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Jean-François Battini : « Remettre la droite au centre du jeu politique corse »


Nicole Mari le Mardi 26 Novembre 2013 à 22:50

Gagner les prochaines élections territoriales, c’est l’objectif affiché par l’UMP et son projet « Horizon 2015 ». Le camp libéral a tiré les leçons de l’amère défaite de 2010 et engagé, au moins en Corse-du-Sud, une stratégie de reconquête du pouvoir à tous les échelons électoraux. Par son projet territorial, il entend faire des propositions concrètes, claires et originales pour replacer la droite au centre du débat politique insulaire. Explications, sans langue de bois, pour Corse Net Infos, de Jean-François Battini, vice-président de la fédération UMP de Corse-du-Sud et président de la Commission du projet « Horizon 2015 ».



Jean-François Battini, vice-président de la fédération UMP de Corse-du-Sud et président de la Commission du projet « Horizon 2015 ».
Jean-François Battini, vice-président de la fédération UMP de Corse-du-Sud et président de la Commission du projet « Horizon 2015 ».
- Avec votre projet « Horizon 2015 », vous voulez faire de la politique autrement. Qu’entendez-vous par là ?
- Nous réfléchissons à changer les manières traditionnelles de faire de la politique. Il faut arrêter d’assommer les gens avec les mêmes débats et les mêmes positions généralistes. Heureusement qu’ils ont la mémoire courte ! Sinon, ils le prendraient assez mal ! Depuis 30 ans, on leur serine, sans arrêt, les mêmes sempiternels débats sur le sexe des anges : quel tourisme faut-il pour la Corse ? Faut-il aider la SNCM ? Faut-il plus de public ou de privé ? Doit-on protéger l’environnement ? Avec le même fil à couper le beurre ! Notre idée est de travailler différemment, de privilégier le concret et de traiter les attentes des gens.
 
- Que proposez-vous ?
- De poser des questions concrètes : quels projets touristiques voulons-nous mener ? Combien d’activité et d’emplois, ces projets vont-ils créer ? Aideront-ils concrètement la population au quotidien ? Ce travail n’est pas, en soi, novateur, il se pratique dans d’autres régions, mais assez peu chez nous. Une autre nouveauté est de déterminer des priorités. Les programmes des partis politiques sont de véritables catalogues qui dispersent le travail et les crédits dans tous les domaines, sans voir de résultats dans aucun. L’idée est de définir une direction, de se polariser sur quelques projets forts et d’y mettre le maximum de crédits. Six ans après, le citoyen-électeur peut vérifier si les élus ont tenu parole et s’il veut les reconduire dans leur mandat ! Cette méthode faciliterait la lisibilité de la politique en Corse.
 
- Cette nouvelle méthode fonde-t-elle votre démarche pour les prochaines Territoriales ?
- Oui. L’idée, initiée à l’UMP de Corse du Sud et qui s’étend aujourd’hui à l’UMP de Haute-Corse, est de s’engager fortement et de remettre la droite au centre du jeu politique corse en disant ce que nous avons envie de faire. Nous devons proposer plutôt que nous positionner sur les propositions des autres, sur le statut de résident, etc. Agir plutôt que commenter ! Sortir un projet original qui nous place au centre du débat avec des positions clairement identifiées afin que ce soit les autres qui réagissent à nos positions, et non l’inverse !
 
- Aujourd’hui, les Nationalistes apparaissent comme la seule force de propositions. Que fait la droite ?
- Je ne dirais pas que les Nationalistes sont la seule force de propositions. Ils s’expriment beaucoup. On n’entend qu’eux parce que le vide règne à côté. Le jour où ce vide disparaitra, on se rendra compte que des choses plus concrètes et plus utiles pour la Corse peuvent être proposées par d’autres. Il est vrai que, jusqu’à présent, ce n’est pas le cas de la droite. On ne jette la pierre à personne. Les manières de gérer étaient des manières traditionnelles d’avancer. Peut-être, aurions-nous fait la même chose, il y a 10 ans ! Aujourd’hui, nous considérons qu’il faut travailler autrement et être plus efficace. Nous avons défini trois priorités pour 2015.
 
- Lesquelles ?
- D’abord, de nous positionner géographiquement de manière différente. Il y a quelques années, j’ai conduit une liste de témoignage qui s’appelait : « Demain, la Corse » où je défendais l’idée de l’insertion forte de la Corse en Méditerranée. Nous avons repris cette idée pour en tirer toutes les conséquences. Aujourd’hui, la Corse se positionne exclusivement par rapport à Paris et se retrouve en bout de ligne au niveau géographique et économique. Nous interpellons Paris pour demander de l’aide et des subsides publics. Paris estime que nous ne sommes capables que de quémander sans faire grand chose. L’île n’a pas une forte crédibilité économique. Notre idée est de la réinsérer dans son environnement méditerranéen où elle devient centrale alors que, par rapport à Paris, elle est périphérique.
 
- Comment comptez-vous la réinsérer ?
- En travaillant avec la Catalogne, la Sardaigne, la Toscane, la Lombardie, mais aussi, bien entendu, avec la région PACA-Languedoc-Roussillon. Il ne s’agit, surtout, pas de s’éloigner de l’ensemble français, mais de travailler avec les régions environnantes. La proximité, la culture souvent commune et les économies, qui s’imbriquent plus facilement, peuvent, si nous y mettons les moyens, créer du développement, de l’activité et de l’emploi. Avec Marcel Francisci, nous sommes allés à Barcelone et à Milan pour rencontrer les responsables politiques régionaux et les milieux économiques et leur signifier notre désir, le moment venu, de travailler avec eux. Ils nous ont répondu qu’ils n’attendaient que ça, car nous avons des choses à faire ensemble !
 
- Quelles choses ?
- D’abord, nous voulons travailler à rendre les transports plus accessibles et plus réguliers entre ces points. Il est plus facile d’aller à Paris qu’à Milan ou à Barcelone, alors que ces deux villes sont plus proches de notre environnement. Faciliter ces déplacements, - Air Corsica pouvant jouer un rôle moteur -, c’est créer de l’activité économique et de l’emploi. Ensuite, il faut s’orienter vers la Méditerranée, montrer que la Corse n’est pas repliée sur elle-même, mais est ouverte sur l’extérieur. Cet axe nous permettrait de travailler sur nos valeurs, la langue et la culture corses pouvant y trouver un nouvel essor.
 
- De quelle manière ?
- Aujourd’hui, parler corse ou italien ne sert pas à grand chose. Mais, si, demain, nous travaillons avec l’Italie, le fait de maîtriser la langue corse permettra de parler plus facilement italien dans un parcours « Langues romanes » et, donc, à un jeune de réussir sa vie, suivre des études, faire un stage, trouver un emploi et créer de l’activité. Cela permettrait, aussi, d’offrir une issue à la langue corse qui ne se focalise pas seulement sur sa défense, comme on le fait actuellement. Même chose pour la culture et l’identité qui faciliteront notre intégration avec ces régions environnantes car nous possédons le même code de lecture des évènements ou de l’économie et la même conception de la vie. De ce premier grand axe, nombre de choses vont découler.
 
- Parler de l’atout de la langue corse n’est-ce pas en rupture avec le refus du groupe libéral de voter le statut de coofficialité ?
- Non ! Ce n’est pas en rupture ! J’ai une position mitigée sur la coofficialité. Il y a, à mon avis, d’autres manières plus fortes de promouvoir la langue. Je ne suis pas sûr que la solution soit, comme on veut le faire depuis longtemps en Corse, de traiter les problèmes par la question institutionnelle en édictant des règles et en pensant que l’économie et le culturel suivront. Malheureusement, ça ne marche pas toujours ! Il est vrai que le camp libéral s’est moins préoccupé de la langue et de la culture corses, mais il s’en occupe maintenant, et pas d’une façon alibi. Nous voulons les mettre au cœur des choses.
 
- Quelle est la seconde priorité ?
- Elle consiste à s’insérer plus fortement dans l’écologie et le développement durable. Tout le monde le dit, mais encore faut-il le faire ! Je déplore que tous les bâtiments publics de Corse ne soient pas équipés en énergie renouvelable et classés HQE (Haute qualité environnementale). Ce serait un bon exemple à donner. Si nous avions été capables, lorsque Nicolas Sarkozy a lancé le Grenelle de l’Environnement, de dire que nous voulions être la vitrine de la France en matière d’environnement, vu son amour pour la Corse, il aurait dit : « Banco ! ». Nous ne l’avons pas fait, il est encore temps d’agir pour l’avenir.
 
- Quel est le 3ème axe ?
-  Mettre, enfin, le cap sur les nouvelles technologies pour pallier le handicap de l’insularité et miser sur la qualité, l’excellence, l’agriculture biologique… Tout ce qui donne une valeur ajoutée afin que nos exportations ne dépendent pas seulement du prix où nous avons du mal à être compétitifs. En revanche, la Corse peut produire en plus grande quantité des produits agricoles Bio, le marché est porteur, et se développer, comme le fait très bien la filière viticole.

Laurent Marcangeli, député et conseiller général d'Ajaccio, candidat à l'élection municipale.
Laurent Marcangeli, député et conseiller général d'Ajaccio, candidat à l'élection municipale.
« Il faut faire un très bon score aux élections municipales »

- Après l’échec des Territoriales et face à une droite affaiblie qui étale ses divisions, quelle stratégie comptez-vous adopter pour renverser la vapeur ?  
- Je pense que la défaite de 2010 a fait du bien parce qu’elle était méritée et qu’il est bon de se remettre en cause. Une petite cure d’opposition ne fait de mal à personne ! Elle nous permet d’affirmer les idées que nous portons maintenant. Si nous étions restés aux responsabilités, nous aurions continué à gérer de la même manière sans avancer. Effectivement, le groupe à l’Assemblée, si on peut appeler ça un groupe, est totalement éclaté ! Il n’existe pas. Il y a presque autant de positions que de membres ! Il fait ce qu’il peut dans un contexte difficile et n’a pas la culture d’opposition. Mais, comme au niveau national, le groupe politique n’est important que lorsqu’il est au pouvoir et qu’il vote les projets. Lorsqu’il est dans l’opposition, le parti reprend la main. C’est donc la fédération UMP qui, depuis 2010, s’efforce d’impulser une nouvelle cohérence, d’affirmer notre identité et de faire des propositions fortes.
 
- Que fait-elle concrètement ?
- En Corse-du-Sud, sous l’impulsion de Marcel Francisci, nous avons réglé pas mal de choses et amorcé une dynamique progressive pour rebondir. En 2011, nous avons clarifié et conforté la majorité UMP au Conseil général où le président, Jean-Jacques Panunzi, fait un super travail. En 2012, lors des législatives, nous avons obtenu 3 députés UMP sur 4 insulaires. Ces victoires, dont l’une inespérée et l’autre inattendue, sont le résultat d’un engagement fort. Une phase d’union se met en place. La victoire de Laurent Marcangeli aux Législatives est le 1er élément qui nous permet d’aller plus loin. Parce que nous avons montré ce que nous sommes capables de faire, il a des chances, aujourd’hui, de remporter la mairie d’Ajaccio.
 
- La guerre des chefs a été l’une des causes de la défaite de 2010. Est-elle terminée ?
- Elle commence à s’estomper, non parce que les personnalités sont devenues angéliques, mais parce que la droite a vraiment la possibilité de reconquérir le terrain perdu, élection après élection. Chacun trouvera son positionnement, le moment venu. Le travail sur les idées et la stratégie de reconquête de sièges et de mandats porteront leurs fruits et feront émerger des leaders qui s’imposeront. Il y en a plusieurs. Abondance de biens ne nuit pas !
 
- Qui sera le chef de l’UMP corse ?
- Le chef du parti apparaîtra au fur et à mesure des élections à-venir. Marcel Francisci joue un rôle fondamental dans la fédération UMP de Corse-du-Sud. C’est lui qui a initié nombre de stratégies et poussé Laurent Marcangeli à aller au combat législatif. Il faut qu’un homme fort émerge, aussi, en Haute-Corse.
 
- L’adoubement à Paris a été, aussi, une autre raison de l’échec de 2010. Avez-vous pris un virage plus corsiste ?
- Oui. Le simple fait de se recentrer en Méditerranée montre qu’on n’attend plus que tout vienne de Paris. Pendant longtemps, la droite a été dans cette optique, comme tous les groupes politiques. Même les Nationalistes vivent dans l’opposition avec Paris ! Le changement à l’UMP, c’est que nous voulons nous affirmer, être nous-mêmes, pas pour nous éloigner de la Nation, mais pour proposer un contrat avec l’Etat. Pour avoir côtoyé Nicolas Sarkozy, je sais que c’est ce que Paris attend.
 
- Pensez-vous, ainsi, reconquérir l’Exécutif de l’Assemblée de Corse ?
- C’est tout à fait possible. Mais, d’abord, il faut faire un très bon score aux élections municipales. L’étape imposée est de remporter Ajaccio et la CAPA et d’assurer un score intéressant à Bastia… Là, ce sera réaliste. Sinon, ce sera très compliqué.
 
- Aucune tendance politique ne peut gagner seule, envisagez-vous des alliances,  par exemple avec les Nationalistes ?
- Une alliance est liée à un projet. Nous allons porter notre projet et affirmer nos valeurs et nos convictions, clairement libérales, clairement à droite et clairement corsistes. Notre but est de réaliser le meilleur score possible car la liste, qui sera en tête, en entrainera d’autres derrière elle. Si nous sommes en tête et que des Nationalistes, par exemple, sont prêts à appuyer notre démarche, pourquoi pas ! Mais sur nos valeurs. Il y a dans notre projet des choses dont ils auraient intérêt à s’emparer et qui les intéresseraient fortement. En revanche, nous ranger derrière leur bannière serait plus compliqué. Je crois que nous ne le ferons pas. Nous ne sommes pas dans une demande de nouveau statut, mais dans le concret. Nous disons qu’il faut avancer. Le jour où nous irons facilement à Milan ou à Barcelone pour créer des joint-venture, nous aurons avancé. Après, s’il faut modifier un texte, nous le ferons, mais un texte n’est pas tout !
 
- La conjoncture nationale, notamment le rejet de la politique gouvernementale et la montée du Front national, aura-t-elle un impact sur le vote territorial ?
- Je ne crois pas à la poussée du FN aux territoriales en Corse. Le vote FN est un vote contestataire de gens qui se sentent menacés sur leur terre. En Corse, ces revendications légitimes sont largement relayées par les Nationalistes. Le raz le bol de la politique gouvernementale devrait provoquer une vague bleue au niveau national, lors des Municipales, et le retour de Sarkozy. La reprise du pouvoir national par l’UMP, en 2017, sera un atout pour l’Exécutif corse.

Propos recueillis par Nicole MARI