Margueritte Pellegri Mondoloni et Lauda Guidicelli ont animé le débat à l'issue de la projection © LH
C'est l'effervescence ce mardi après-midi devant le Studio de Bastia. Quelque 180 lycéens sont attendus pour assister, dans la grande salle de ce cinéma du centre-ville, à la projection du nouveau film de Jonathan Glazer, La Zone d'intérêt. Ce long-métrage, Grand Prix du Jury au dernier festival de Cannes, raconte comment le commandant, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig, s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans leur maison située juste à côté du camp d’Auschwitz. Un film « glaçant et magistral » selon le quotidien Le Monde. « En effet, le réalisateur a choisi un angle particulier pour raconter cette histoire, précise Marguerite Pellegri-Mondoloni. C'est pour cette raison que l'on a décidé de débattre sur la banalisation de la violence et du mal à l'issue de la projection. » C'est la directrice de l'Office national des combattants et victimes de guerre de la Haute Corse, établissement public qui dépend du service des armées, qui a organisé cette séance ciné-débat et convié les classes des lycées Fred-Scamaroni, Paul-Vincensini et Giocante de Casabianca.
Le film à peine terminé, les élèves sont curieux. Autant de questions viennent interroger les choix esthétiques ou scénaristiques du réalisateur quand d'autres s'en éloignent pour évoquer l'horreur de la Shoah. « À quoi servaient ces camps au départ ? Avant l'extermination, il était question de production, non ? » demande un jeune homme au fond de la salle. « Et cette petite fille avec ses pommes, filmée en caméra infra-rouge, quelle est la signification ? » interroge une jeune fille au premier rang. Leur professeure, Bénédicte Giusti, après avoir remercié les élèves pour la grande attention dont ils ont fait preuve, intervient : « Je me mets à leur place : jusqu’à quel point ne pas montrer peut toucher des lycéens ? Il faut avoir une certaine connaissance de la Shoah pour décrypter le film. » Un argument repris par Lauda Guidicelli : « Avec ces zones d'ombres et ce hors-champ, le film est il assez parlant ? » Un élève va dans leur sens : « C’est un film sur le point de vue des nazis. Je ne suis pas sûr qu’on soit assez mature pour tout comprendre. » Des adhérents à l'Office national des combattants et victimes de guerre de la Haute Corse ont également participé à la séance. L'un d'eux intervient : « J’envie ces élèves qui ont, aujourd’hui, s'ils le souhaitent, avec les moyens actuels, accès à toutes les informations sur le sujet. » Entre le commandant du camp et sa femme, la question de savoir lequel des deux est le plus « horrible » provoque un débat. « Ils sont tous les deux horribles. Pas plus la femme que l’homme. Ce sont tous les deux des gros antisémites nazis » déclare une jeune fille. « À ce titre, le personnage de la grand-mère est intéressant. Il semble que ce soit la seule qui se rende compte du drame qui se joue à leur porte » ajoute sa voisine de fauteuil. « Le bébé qui pleure et la petite fille qui ne dort pas. Finalement, cette famille est fracturée, on sent que quelque chose ne va pas » précise une autre.
« Notre rôle est d'accompagner ce film »
« J’envie les élèves qui ont, s'ils le souhaitent, accès à toutes les informations sur le sujet » © LH
« C'est l'objectif de cette séance, se félicite Marguerite Pellegri Mondoloni. Montrer le visage humain de la barbarie et ce qu’il y a de plus inhumain dans le nazisme. » Elle ajoute : « Notre rôle en tant que parents ou enseignants est d’accompagner ce film et ses partis pris esthétiques. Comme on a pu le faire avec La vie est belle de Roberto Benigni qui avait choisi un tout autre angle pour parler des camps. » La Conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports, de l'égalité femmes-hommes, de l'innovation sociale, du handicap et de la solidarité internationale a également tenue à assister à la projection. Elle souligne « l'importance de ces débats, parce que chaque jeune peut réagir différemment à ce qu’il voit. »