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Mairie de Bastia : Les dessous de la passation de pouvoir dévoilés !


Nicole Mari le Samedi 28 Juin 2014 à 22:54

Interminable séance de juin du Conseil municipal de Bastia qui a été secouée par des échanges vifs sur le dossier de la voie douce et un long chjami é rispondi sur les comptes 2013. Comme d'habitude, l'ancienne majorité défend, bec et ongles, un bilan qui essuie les critiques de la nouvelle équipe. Cette fastidieuse, récurrente et lassante bataille de chiffres donne le ton, depuis avril, de la stratégie de l'opposition. La polémique a trouvé son point d'orgue dans une violente passe d’armes entre Jean Zuccarelli et le maire, Gilles Simeoni, sur les conditions de la passation de pouvoir.



Gilles Simeoni, maire de Bastia, entouré des deux premiers adjoints, Emmanuelle de Gentili et Jean-Louis Milani.
Gilles Simeoni, maire de Bastia, entouré des deux premiers adjoints, Emmanuelle de Gentili et Jean-Louis Milani.
Dans sa stratégie de pression systématique, initiée dès le début de cette nouvelle mandature, l’opposition, menée par Jean Zuccarelli et Francis Riolacci, livre, parfois, d’étranges combats ! Samedi matin, lors de la séance-fleuve du Conseil municipal, il y en eut visiblement un de trop ! N’acceptant pas l’ombre d’une critique sur leur gestion passée, les élus de l'ancienne majorité ont pris l’habitude, à chaque réunion, de prononcer le même interminable panégyrique sur « le remarquable bilan » de la précédente mandature, Francis Riolacci n’y a pas dérogé lors de la présentation du compte administratif 2013. Faisant feu de tous bois sur presque chaque dossier, celui de la voie douce leur a donné un formidable terrain de jeu où se sont affrontés les alliés d'hier comme les opposants d'aujourd'hui. Mais ils ont méchamment trébuché sur une prise de parole inattendue de Jean Zuccarelli, qui s’est retournée contre lui.
 
Les salaires des élus
Cette première séance estivale avait débuté sous de faux airs tranquilles par l’hommage du maire à l'efficacité et la célérité avec lesquelles les agents municipaux ont effacé les dégâts occasionnés par le brutal épisode pluvieux qui a paralysé la ville, jeudi matin. Après la désignation de représentants, le Conseil a voté, sans discussion, les indemnités de fonction allouées au 1er édile, aux adjoints et au conseiller délégué. Des indemnités qui n'évoluent pas. L'enveloppe globale mensuelle d'un montant de 28870 € est identique à celle de la précédente mandature. Le salaire du maire s'élève à 5036 € par mois. Les adjoints et le délégué perçoivent, chacun, 1986 €.
 
Des subventions allouées
Des subventions coutumières ont été renouvelées : 30500 € pour le prochain festival Arte Mare (17-22 novembre) sur le thème « Politiquement vôtre » avec 7 films en compétition, Daniel Cohn-Bendit et Karl Zéro comme invités d'honneur pressentis. Même montant pour les Musicales (8-11 octobre), 30000 € pour les Rencontres musicales de Méditerranée (3-8 novembre), 17000 € pour le comité des fêtes et d'animation du patrimoine qui organise, le 19 juillet, À Notte di a Memoria et 6000 € pour Bastia in Festa, suite à la San Ghjuva du 23 juin. Le maire s'est réjoui de la relance de cette fête et de « l'exceptionnelle qualité » des conférences données qui « correspondent à une attente en la matière ». 22000 € ont été dévolus à Corsica TVA pour la NRJ Party et 12000 € au congrès de médecine qui viennent de s’achever. Les subventions scolaires d’un montant global de 32000 € et les conventions ordinaires avec la CAF (Caisse d'allocations familiales) et les crèches À Ciocca et À Ciuciarella ont été validées. La récompense de 500 € offerte aux bacheliers bastiais, une vingtaine en moyenne, ayant obtenu la mention « Très bien », s’agrémente d’un ouvrage en sus.
 
Polémique sur la voie douce
La séance ronronnante s’est brutalement réveillée avec la Voie douce et la décision de la nouvelle majorité d’engager, sur financement existant, une étude plus approfondie concernant une passerelle de contournement de la citadelle. Hypothèse rejetée, ainsi que celle de l’ascenseur, au profit de celle du tunnel par l’ancienne majorité qui réagit vivement. « Quand j’entends parler de contournement des remparts, j’ai les poils qui me hérissent ! J’espère que le résultat des études confirmera que nous ne ferons jamais cet encorbellement. Les Bâtiments de France ont jugé cette architecture impossible », bondit Jean-Baptiste Raffalli, ancien délégué au patrimoine.
Jean Zuccarelli en profite pour tacler François Tatti, l’ex-adjoint privé, deux ans auparavant, de la délégation des travaux : « Cette hypothèse a été écartée eu égard au coût et à la difficulté de sa réalisation. François Tatti avait accepté la décision, aujourd’hui il revient dessus ». Et dénonce « une manœuvre visant à différer la décision et la réalisation du projet, comme, du reste, celle d’un certain nombre de projets structurants ».
 
Tunnel ou passerelle ?
Les propos ne démontent pas le président de la CAB (Communauté d’agglomération) : « J’ai porté ce projet stratégique, très important pour développer un mode urbain alternatif à la voiture et permettre une appropriation différente de la ville par ses habitants avec l’accès à la mer ». Pour lui, pas question de « mégoter » ! Il rappelle que « le projet initial prévoyait l’encorbellement, plus agréable, car il est à l’air libre. Comme la réalisation était difficile, on a essayé d’autres hypothèses. C’est au moment où le dossier m’a échappé qu’on a pris la solution du tunnel et écarté, sans justification, celle de la passerelle. Mais la solution du tunnel est tout aussi coûteuse et difficile à réaliser ». Il fustige la manière dont les travaux ont été enclenchés sur la voie verte.
Gilles Simeoni saute sur l’occasion pour « rétablir quelques vérités. Contrairement à ce que dit Jean Zuccarelli, il n’y a jamais eu d’études techniques faites sur la passerelle. L’option tunnel, qui a été retenue sans débat, pose de nombreux problèmes ». Il évoque les doléances des riverains qui craignent les conséquences du creusement d’un second tunnel sous la Citadelle. « Nous mènerons à terme les projets de l’ancienne mandature quand ils seront conformes à l’intérêt des Bastiais. Ce que nous avons hérité concernant la Voie douce n’est pas satisfaisant ».
 
Des choix catastrophiques 
Le maire de Bastia liste, alors, ce qu’il nomme « des choix catastrophiques » : le doublement du coût de la 1ère tranche, passée de 1,36 million € en juillet 2012 à 2,66 millions € en 2013. « Pour 1 million €, vous avez commandé, sans débat, le fameux fil rouge, un muret de 50 cm de haut qui aurait stérilisé tout le long de la place St-Nicolas et coupé en deux le quai des Martyrs, empêchant les piétons de rejoindre les terrasses des restaurants ! Nous avons hérité d’un escalier qui est une monstruosité architecturale. Sur cette 1ère partie, la Voie douce n’est pas conforme. Il faut reconstruire la passerelle. Le coût de cette réfection sera largement supérieur à 1 million €. Nous avons reconfiguré la phase 1. La phase 2 implique la piétonisation du Vieux-Port, c’est-à-dire de repenser tout le plan de circulation ». Le ton s’envenime avec Francis Riolacci qui s’érige contre « une décision prise sans débat, ni concertation, ni transparence. Sur ces choses, vous ne faites pas mieux que nous ! ». Riposte cinglante du maire : « Votre reproche est invraisemblable. Heureusement que nous l’avons fait ! Vous n’aviez pas prévu de réseau d’évacuation des eaux. Nous avons corrigé des choix ruineux qui auraient conduit à une catastrophe ! ».
L’opposition vote contre l’étude.
 
Peu de marge de manœuvre 
La polémique rebondit, quasi-immédiatement, avec le long rapport des arrêtés des comptes 2013. L’adjoint délégué aux finances et à la transparence de l’action publique, Jean-Joseph Massoni, reprend les observations de la Cour des comptes et décrit une situation « très difficile sur le plan financier. La dette est supérieure à celle de 2008. Les taux d'imposition sont très élevés, ils sont supérieurs à la moyenne des communes de même strate. Par exemple, la taxe d'habitation est de 20,54% pour Bastia contre 17,98% pour la moyenne des villes. Le produit fiscal est moins élevé. Seuls 45% des ménages bastiais sont soumis à l'impôt sur le revenu ». Francis Riolacci se prête, alors, à son exercice favori et entame un long plaidoyer sur la gestion précédente d’où il ressort que « la pression fiscale par habitant était de 393 € en 2013 contre 540 € en 2012 pour des villes de même strate. Le calcul de la taxe d’habitation nous échappe. Elle était de 203 € en 2013 contre 232 € en moyenne nationale en 2012 ». Il s’inquiète « du retard pris sur les choix stratégiques depuis 3 mois » par une majorité qu’il taxe de « léthargique », déclenchant l’hilarité générale.
 
Une transition en question
Michel Castellani, adjoint délégué à l’urbanisme et à la planification stratégique, refuse de s’en laisser compter : « Les chiffres, dans leur sécheresse, donne un verdict clair qui laisse peu de place à la poésie ! La puissance de tir endogène des finances est très modeste par rapport aux besoins d’équipement de la ville. Nous avons peu de marge de manœuvre. D’où la nécessité d’avoir une politique attentive et prudente. L’opposition ne nous a guère favorisé la transition, nous avons du relancer beaucoup de dossiers ». La remarque fait rugir Jean Zuccarelli qui s'insurge des allusions et des rumeurs courant sur la difficile passation de pouvoir entre l'ancienne majorité et la nouvelle. Il affirme que les directeurs généraux des services et de l’administration (DGS et DGA) et l'ancien maire ont rencontré leurs successeurs. « Je m'insurge en faux contre les propos parlant de documents subtilisés, de matériels soustraits et de dossiers disparus. Rien de tout cela ne s'est produit. Tout a été fait pour que la transmission se passe dans les meilleures conditions. Où pouvez-vous dire qu’elle n’a pas été facilitée ? Vous avez trouvé une administration en parfait état de marche. Il faut que les Bastiais le sachent ! ». Il poursuit en expliquant que « cette inexactitude » n’est qu’un prétexte pour justifier l’inertie de la nouvelle majorité.
 
Des bureaux vides !
Bien mal lui en prend ! Gilles Simeoni empoigne le bâton si obligeamment tendu et assène une volée de bois vert : « Je n'avais pas envie de porter ce genre de discussion sur la place publique, mais il faut, effectivement, que les Bastiais sachent ! La transition ne s'est pas effectuée dans les conditions normales. Absolument pas ! J'ai eu, à ma demande, avec l'ancien maire, un entretien de pure courtoisie où, à aucun moment, il n'a souhaité aborder ce qu'il avait fait, ce qui était en cours et ce que je devais savoir... En excellente forme physique, le DGS s'est mis en maladie le 5 avril, alors que j'ai été élu, le 8 avril. Je comptais sur le DGS en place pour qu'il transmette les dossiers au maire comme la déontologie l'impose. Le DGA a quitté son poste le 6 avril et ne m’a pas transmis les éléments qu’il aurait du me transmettre… J'ai trouvé un bureau vide ! Les adjoints ont trouvé leurs bureaux vides ! Aucun adjoint en exercice n’a jugé utile de transmettre un quelconque état des dossiers en cours. Sur mon bureau, il n'y avait même pas un stylo ! Il n'y avait d'informatique nulle part ! Il n’y a eu aucune transmission des dossiers. Nous avons du tout reconstituer dans les semaines suivantes, sans DGS, ni DGA de l’ancienne mandature. Voilà la réalité de ce que nous avons trouvé ! Si vous considérez que c'est normal, je considère que c'est totalement anormal ! Les Bastiais nous départageront ! ».
L'opposition est restée coite. La séance s’est achevée après 4 heures de débat.
Prochain Conseil municipal, le 29 juillet à 17h30…
 
N.M.

Gilles Simeoni, maire de Bastia.
Gilles Simeoni, maire de Bastia.
L'intégralité de la réaction du maire de Bastia, Gilles Simeoni, sur les conditions de la passation de pouvoir.
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