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Marcel Rufo et les jeunes : " Ouvrir un dialogue avec eux, c’est le seul avenir possible pour la société de demain"


Michela Vanti le Jeudi 18 Février 2016 à 23:32

Il avait promis qu’il serait revenu et il a maintenu sa promesse. Ce jeudi Marcel Rufo, le plus médiatique des pédopsychiatres français, a rencontré les élevés des Lycées Vincensini et Scamaroni de Bastia pour parler d’adolescence et dissiper les tabous liés à cette âge si compliquée à vivre.



Marcel Rufo
Marcel Rufo
Dans l’amphithéâtre du lycée, archi-comble, les étudiants l’ont écouté distiller ses conseils avant d’accepter son invitation à « désorganiser la matinée et transformer une ennuyeuse conférence en débat ».
Marcel Rufo aime dédramatiser et jouer la carte de l’humour même si c’est pour parler des thèmes difficiles comme l’anorexie, la boulimie, la maladie, le suicide, la mort. Malgré la difficulté d’affronter ces thématiques, souvent méconnues et sous-estimées par les jeunes, les lycéens de Montesoro ont interrogé pendant deux heures le célèbre docteur des ados.

- Pourquoi l’adolescence est une période de la vie si difficile ?
- Je vous réponds avec une question. Comment être, à la fois, unique et conforme aux autres ? A l’adolescence il faut être tous pareils et singulier à la fois. Et il faut apprendre à gérer un corps qui change. Quand on est enfant on ne change pas, de même que nos parents d’ailleurs. On a l’impression que l'immuabilité de notre existence soit brutalement brisée à l’adolescence. L’équilibre qu’on avait lorsqu’on était enfant disparait et d’un coup on doit occuper un corps qui n’est plus le nôtre.

- Pendant votre conférence vous avez invité les étudiants à vous poser de questions. Pour vous le dialogue reste très important mais les ados d’aujourd’hui savent encore communiquer ?
Oui, la réponse est  dans les réseaux sociaux. Peut-être même que les ados dialoguent plus aujourd’hui que dans le passé. Je crois que si, par exemple, on avait pensé à cette intervention, comme une tchat ou un blog sur la toile, on aurait eu des questions encore plus désinhibées et directes. Les jeunes communiquent mais différemment, ils ont une autre méthode de communication, ils ont l’impression de dépasser leur timidité par le virtuel. Pour cette génération intermédiaire la communication virtuelle est prioritaire

- Cette génération intermédiaire a les mêmes problèmes que celles d’autrefois ?
- Oui, avec quand même une différence clinique. C’est comme si l’âge de l’adolescence c’était avancé et on retrouve plus tôt des  pathologies comme l’auto violence et l’hétéro violence en forme plus grave.

- Pourquoi ?
- Dans notre société il y a moins de limites, moins de règles, moins de bornes. On est plus individualistes. Cela c’est un défaut intrinsèque à la démocratie. Dans un monde plus démocratique au niveau parental, le jeunes sont plus violents que avant.

- Ce soir vous auriez dû animer une autre conférence avec les enseignants pour parler de comment gérer la parole des étudiants quand l’actualité est brûlante…
- L’actualité en Corse est décidément brulante, c’est le cas de le dire devant la poubelle qui prend feu…. Les jeunes s’intéressent à l’actualité mais ils ne font plus de manière classique. Ils n’écoutent pas la radio ou regardent un JT,  ils cherchent les infos sur la toile, ils se forgent leurs idées grâce aux réseaux sociaux. Regardez ce qui se passe… Je crois que la Corse par rapport au continent est un endroit sensible au phénomène de radicalité. Les Corses ont des valeurs et des spécificités qui font qu'il est plus facile de devenir radicaux, mais cela c’est un danger qui n’est pas négligeable.

- Comment gérer la parole de ces jeunes, alors ?
- Je crois qu’il faut ouvrir un discours de type syndical avec eux. Il faut syndicaliser la relation familiale : voilà ma position, j’écoute la tienne, sans  aucune séduction ou démagogie. Il faut dire si on est pour ou contre un sujet. On peut les inviter à se renseigner sur internet sur un tel sujet, ils sont bien plus mondialistes que nous !

- Quel type d’adultes prépare la société d’aujourd’hui ?
- Il faut être optimiste, ils vont être des adultes plus sévères et radicaux, plus organisés avec leurs enfants de ce qu’on l’a été nous. Ils retrouveront des valeurs du passé. On a trop tendance à regarder le présent…. Mais on n’a pas d’avenir si on n’a pas de passé et peu à peu le passé regagnera sa place pour un avenir plus serein. Il faudrait les responsabiliser et leur donner plus la parole car quand on n’est pas entendu et on ne peut pas se parler, on rentre en conflit avec la société. Ouvrir un dialogue avec les jeunes c’est le seul avenir possible.