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Gilles Simeoni : « Le modèle écossais, validé par l’Europe et performant, confirme notre vision des transports maritimes »


Nicole Mari le Vendredi 1 Juillet 2016 à 19:23

Une délégation d’élus corses, menée par le président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), Gilles Simeoni, s’est rendue, du 29 juin au 1er juillet en Ecosse pour étudier les politiques publiques en matière de transports maritimes et le service de desserte qui relie la région aux 790 îles qui l’environnent. L’objectif, pour l’Exécutif nationaliste qui entend créer une compagnie régionale sur le modèle écossais, est de mettre en place le système le plus performant possible, compatible avec le droit européen, efficace, bénéfique pour la Corse et rentable. Gilles Simeoni explique, à Corse Net Infos, que le voyage a été riche d’enseignements et qu’il conforte sa volonté de construire un modèle économique vertueux de maîtrise des



La délégation corse autour du président de l'Exécutif Gilles Simeoni.
La délégation corse autour du président de l'Exécutif Gilles Simeoni.
- Quel était l’objet de cette visite en Ecosse ?
- Le but est de nourrir la réflexion pour définir, avec l’Exécutif et l’ensemble des élus de l’Assemblée de Corse, le modèle le plus performant de desserte maritime. Dans ce cadre-là, nous avons déjà eu plusieurs séquences de travail approfondies et des retours d’expériences de divers pays ou régions insulaires qui disposent de système de continuité territoriale. Nous avons eu un contact avec le gouvernement écossais par le biais du cabinet Odyssée Développement qui, à plusieurs reprises, a collaboré avec lui et travaille, aujourd’hui, avec l’Office des transports de la Corse (OTC). Nous avons, pour notre part, des contacts politiques avec les Ecossais. Grâce à ce double angle politique et technique, nous avons pu entrer en relation avec l’Office des transports écossais et les compagnies maritimes en charge du transport Scotland. Nous avons décidé d’aller voir sur place comment fonctionne, concrètement et de façon opérationnelle, leur système !
 
- Pourquoi ? En quoi le système écossais est-il intéressant ?
- C’est un système qui ressemble beaucoup à celui vers lequel nous voulons prioritairement nous orienter. L’intérêt majeur du schéma écossais est qu’il dispose, d’un côté, d’une société d’investissement, et, de l’autre, d’une société d’exploitation. La différence importante est que la société d’investissement est publique et de droit privé. Son actionnaire unique est le gouvernement écossais. Idem pour la société d’exploitation. Le gouvernement écossais en est l’actionnaire unique, le Conseil d’administration est désigné, mais composé uniquement de personnes privées qui administrent de façon indépendante la société. Ce binôme société d’investissement - société d’exploitation, y compris lorsqu’il est totalement public, est validé par la Commission européenne. C’est très important !
 
- Comment fonctionne concrètement ce système ?
- La société d’investissement est propriétaire de 32 bateaux et fait des appels d’offres sur trois DSP (Délégation de service public) inter-Ecosse. Une DSP vers l’Ouest, une vers le Nord et une vers les petites îles. L’Ecosse compte 790 îles dont la plupart à faible population. Les DSP sont assez semblables à la nôtre avec une forte saisonnalité, de nombreux touristes et une population résidente pour laquelle il faut assumer une importante continuité territoriale. Nous en tirons trois enseignements : leur société d’investissement, les 32 bateaux, des appels d’offres par DSP… L’appel d’offres a été gagné par la société d’exploitation publique. Cela nous conforte dans nos idées de développement économique de la filière en amont et en aval.
 
- C’est-à-dire ?
- En amont, la société a noué un gros partenariat avec le système éducatif, notamment au niveau de l’information et des débouchés pour les apprentis. En aval, le gouvernement a développé tout un secteur économique, notamment dans les chantiers navals. Nous avons visité le chantier naval de Ferguson Marines qui a remporté l’appel d’offres de la société d’exploitation pour construire les bateaux, y compris, ensuite, pour les entretenir. Ce sont deux contraintes différentes.
 
- La mise en place d’une telle filière économique est-elle possible en Corse ?
- Bien sûr ! Forcément pas à la même échelle ! L’Ecosse a six millions d’habitants et un PIB (Produit intérieur brut) sans commune mesure avec le nôtre. L’idée est transposable du moment que le système est sécurisé et qu’existe une volonté politique de développer en amont et en parallèle des outils qui, en plus, feront gagner de l’argent dans une logique d’économie circulaire. Il est intéressant de voir que deux sociétés différentes sans lien juridique entre elles soient en permanence en concertation et en interaction pour améliorer le service, notamment le développement de la flotte… L’exploitant prévient qu’il faut faire évoluer la flotte en tel sens, changer tel bateau… Ce qui lui permet aussi de se positionner sur des appels d’offres extérieurs, en dehors de l’Ecosse. Ce que nous ne ferons pas ! Ces sociétés gagnent de l’argent et les excédents sont restitués tous les ans au gouvernement !
 
- Ce modèle écossais vous-a-t-il conforté dans l’idée que créer une compagnie publique corse était possible et viable ?
- Oui ! Cela nous a déjà confirmé que ce type de compagnie était juridiquement compatible avec les exigences du droit européen. C’est fondamental ! Economiquement, ce modèle fonctionne et est même générateur d’une plus-value importante, directement sur le service maritime lui-même et, à côté, en termes d’emplois directs et indirects. Enfin, nous tenions à ce que l’ensemble des groupes politiques de l’Assemblée de Corse puisse participe à ce voyage. Le président de l’OTC, Jean-Félix Acquaviva, les a tous invités. Nous regrettons que tous ne soient pas venus. Manquaient le Front national et le Front de Gauche. Sont venus le Groupe Les Républicains, représenté par José Rossi, le groupe Prima a Corsica représenté par Antoine Ottavy, et, bien sûr, les deux groupes nationalistes Femu a Corsica et Corsica Libera.
 
- Qu’en ont-ils pensé ?
- Chacun garde sa capacité d’analyse, mais je pense que ce voyage a permis à tous de toucher du doigt une réalité objective qui fonctionne bien. C’est, quand même, un signal d’espoir fort.
 
- La DSP Corse-Marseille arrive à échéance au 1er octobre. Il y a urgence. Quand comptez-vous présenter votre propre projet de compagnie régionale ?
- Nous avons beaucoup travaillé. Nous devons faire face à un calendrier très resserré. D’ici au 5 septembre, notre projet sera bouclé et susceptible d’être soumis au vote de l’Assemblée de Corse, avec derrière l’appel à concurrence.
 
- Le double schéma, société d’investissement, d’un côté, et société d’exploitation, de l’autre, est-il acté ?
- Oui ! Nous privilégions un schéma général basé sur deux SEMOP (Société d’économie mixte à objet prioritaire), une pour les ports principaux et une pour les ports secondaires. La société d’investissement aura pour actionnaire majoritaire, l’actionnaire public, c’est-à-dire la CTC, mais elle a vocation à s’ouvrir à des partenaires privés. L’idée est de sanctuariser les actifs, notamment les bateaux pour ensuite les affréter, les louer dans le cadre du contrat d’exploitation. Avec une différence, l’appel d’offres ne porte pas sur le service à effectuer, mais sur la participation au sein de la SEMOP puisque l’objet unique de la SEMOP est précisément de rendre le service en question dans le cadre d’une concession. Là aussi, c’est un système validé pour l’Europe. Notre objectif est de créer un modèle économique vertueux.
 
- Qu’entendez-vous par là ?
- Nous ne sommes pas là pour faire des profits illicites, ni au profit du public, ni au profit des partenaires privés. Nous sommes là pour construire un modèle qui soit économiquement performant et dans lequel des partenaires privés puissent trouver un intérêt et un profit raisonnables. Tout en gardant à l’esprit que l’objectif central doit rester celui de défendre l’intérêt général de la Corse et des Corses, des résidents comme des entreprises, de faire baisser les tarifs tout en atteignant un seuil de rentabilité. La maîtrise de nos transports, pour laquelle nous nous battons, n’est pas une fin en soi, mais un dispositif au service d’une vision stratégique de l’économie et du développement.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.