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H. Malosse : "Une chance, pour moi, d’avoir été écarté de la liste de Paul Giacobbi"


Nicole Mari le Dimanche 11 Octobre 2015 à 20:23

Il fut le premier à annoncer, le 9 mai dernier, sa présence sur la liste de Paul Giacobbi pour les élections territoriales des 6 et 13 décembre. Mais, cinq mois plus tard, Henri Malosse, qui vient d’achever son mandat de président du Conseil économique et social européen, se retrouve hors-jeu. Selon le président de l’Exécutif de l’Assemblée de Corse, il aurait joué les divas en refusant la 7ème place qu’il jugeait trop lointaine. Il a, dans un bref communiqué, exprimé son étonnement devant son éviction brutale. Il livre, à Corse Net Infos, sa version des faits.



Henri Malosse, ex-président et membre du Conseil économique et social européen.
Henri Malosse, ex-président et membre du Conseil économique et social européen.
- Comment expliquez-vous votre éviction ?
- Ma version, après quelques jours de recul, est qu’on ne me souhaitait pas sur cette liste. D’une certaine manière, je comprends pourquoi. Et je comprends aussi pourquoi, finalement, je suis satisfait de ne pas y être. Quand j’ai, le 9 mai, déclaré ma candidature et mon soutien à Paul Giacobbi, j’ai été critiqué. A mes détracteurs qui me disaient « Où sont vos principes et votre éthique ? », je répondais « Si je vois que mes principes et mon éthique sont en danger, je le reconnaîtrai et je quitterai cette aventure ». C’est ce que j’ai fait ! Je veux leur dire à tous que j’ai bien compris leur message et que je reconnais qu’ils avaient raison.
 
- Que s’est-il passé exactement ?
- Tant que nous avons discuté de programme, d’idées et de vision, les conversations en tête à tête avec Paul Giacobbi étaient très intéressantes. C’est cela qui m’a attiré. Je me reconnaissais dans ce qu'avait fait cette mandature. Je voulais travailler sur l’ouverture de la Corse vers l’Europe et la Méditerranée. Mais, quand il s’est agi de constituer la liste, en dehors de la question de la place qui, pour moi, n’est pas essentielle, j’ai tout de suite vu, lors d’une réunion, samedi à Venaco (samedi précédant la divulgation de la liste, ndlr), que ce n’était plus la même chose.
 
- Qu’est-ce qui avait changé ?
- Je me suis trouvé dans une réunion qui n’était pas dirigée par Paul Giacobbi, mais par Mimi Viola, et qui consistait à savoir combien de voix avait le maire de tel village ou de tel autre. J’ai dit, à ce moment-là, qu’à mon avis, et je n’étais pas le seul à le dire, c’était une fausse vision et qu’on ne pouvait plus raisonner comme cela au 21ème siècle. Considérer que les voix des électeurs vous appartiennent, que tel maire ou tel président de je ne sais quoi a 1 000 ou 2 000 voix dans sa poche ou dans sa valise ! On m’a expliqué que je n’avais pas de voix dans mes poches et que, donc, je devais accepter ce qu’on me proposait.
 
- Avez-vous négocié ?
- J’ai eu une discussion assez vive. J’ai argumenté en disant que cette vision politique ne correspondait pas du tout à mon éthique et que j’avais des relations de confiance avec Paul Giacobbi. J’ai la faiblesse de croire qu’en tant que 5ème personnage de l’Union européenne, je peux apporter quelque chose à la Corse. J’ai simplement demandé si on pouvait reconsidérer ma place. Comme je n’ai pas accepté sans discussion la position qui m’était faite, on m’a écarté. On a négocié avec ceux qui avaient des voix, mais pas avec moi.
 
- Pourquoi avez-vous refusé la 7ème place ?
- C’était un diktat sans discussion ! J’ai demandé à être positionné plus haut sur la liste, non à titre personnel, mais parce que j’étais toujours sur l’idée que Paul Giacobbi m’avait expliquée. Il disait qu’il voulait une liste qui mettait en avant des compétences, des idées, des visions et, ensuite, une répartition géographique que je comprends tout à fait. Je trouvais un peu bizarre qu’il arrive, au dernier moment, avec la vision d’une liste électoraliste et clientéliste qui ne correspondait pas du tout au concept qu’il m’avait vendu. Je pensais partir sur la liste de Paul Giacobbi, pas sur la liste de Paul Giacobbi et de Mimi Viola !
 
- Quand avez-vous appris votre exclusion ?
- Deux jours après, on m’a dit par SMS qu’il n’était pas possible de reconsidérer ma place et que, par conséquent, je n’étais pas sur la liste. Je suis révolté, non par la façon dont cela s’est fait, malgré le manque d’élégance et de transparence, mais par cette conception de la politique que j’ai touchée du doigt et dont j’avais entendu parler. Mais bon Dieu ! Les voix n’appartiennent pas aux élus ! C’est le contraire ! Ce sont les élus qui dépendent des électeurs ! C’est du servage ! C’est le Moyen-Age ! Je trouve cette conception scandaleuse, dépassée et insultante pour les citoyens corses. Finalement, je considère que c’est une chance, pour moi, d’avoir été écarté.
 
- C’est-à-dire ?
- C’est une chance de garder ma dignité et mon éthique et de m’investir en Corse pour apporter ce que je souhaite : une vision, une ouverture sur l’Europe, la Méditerranée et le monde, le développement économique, la dynamique sur la création d’entreprises… Mais on ne fera tout cela que si on change cette méthode de gouvernance d’un autre âge ! Depuis des années que je sillonne la Corse, notamment depuis deux ans et demi en tant que président d’une institution européenne, j’ai ressenti que beaucoup de gens attendaient de moi que je lève le voile sur ces pratiques et que j’amène une autre vision de la politique.
 
- Vous ne pouvez pas ignorer que « cette méthode de gouvernance » est stigmatisée, de manière récurrente, par certains leaders politiques corses. Alors, pourquoi avoir accepté d’y aller ?
- Non ! Non ! Je savais que ça existait. J’en avais entendu parler, mais j’ai rejoint Paul Giacobbi sur une vision et des réalisations de sa mandature, notamment le statut de résident. J’ai été profondément déçu et perturbé par le décalage entre un discours séduisant et une mise en pratique détestable. Je me suis retrouvé dans la réunion de Venaco replongé, même pas au 18ème siècle ! A l’époque de Pascal Paoli, c’était, quand même, plus démocratique ! Je suis tombé de la chaise ! Je me suis rendu compte qu’on m’avait utilisé pour donner une certaine image. Quand on a évoqué le programme politique qui serait mis en place, j’ai parlé, comme je l’ai souvent fait dans les réunions thématiques, de lutter contre les monopoles qui, à mon avis, enserrent la vie économique de la Corse. J’ai senti un blanc, même un certain effroi. Finalement, on m’a peut-être jugé dangereux parce que je ne collais pas à leur vision.
 
- Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
- Je retire, de cette expérience, encore plus de détermination pour m’investir dans l’avenir de la Corse. Quelqu’un a écrit sur Twitter : « Henri Malosse, météorite des Territoriales, arrivé le 9 mai, parti maintenant ». Je ne pars pas ! Je vis, maintenant, principalement en Corse en faisant des aller-retour sur Bruxelles et Paris. Le président Juncker de la Commission européenne m’a demandé de participer à un groupe de conseillers sur les relations entre les citoyens et la construction européenne. Je suis toujours membre du Comité économique et social européen. Je reste à l’écoute de la Corse.
 
- Qu’allez-vous faire exactement ?
- Je n’ai jamais été autant sollicité que depuis l’annonce de mon exclusion de la liste de Paul Giacobbi. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de félicitations que j’ai reçues, cela me réconforte et m’incite à continuer à m’engager. Avec tous les amis qui m’ont suivi, et il y en a de plus en plus, je veux rassembler, au-dessus de tous les partis, les gens qui sont révoltés et me mettre, ainsi, au service de la population de Corse et non pas considérer que la population corse est à mon service. On ne me fera pas taire !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.