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Manuel Valls : « J’ai tenu mes engagements en Corse »


Nicole Mari le Lundi 3 Juin 2013 à 22:22

La 1ère étape du voyage ministériel, qui s’est déroulé en deux temps, à Bastia, entre Mairie et gendarmerie, laisse un goût d’inachevé. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, est venu recevoir un « accueil républicain » et inauguré une caserne. L’occasion de prononcer deux discours lénifiants et un rien pompeux dans le but évident d’effacer, dans l’île, le désastreux sentiment de malaise et de révolte déclenché par ses propos parisiens sur la « violence culturelle » des Corses. Sans oublier de se décerner un complet satisfecit sur ses promesses, paraît-il, tenues !



Manuel Valls : « J’ai tenu mes engagements en Corse »
C’est dans un climat tendu, voire hostile, que le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, est arrivé en Corse, lundi après-midi, juste après qu’un groupe anonyme ait revendiqué, dans un courrier entièrement écrit en corse, l’attentat commis, le 26 mai, contre les locaux du GIR (groupement interrégional) à Ajaccio. La visite, raccourcie et bouleversée par l’enterrement, le matin même, du constitutionnaliste Guy Carcassonne auquel il assistait, a débuté à la Mairie de Bastia ou le 1er édile, Emile Zuccarelli, lui a réservé un accueil dit « républicain » très enthousiaste.
 
Un Valls à 2 temps
Manuel Valls sait bien que les propos excessifs et outrageants qu’il a tenus sur « la violence culturelle en Corse » et ses refus parisiens de toute avancée constitutionnelle sont autant de pierres sur le chemin de croix que représente, pour tout ministre de l’intérieur, l’impossible réponse à la violence en Corse. Certes, ses propos, affirmés, assumés et durement réitérés à l’Assemblée Nationale face au député d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, qui, au nom des Corses, lui en demandait raison, sont destinés à l’opinion publique continentale. Il faut bien justifier un manque de résultats dans l’île qui pourrait bien clouer à terre des ambitions qui, selon la rumeur, voleraient vers Matignon ! Mais, on se demandait bien comment, une fois sur l’île, le ministre allait gérer la situation. C'était s'inquiéter pour rien tant il nous a habitués, comme bien d’autres de ses collègues, à deux langages en fonction du lieu et des interlocuteurs. « Un Valls à deux temps », a ironisé, à l’écoute du ministre, un élu de l’opposition de droite, lundi après-midi, reprenant une expression qui a déjà fait florès.
 
Des discours lénifiants
Et, Manuel Valls n’a pas dérogé à la règle. C’est d’un ton bien plus lénifiant qu’il s’adresse aux élus locaux de sa majorité pour faire une déclaration d’amour, qui ne mange pas de pain, à la Corse et aux Corses. Puis, après un long préambule sur le développement économique, il aborde presque furtivement, avec une évidente volonté d’apaisement, la question de la violence. Auparavant, Emile Zuccarelli lui avait grandement facilité la tâche en le félicitant de son action : « Vous êtes un grand ministre », lui dira-t-il ! En écho, le « grand ministre » le félicitera, à son tour, pour ses condamnations fermes de la violence. Un satisfecit réciproque ! (cf vidéo avec l’intégralité des discours). Manuel Valls affiche la même volonté de dénouer les crispations concernant le débat sur l’évolution constitutionnelle où, à la fin de partie sifflée à Paris, succède, à Bastia, le même flou artistiquement distillé par François Hollande lors de la campagne présidentielle : « Faites d’abord, on verra ensuite ! ». Pas sûr que les présidents des groupes politiques de l’Assemblée, enfin ceux qui ont accepté d’être présents, apprécieront, mardi matin, à Ajaccio, ce nouvel enfumage ! Mais, là aussi, l’absence des Nationalistes et de tout ou partie de la droite insulaire devrait, grandement, faciliter le jeu ministériel.
 
Un florilège de généralités
Après la Mairie, Manuel Valls s’est rendu au groupement de gendarmerie de Haute-Corse à Montesoro pour inaugurer les locaux rénovés, modernisés, plus fonctionnels et plus sécurisés de la caserne Paoli, du nom du capitaine originaire de Pianello, fondateur de la « caisse du gendarme », à qui il rend hommage. Cette caisse, créée pour venir en aide aux veuves et aux orphelins militaires, fut l’ancêtre de toutes les mutuelles. Là, devant des gendarmes venus de tout le département et leur hiérarchie militaire, devant les hauts représentants du Parquet de Bastia, le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini (cf réaction), le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi (cf réaction), le président du Conseil général, Joseph Castelli, le Maire et une partie du Conseil municipal, le ministre de l’intérieur a adopté un ton plus martial pour parler de sécurité. Sans, au final, dire grand chose…, sauf servir à l’assistance un florilège de généralités. « Sécurité et développement vont de pair. Sans sécurité, sans ordre républicain, il n’y a pas de projet de société ! ». Ce fut tout !
 
Une autorité à ne pas contester
Puis, évoquant l’attentat contre le GIR et les affrontements entre policiers et militants nationalistes, il témoigne aux gendarmes « toute sa gratitude, son affection, sa reconnaissance et son soutien » en leur concédant : « Il n’est pas facile d’être gendarme et d’agir ici ». Désignant les casernes et autres bâtiments publics « comme des lieux symboliques de la présence de l’Etat, des postes avancés de notre République », il avertit : « Ceux qui s’en prennent à ces bâtiments lancent un défi à notre Etat de droit, un défi qui ne restera pas impuni… La République continuera inlassablement de déranger ceux qui dérogent à ses lois, ceux qui veulent imposer la violence à la société corse. La République ne peut, également, tolérer que l’on s’en prenne aux forces de l’ordre, que l’on conteste leur autorité… Ces violences n’empêcheront pas la justice d’avancer. On ne saurait, aussi, contester le rôle et l’action de la justice ». Le ministre annonce la création d’une plateforme de police technique et scientifique pour mieux synthétiser les actions.
 
Un satisfecit général
Enfin, il tient à encourager les Pandores, estimant que leur action « porte déjà ses fruits et en portera davantage dans les mois qui viennent. Les engagements, qui étaient les miens, sont tenus. Continuez à agir. Les Corses attendent, de vous, comme de moi, des résultats en matière de lutte contre la criminalité organisée et le banditisme, mais aussi la délinquance et les cambriolages » ! Un satisfecit assez surprenant… mais également partagé, du moins en apparence, par les hiérarques de la section de recherche de la gendarmerie. Lors d’un court debriefing public qui a clôt la visite, ces derniers ont affiché leur totale satisfaction sur les actions menées en 2012, les résultats obtenus et le bon soutien de la population ! Il est bien dommage que tant de contentement soit parfaitement contredit par la trivialité du terrain !
 
Un voyage pour rien ?
A la fin de la 1ère étape du voyage ministériel, une question se pose : qu’est-ce que le ministre de l’Intérieur est-il venu faire à Bastia ? En pleine rigueur budgétaire, au moment où le gouvernement demande aux Français sacrifices et économies sévères, on ne peut s’empêcher de penser que c’est beaucoup d’agitation médiatique et d’argent dépensés pour un accueil républicain et une simple inauguration de locaux... ! « Ce n’est pas une visite exceptionnelle », a dit le ministre. C’est le moins que l’on puisse dire ! Mais, peut-être, quelque chose nous a-t-il échappé ? L’étape ajaccienne devrait être plus prometteuse avec, notamment, mardi, la signature de la 3ème tranche du PEI (Plan exceptionnel d’investissement) et une réunion avec l’ensemble des forces de sécurité pour faire le point sur la situation.
N. M.