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Jean-Charles Orsucci : "L’heure est venue de tourner une page politique"


H.B le Samedi 3 Juin 2017 à 20:46

Vice-président de l’Assemblée de Corse lors de la précédente mandature, et charismatique maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci n’a jamais fait mystère de l’inspiration qu’il tire de la pensée politique de Michel Rocard. Candidat au sein d’Enmarche! il vise le poste de député de la seconde circonscription de Corse-du-Sud aux côtés de Jean-Baptiste Luccioni. Progressiste et se présentant volontiers comme autonomiste, il affronte Camille de Rocca Serra (Les Républicains), Paul André Colombani (Pè a Corsica), Nadia Soltani (Union Populaire Républicaine), Nicolas Alaris (Parti Communiste Français), Yves Daïen (Lutte Ouvrière) et Dylan Champeau (La France Insoumise).



Jean-Charles Orsucci : "L’heure est venue de tourner une page politique"
- Avec à peine plus de 5 500 voix au 1er tour des Territoriales de 2015, vous étiez relégué au statut de simple observateur lors du 2nd tour. Aujourd'hui, vous vous présentez sous la bannière En marche! et faites figure d'homme de confiance en Corse du Président de la République. La représentativité électorale du courant insulaire que vous portez - la gauche autonomiste - est-elle suffisante pour incarner ce statut ?
- Depuis les Territoriales 2015, la donne politique en Corse a vécu un véritable séisme ! Ces scrutins ne sont en rien comparables. Si, aujourd’hui, je fais figure d’homme de confiance du Président Emmanuel Macron, c’est parce qu’alors que personne ne misait sur sa victoire, j’ai cru en lui, en sa démarche et en son discours. Au niveau local, comme national d’ailleurs, nous étions peu nombreux à envisager sa réussite. Ma proximité avec le Président est un fait, elle est le fruit d’un pari audacieux. Je n’ai jamais caché mes convictions autonomistes, je n’ai jamais prétendu m’en départir même pour une investiture. La Corse, depuis 2015, a politiquement évolué. Les Corses aspirent à une autre politique. Plus que des voix, j’incarne peut-être simplement un renouveau que la population appelle de ses vœux !

- Les premières semaines de la présidence Macron témoignent d'une confiance des électeurs, pourtant en Corse cette dynamique ne semble pas très visible. Qu'en est-il réellement ? En quoi les Corses peuvent-ils se reconnaître dans la politique présidentielle ?
- Au lendemain du 1er tour des élections présidentielles, j’ai ressenti un véritable désarroi, allant jusqu’à craindre une Corse aux antipodes du choix national au 2nd tour. Heureusement, notre Île a donné la majorité à Emmanuel Macron. L’électorat corse change, c’est indéniable ! Même s’il est moins démonstratif qu’ailleurs et plus frileux lorsqu’il s’agit d’un scrutin national. Les Corses rencontrent les mêmes problèmes que les Continentaux. Leur quotidien est rythmé par les mêmes difficultés : chômage, précarité, logement, fiscalité, charges sociales, retraites... Les solutions apportées par le nouveau Président lorsqu’il s’adresse aux citoyens, aux retraités ou aux chefs de petites entreprises, sont parfaitement transposables aux Corses. Quant à nos besoins spécifiques liés à notre insularité, notre identité, je saurai en être le porte-parole et le défenseur, comme je le suis depuis de longues années.

- La donne politique a changé en Corse. Les électeurs attendent plus de proximité avec les élus locaux. Pourtant, Enmarche! a donné ses investitures à des candidats de la famille politique de Paul Giacobbi. N'est-ce pas un signal contraire, envoyé par Paris, à cette volonté populaire de changement sur l'île ?
- La vie politique corse a changé, c’est un fait et l’électeur est plus soucieux de l’efficacité, voire de l’utilité de ses représentants. Il ne veut plus d’un symbole, d’un héritier. Il souhaite un élu présent, proche, qui sache se faire le porte-parole de ses inquiétudes et de ses revendications. En Marche n’a pas adoubé de famille politique, sinon, et vous le savez, je n’aurais pas été investi ! Les hommes et les femmes choisis l’ont été car ils ont démontré leur capacité à travailler, gérer, écouter... Ces candidats ont fait un choix audacieux, même courageux, et l’électeur saura faire preuve de discernement. Tous ont adhéré au discours du candidat Macron à Furiani, qui a démontré sa volonté et son engagement de faire changer la Corse et les relations avec Paris. Quant à mon appartenance à la « famille » politique de Paul Giacobbi, jai effectivement été membre de sa majorité territoriale et président de son groupe. Cependant, j’ai mené ma propre liste aux élections territoriales et je n’ai pas appelé à voter Paul Giacobbi au 2nd tour. C’est peut-être pour cela qu’aujourd’hui l’ancien président du Conseil Exécutif ne m’a pas cité comme un de ses « poulains » aux élections législatives. A vrai dire, je n’ai plus aucun contact avec Paul Giacobbi depuis juillet 2015. Pour moi, la page est tournée.

Depuis 1 an et demi les nationalistes sont au pouvoir à la CTC. La mandature est marquée par des avancées concrètes (transports, énergie, social) et l'opinion semble se satisfaire de la sérénité politique actuelle. Quel regard portez-vous sur cette mandature ?
Tout d’abord, je suis beaucoup plus réservé que vous sur le concret des avancées. Mais l’honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que deux ans de mandature ne suffisent pas à juger convenablement l’action d’une collectivité telle que la CTC.
Deux années de gestion ne permettent malheureusement pas d’initier de grands projets, de révolutionner une société. Mon regard par conséquent sera attentif, bienveillant mais critique si nécessaire.

- Face au député sortant, qui est bien implanté et fait figure de favori, mais aussi à la démarche Pè a Corsica qui semble portée par la dynamique territoriale, votre message ne risque-t-il pas d'être un peu noyé dans une circonscription très clivée ?
- J’ai choisi de m’engager en politique pour défendre les idéaux et les convictions qui sont les miens. Je n’y renoncerai pas pour un mandat électif, dussé-je m’adresser à mes concitoyens en outsider... Certes, il s’agit de ma première « législative », je ne suis pas sortant, je ne suis l'héritier d’aucun parti, mais je me fais fort de convaincre car je ne pourrai rien promettre. Je ne fonctionne pas ainsi. Ce n’est pas la solution de facilité, mais je me refuse à rejoindre une quelconque idéologie populiste de droite ou de gauche pour accéder aux responsabilités. Le Président de la République aura une majorité à l’Assemblée, majorité à laquelle je veux participer afin de faire aussi entendre la voix de l’Île. Je refuse l’idée que la Corse sera encore dans l’opposition, éloignée de tous pouvoirs de décision, et souhaite qu’elle soit entendue jusqu’au plus haut sommet de l’État. Pour être efficace, l’élu de la circonscription doit appartenir au groupe de la majorité présidentielle afin de peser, exister, ou simplement s’exprimer.

Quand bien même quatre élus de « Pè A Corsica » arriveraient au Palais Bourbon, ne siégeant pas dans un groupe parlementaire, ceux-ci n’auraient aucune visibilité médiatique et ne bénéficieraient d’aucune logistique de groupe tant sur le plan humain que technique. Ils seront donc inefficaces et leur présence ne relèvera que de la pure symbolique.
Aujourd’hui je suis le seul à pouvoir parler directement au Président de la République ou à son entourage.

Je suis l’unique candidat qui demain, membre du groupe parlementaire que j’envisage majoritaire, pourra faire avancer la Corse car j’aurai les moyens médiatiques et humains pour convaincre et rendre effectives les idées que je porte : y compris l’Autonomie de la Corse dans la République.

- Vous l'avez annoncé, votre avenir au sein de la gauche insulaire et votre envie de mener un rassemblement des idées et des énergies de la gauche autonomiste au mois de décembre pourrait se jouer dimanche. N'est-ce pas là un pari un peu trop audacieux ?
- J’opposerai l’audace à l’immobilisme... Les électeurs choisiront. L’heure est venue de tourner une page politique, la Corse doit emprunter le chemin du pragmatisme, de la décentralisation, de la modernité, et du renouveau politique. J’incarne ce changement, j’ai prouvé dans ma ville que le mode de gouvernance basé sur l’ouverture, sur l’intérêt collectif n’est pas voué à l’échec. L’expérience a fait ses preuves à Bonifacio et réussira au niveau national, c’est ma conviction. Pourquoi ne pas initier un tel élan, progressiste et autonomiste en Corse ? Il suffit que les corses adhèrent à cette démarche novatrice et audacieuse, le prochain scrutin nous le dira.