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Maurice Perrin : « Si la Corse met en place un système maritime qui fonctionne, nous n’avons rien contre ! »


Nicole Mari le Jeudi 8 Septembre 2016 à 17:14

Partie prenante depuis huit mois des négociations sur l’évolution des transports maritimes entre la Corse et le continent, le syndicat CFE-CGC des cadres de la marine marchande était présent, mardi, à l’Assemblée de Corse durant le débat et le vote des deux rapports sur la création d’une compagnie régionale et la cession des deux navires : le Paglia Orba et le Monte d’Oro. Il a fait parvenir à l’Exécutif de la Collectivité territoriale (CTC) et aux élus, une lettre contenant quatre grandes préoccupations qui déterminent une ligne rouge à ne pas franchir. Son représentant, Maurice Perrin, explique à Corse Net Infos qu’il est, à priori, favorable à ce nouveau dispositif à condition qu’il n’y ait ni découpe, ni plan social.



Maurice Perrin, représentant du syndicat CFE-CGC de la MCM.
Maurice Perrin, représentant du syndicat CFE-CGC de la MCM.
- Quelle est votre réaction après le vote créant une compagnie maritime corse ?
- Nous avons un avis tout à fait positif sur le dispositif général qui se dessine dans la mesure où il y a la recherche de maîtrise par la Corse d’un système plus solide qui ne repose pas sur la mise en concurrence d’appels d’offres de Délégation de service public (DSP), mais d’appels d’offres de constitution de SEMOP (société d'économie mixte à vocation unique). Nous avons bien regardé ce que c’était. C’est nouveau et innovant ! C’est aussi plus robuste puisque c’est une déclinaison d’une loi récente découlant du droit européen. Le chemin, qui reste à faire, avec la SEM (société d'économie mixte) d’investissement, principalement pour le renouvellement de la flotte, est important. Ce niveau de mise en concurrence sur les SEMOP, s’il permettait d’en terminer avec le harcèlement juridique incessant qui a court depuis 2001, s’il permettait de mettre en place pour les dix ans qui viennent un système qui fonctionne, nous n’avons rien contre !
 
- Vous avez exprimé, par écrit, certaines préoccupations. Quelles sont-elles exactement ?
- Nous nous sommes positionnés sur le volet social, sur le volet économique et sur les questions de mise en concurrence. Notre ligne rouge est : pas de découpe ! Nous pensons que c’est inadapté au maritime comme à l’aérien.
 
- C’est-à-dire ?
- Cela concerne les questions d’affectation des personnels sur les navires. Quand Veolia proposait la SNCM à 1 €, nous avions dit que nous n’étions pas contre le schéma des SEM bretonnes qui comporte toute une série de SEM, avec une holding, des sociétés d’exploitations, des sociétés portant les navires, des sociétés par réseau… tout cela avec un armement commun. Un marin ou un officier de la Brittany Ferries travaille aussi bien sur les lignes d’Angleterre, d’Irlande et d’Espagne. Il n’y a, donc, pas de raison qu’un marin ou un officier des nouvelles compagnies, qui intègreraient les SEMOP après appels d’offres, ne puisse pas travailler sur les lignes corses en service public, sur les lignes corses hors service public, sur le Maghreb ou sur toute autre ligne en développement. Nous tenons à ce point !
 
- Les personnels de l’ex-SNCM ont déjà subi un plan social, sont-ils inquiets ?
- Oui ! L’intersyndicale, très majoritaire parmi les personnels, exprime des inquiétudes. Mais si nous avons fait chemin avec l’Exécutif de Corse dans les différentes commissions, c’est bien pour lever les doutes et les inquiétudes, pour dire ce qui serait acceptable et ce qui ne le serait pas. La réponse du président de l’Office des transports, Jean-Félix Acquaviva, est très claire. Il a assuré qu’on parlerait de moyens mis à disposition des SEMOP par les armateurs, mais aussi que la carrière d’un navigant ou d’un officier pourrait se dérouler sur plusieurs navires et sur plusieurs réseaux, en équivalent temps plein. Cela nous convient. Cette question d’affectation aux navires n’était jusqu’à présent qu’hypothétique et conditionnelle dans les différents rapports qui se sont succédés jusqu’au dernier rapport de mardi.
 
- Que vous inspire la cession de deux navires à la CTC ?
- Ces bateaux sont à renouveler. On parle de 14 millions € de maintenance et de 14 millions € destinés à l’investissement par an. La volonté exprimée par le président Acquaviva nous convient. Cependant, entre les risques d’exploitation et les besoins réels d’investissement, au regard des marchés financiers et d’une certaine saturation vis-à-vis du type de bateau qu’on cherche, il faudra mobiliser au-delà de la continuité territoriale. L’Exécutif peut le faire à travers la programmation pluriannuelle énergétique, une partie du plan Juncker sur les énergies nouvelles…
 
- N’y-a-t-il pas un risque pour les personnels navigants sur ces bateaux ?
- Non ! Ce qui a surpris, y compris la CFE-CGC, c’est l’annonce que tout devait se régler dans la constitution des SEMOP et les appels d’offres. Le nouveau dispositif est prévu pour septembre 2017. Si à ce moment-là, les SEMOP sont constituées, il n’y a pas de caractère de gravité. La question que l’on pose est qu’est-ce qui se passe si les appels d’offres sont infructueux ou s’ils prennent plus de temps que prévu ? Nous sommes plus en interrogation qu’en opposition. Sur le fond, le système est à consolider. S’il a la latitude d’être plus robuste et moins attaqué, cela nous convient. Mais il faut que le harcèlement juridique ancien cesse. Tout le monde a compris aujourd’hui que s’il ne cesse pas, il y aura une vraie menace de monopole, et donc une menace sur les emplois. L’entente avec les armateurs napolitains, la Sardaigne a déjà donné ! Je pense que la Corse ne veut pas donner.
 
- Vous dites qu’il faut se placer dans « une logique économique d’optimisation de l’outil naval ». Qu’entendez-vous par là ?
- Nous en parlons à tous les niveaux, notamment au niveau de la maintenance. Le renouvellement de la flotte est vertueux au sens économique et environnemental. Il génère des gains, mais il faut renouveler plus de bateaux que les deux prévus : le Monte d’Oro datant de 1991 et la Paglia Orba datant de 1994. Il demanderait de passer à une autre échelle. Il est, en plus, beaucoup plus économique que l’armement reste central par rapport à l’ensemble des possibilités de navigation sur les lignes et les réseaux.
 
- Pourquoi estimez-vous nécessaire de réguler la concurrence au niveau des OSP (Obligations de service public) ?
- C’est trop facile de laisser les charges, les obligations et les contraintes à ceux qui naviguent toute l’année et de casser le système qui existe. C’est ce qui s’est passé à Nice et à Toulon. Il ne faut pas oublier la leçon ! De toute façon, à partir du moment où la puissance publique intervient, on ne peut plus faire n’importe quoi. Il faut des OSP, des obligations à l’année, pour ceux qui voudraient intervenir sur Marseille ou ailleurs.
 
- Qu’allez-vous faire maintenant ?
- Nous sommes ouverts et constructifs. Nous sommes favorables à la consolidation du système dont les principes viennent d’être votés. Nous avons fixé notre ligne rouge. A priori, s’il n’y a pas de découpe, s’il n’y a pas de recul, s’il n’y a pas de menace d’autre plan social, nous n’avons pas de raison de nous départir de cette attitude constructive.
 
- Peut-on craindre une grève ou un conflit social ?
- Pour la CFE-CGC, pour l’encadrement à terre ou navigant, la grève a toujours été l’ultime recours. Les batailles, que nous avons menées suite à la sortie très sale de Veolia de l’ex-SNCM, sont derrière nous. Si la CFE-CGC y a participé en 2014, c’est qu’elle n’avait plus le choix ! Nous avons quand même perdu 600 emplois de plus. A l’échelle du temps, c’est 1000 emplois en moins. Ce sont des emplois qui manquent à la Corse en termes de retombées économiques. La grève, aujourd’hui, plus que jamais, je crois qu’on en est loin !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.