le président de l'Exécutif, Paul Giacobbi, rappelle que « ce vote est  une étape. Il était facultatif. Il ne peut plus y avoir de modifications substantielles du document. S'il n'avait pas été voté, je ne me serais plus présenté devant cette assemblée ». Les Nationalistes modérés de Femu a Corsica se lèvent et déploient la bandera.
 
N.M.

Les élus Femu a Corsica saluent une victoire politique du peuple corse
« Le PADDUC est un document stratégique pour la Corse et son peuple. Il vient d'être adopté après trois ans de travail et d'intenses débats en commissions et en session. Femu a Corsica est fier d'avoir contribué de façon décisive à la définition du contenu de ce document et à son adoption. Le PADDUC, voté le 31 octobre 2014, reprend en effet des éléments que nous avons défendus lors de notre travail en amont de la session et par le biais  d'amendements adoptés au terme des débats : l’inscription de la notion de« Peuple Corse » au cœur du texte, la reconnaissance de la coofficialité de la langue Corse, le respect intangible des « espaces stratégiques agricoles », ainsi que des ZNIEFF et des sites inscrits, la mise en œuvre d'éléments dynamiques de gouvernance, etc.
Ce projet porte en germe une vision harmonieuse et durable de la société corse. Son adoption est une victoire politique majeure. Elle s'ajoute aux délibérations votées pour demander la coofficialité de la langue corse, la mise en œuvre d'une politique foncière d'ensemble reposant sur le statut de résident, les arrêtés Miot et le transfert de la compétence fiscale, la révision constitutionnelle. L'adoption du PADDUC est donc un nouveau jalon important sur le chemin de l'émancipation du peuple corse ».