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Gilles Simeoni : « Le temps de la fuite en avant et de la cavalerie pour les aides aux communes est terminé ! »


Nicole Mari le Dimanche 4 Juin 2017 à 22:07

La Commission de contrôle et d’évaluation de l’Assemblée de Corse a rendu son rapport sur le règlement d’aides aux communes de la Collectivité territoriale de Corse (CTC). Un travail salué par le président de l’Exécutif qui revient, pour Corse Net Infos, sur les dérives et les enjeux d’un système souvent vital pour les communes, mais qui fut considéré, sous l’ancienne mandature, comme le bras armé du clientélisme. Gilles Simeoni dénonce un fonctionnement opaque et inéquitable, notamment, du fonds de développement qu’il entend supprimer et remplacer par un fonds de territorialisation attribué selon des critères objectifs. Il annonce la création d’un fonds dédié pour aider les trésoreries des petites communes et la mise en œuvre d’une réforme de fond pour rompre avec tous les dysfonctionnements. Il affirme que la dotation quinquennale sera, désormais, honorée, tous les ans, dans les délais fixés.



Gilles Simeoni, président du Conseil eexécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC).
Gilles Simeoni, président du Conseil eexécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC).
- Comment appréhendez-vous ce rapport dont vous avez salué la qualité ?
- J’ai salué, à un double titre, le travail de la Commission et de son président, Jean-Martin Mondoloni, tant au niveau des principes que du contenu. D’abord, sur ce qu’il révèle de l’évolution du fonctionnement de notre institution. Je suis persuadé qu’il faut un système politique où, comme c’est la règle dans toute démocratie, le pouvoir arrête le pouvoir, où il y a des contrepoids entre les différentes institutions. Dans cet esprit, il est important que l’organe délibérant, l’Assemblée de Corse, puisse porter un regard sur l’action du Conseil exécutif, et nourrir avec lui des échanges permanents à travers des rapports, des questions orales et des travaux en Commissions. Que la Commission de contrôle et d’évaluation monte en puissance et exerce ces prérogatives est, de ce point de vue-là, un très bon signe ! De même, le fait que le Conseil économique, social et culturel soit, aujourd’hui, beaucoup plus valorisé dans son action, participe à un meilleur fonctionnement de nos institutions.
 
- Est-ce la Commission qui a choisi le sujet ?
- Oui ! Elle a choisi, pour son premier travail, de s’intéresser à une question fondamentale, celle du dispositif d’aides aux communes de la CTC. Ce dispositif est une création prétorienne puisqu’il ne repose sur aucun texte législatif et règlementaire. Il a été développé au titre de la compétence générale et est devenu d’une importance majeure pour toutes les communes et les intercommunalités, notamment à travers la dotation quinquennale. C’est dans ce domaine que peuvent se nicher des dysfonctionnements, voire des dérives, dans la façon de fonctionner, et où domine le risque de glisser, de façon plus ou moins perceptible par l’extérieur, d’une logique d’équité et de transparence à une logique d’iniquité, voire d’opacité. Ce qui, malheureusement, a souvent été le cas, ces dernières années.
 
- Vous avez dit, en session, qu’en tant qu’élu territorial, vous n’aviez jamais compris comment fonctionnait, sous l’ancienne mandature, l’aide aux communes ?
- C’est vrai ! Ce rapport le démontre ! Quand le président de l’Exécutif le dit, on peut le soupçonner, sinon de partialité, du moins de parti-pris ou d’exagération. Mais, la Commission de contrôle et d’évaluation, qui est composée de membres de tous les groupes politiques siégeant à l’Assemblée de Corse, est arrivée au même constat. Aucun élu de la CTC, autres que le cœur de l’ancien Conseil exécutif, je dirais même, aucun des bénéficiaires, à savoir les maires et les présidents des intercommunalités, n’ont jamais compris comment fonctionnait le système d’aide aux communes ! Et, pour cause ! Rendre compliqué et opaque, ce qui devrait être simple et lisible, est une façon de gouverner ! Ce n’est pas la nôtre ! En sens inverse, s’efforcer de rendre le plus lisible possible, ce qui est techniquement compliqué, c’est une autre façon de gouverner, totalement différente de la première. C’est la nôtre.

Gilles Simeoni à la rencontre des maires, ici à Carpinetu avec le maire, Marcel Ferrari, et son premier adjoint.
Gilles Simeoni à la rencontre des maires, ici à Carpinetu avec le maire, Marcel Ferrari, et son premier adjoint.
- Que vous inspire le contenu du rapport ?
- Le rapport est divisé en trois parties. La première rappelle la naissance de ce dispositif et le premier règlement d’aides du temps de la présidence de Jean Baggioni. Ce règlement, alors novateur, avait assuré une forme de transparence et d’équité tout à fait louable qu’il faut, à l’évidence, non seulement conservée, mais renforcée et adaptés aux nouvelles exigences des bénéficiaires, de l’état budgétaire des différentes collectivités publiques et de l’évolution du paysage institutionnel. La deuxième partie fait un constat critique de ce qui va et ne va pas. Elle prouve la réalité de ce que j’avais énoncé lors de mes différentes interventions, notamment concernant le fameux fonds de développement.
 
- Un fonds que vous avez souvent dénoncé sous l’ancienne mandature ?
- Oui ! J’ai souvent pointé du doigt le fonctionnement inéquitable, voire opaque, de ce fonds, mal nommé d’ailleurs puisque c’était tout, sauf un fonds de développement ! Il a été créé, sous la précédente mandature, hors de tout règlement. C’était une forme de cagnotte, mobilisable à discrétion dans des conditions peu orthodoxes au plan budgétaire puisque les sommes n’étaient pas individualisées dans le montant global de la dotation quinquennale. Cet argent était mobilisé, non pas en fonction de la qualité des projets ou par application de critères bien définis, mais en fonction des besoins politiques, voire électoraux, du moment ! Avec un impact très significatif ! En cinq ans, 27 millions € de ressources budgétaires ont été attribuées au titre de ce pseudo-fonds de développement. Des arrêtés attributifs de subventions ont même été émis sans crédits de paiement correspondants. Il reste, aujourd’hui, près de 9 millions € à payer, qui sont en suspension dans la nature ! Certaines opérations ne sont pas contestables, d’autres le sont un peu plus !
 
- La troisième partie du rapport liste 35 propositions et retient trois principes : le contrôle, la transparence et l’équité. Les agréez-vous ?
- Oui ! Ce sont des préconisations de court et moyen termes, certaines à mettre en œuvre immédiatement, d’autres anticipent la création de la collectivité unique. J’ai, au niveau du Conseil exécutif et de l’administration de la CTC, commencé à réfléchir sur le renforcement des aspects positifs et l’évolution des aspects défaillants, et mené une large consultation auprès des maires. Tout ce qui donne satisfaction sera maintenu, notamment le principe même d’un règlement d’aides, qui fixera des critères objectifs, ainsi qu’un certain nombre de dispositifs. Ce qui est certain, c’est la suppression de ce fonds de développement qui n’en est pas un ! L’idée est de le remplacer par un fonds de territorialisation dont l’enveloppe serait clairement individualisée au niveau de l’exercice budgétaire.
 
- C’est-à-dire ?
-  Au titre du dispositif d’aides aux communes, la CTC dépense entre 20 et 22 millions € de crédits de paiement par an. L’idée serait, dans cette enveloppe globale, d’affecter 5 ou 6 millions € à ce fonds de territorialisation à partir duquel seraient financées des opérations structurantes. Le but est d’inciter les communes ou les intercommunalités à penser des opérations à l’échelle du territoire avec des mutualisations d’outils, si le projet est porté par la commune, ou avec des structures financées par les intercommunalités. Cela aurait un effet levier sur l’optimisation de toutes les politiques publiques que nous essayons de mettre en œuvre.
 
- Y aura-t-il d’autres innovations ?
- Oui ! Nous travaillons à la création d’un fonds dédié pour aider les petites communes à faire face, dans des conditions financières plus avantageuses, aux difficultés de trésorerie qui sont une des caractéristiques des contraintes de l’action communale en Corse. Des communes, avec des budgets très faibles, sont obligées de faire des prêts-relais et se heurtent à des problèmes d’accès aux crédits bancaires et de paiement des intérêts. Nous réfléchissons, aussi, à des mesures techniques pour faciliter l’instruction des dossiers et aider les communes à hiérarchiser leurs priorités dans la consommation de leur dotation quinquennale avec une vision pluriannuelle. Nous étudions, également, une simplification des procédures, une aide à l’ingénierie pour le montage des dossiers, une meilleure concertation avec l’Etat sur les projets cofinancés, et des mécanismes de péréquation pour introduire des coefficients afin d’aider plus les communes qui en ont le plus besoin.

Gilles Simeoni et les maires du Centre Corse.
Gilles Simeoni et les maires du Centre Corse.
- Des maires étaient très inquiets, à votre accession au pouvoir, concernant leur dotation quinquennale. Des inquiétudes persistent. Que leur répondez-vous ?
- Conformément à ce que nous faisons partout, nous travaillons à éliminer le décalage entre les arrêtés attributifs de subventions et les crédits de paiement disponibles. Le temps de la fuite en avant et de la cavalerie est terminé ! Il faut savoir qu’il y a plus de demandes, au titre de la dotation quinquennale, que de crédits de paiement disponibles. Mais plutôt que de s’engager dans une logique de cavalerie, nous avons demandé aux 360 communes d’identifier deux projets qu’elles sont certaines de démarrer cette année. Nous financerons ces deux projets, les autres le seront dans le temps. Nous avons individualisé la totalité des dotations quinquennales.
 
- Des maires affirment qu’ils attendent leur dotation et n’ont aucune réponse des services de la CTC. Est-ce exact ?
- Nous avons eu, pendant quelques semaines, un problème d’organisation administrative. Les deux principaux responsables du service de l’aide aux communes et des dynamiques territoriales ayant pris leur retraite en même temps, le service s’est retrouvé en sous-effectif. Ce problème de fonctionnement interne est corrigé. Un directeur a été désigné. Le service fonctionne, aujourd’hui, à plein régime. L’important, au delà de cette difficulté conjoncturelle, est que nous sommes revenus à une logique d’orthodoxie budgétaire totale. La dotation quinquennale sera, désormais, honorée, tous les ans, dans les délais fixés. A tout arrêté attributif de subventions pris, correspondra un crédit de paiement. Aujourd’hui, nous avons payé tout le monde. Tous les arrêtés attributifs de subventions ont été pris et transmis à la paierie.
 
- Reste le problème du calendrier ?
- Oui ! L’idée est, chaque fois que possible, d’améliorer les dispositifs d’ici à décembre, et de créer les conditions pour que ceux qui seront désignés par le suffrage universel aient la possibilité optimale, après le 1er janvier 2018, de maintenir l’action publique sans aucune rupture, ni difficulté. Les communes doivent être certaines d’avoir un interlocuteur qui puisse répondre à leurs attentes concernant la mobilisation de leur dotation quinquennale. Nous avons, donc, engagé une réforme de fond qui permettra de consolider tous les acquis positifs et de rompre avec tous les dysfonctionnements et les dérives. Nous voulons que toutes les communes soient soutenues dans leurs projets à travers un dispositif et un règlement qui garantiront l’équité, la lisibilité, la transparence et l’efficacité.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.